Une victoire d’étape, mais la bataille continue
L’Uruguay a remporté son long conflit contre le cigarettier Philip Morris, qui lui réclamait 25 millions de dollars (près de 22,5 millions d’euros) en compensation des pertes occasionnées par la stricte réglementation antitabac locale.Le géant helvético-américain poursuivait depuis 2010 ce petit pays sud-américain (3,3 millions d’habitants) pour avoir notamment augmenté la taille des avertissements sanitaires sur les paquets de cigarette.
« L’État uruguayen est sorti victorieux et les réclamations de la compagnie de tabac ont été rejetées », a déclaré, vendredi 8 juillet, le chef de l’État Tabaré Vázquez à la télévision, après le jugement favorable émis par le tribunal arbitral de la Banque mondiale (Ciadi).
« C’est une immense victoire dans (…) le combat pour la santé publique », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) l’avocat de Montevideo, Paul Reichler. Cette décision servira aussi de « précédent » pour les autres pays qui s’engagent dans la lutte « contre le fléau de la consommation de tabac », a ajouté le conseil.
Farouche opposant antitabac, le milliardaire américain et ex-maire de New York, Michael Bloomberg, a ainsi assuré que cette annonce montrait aux États qu’ils pouvaient « se mesurer à l’industrie du tabac et gagner ».
Le groupe Philip Morris, basé en Suisse, a réagi par la voix de son vice-président Marc Firestone : « Depuis sept ans, nous respectons déjà la régulation en question dans cette affaire, donc la décision d’aujourd’hui ne change pas le statu quo. »
« Nous n’avons jamais remis en cause l’autorité de l’Uruguay en matière de protection de la santé publique et cette affaire ne concernait pas des questions générales de la politique sur le tabac », a-t-il ajouté, estimant que la législation du pays méritait une « clarification selon le droit international ».
Revers similaire en mai
En 2006, l’Uruguay était devenu le premier État d’Amérique latine, et le cinquième au monde, à interdire la cigarette dans les lieux publics sous l’impulsion de M. Vázquez – le cancérologue, président en 2005 et 2010, est revenu au pouvoir en 2015.
Quatre ans plus tard, Philip Morris (PMI) avait attaqué le pays pour avoir notamment interdit aux cigarettiers de vendre plusieurs déclinaisons d’une même marque et les avoir contraints à augmenter à 80 % de la surface du paquet la taille des messages sanitaires liés à la consommation de tabac.
L’entreprise estimait que ces mesures violaient le traité bilatéral d’investissement liant la Suisse à l’Uruguay et réclamait 25 millions de dollars à Montevideo pour les pertes occasionnées. En juillet 2013, le Ciadi avait accepté de laisser la procédure se poursuivre, permettant que la plainte soit désormais étudiée sur le fond.
Philip Morris a connu un revers similaire en mai, quand la Cour de justice de l’Union européenne (UE) a validé la directive européenne sur le tabac, rejetant des recours introduits par le cigarettier et par la Pologne contre l’interdiction des arômes comme le menthol et l’uniformisation des paquets.
Le groupe, qui n’a désormais plus aucun litige en cours concernant la protection de ses investissements, a réitéré sa « volonté de rencontrer des représentants du gouvernement uruguayen, notamment pour envisager les cadres légaux qui permettraient aux centaines de milliers d’adultes fumeurs dans le pays d’avoir un accès à l’information sur les alternatives à risque réduit au tabac ».
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