L’alliance de la SSR, de Swisscom et de Ringier inquiète.
Le média vend des fenêtres publicitaires à des TV étrangères. De gauche à droite, la politique grimace.
La rengaine est connue: si la SSR s’allie avec Swisscom et le groupe de médias Ringier pour commercialiser de la publicité, c’est pour combattre l’évasion de juteux montants vers les chaînes concurrentes étrangères. Or, que fait la société publique de radio-TV? Elle vend justement, via la plateforme commune Admeira, des fenêtres publicitaires aux télévisions françaises TF1, TMC et NT1.
La pratique se fait clairement vilipender par la conseillère nationale UDC Natalie Rickli (ZH), pourfendeuse notoire de la SSR. Mais elle est loin de laisser les autres parlementaires de marbre. Pour une fois, un consensus fait même mine de régner de gauche à droite.
Le conseiller national Jacques-André Maire (ps, NE) envoie une salve. «Cela ne va pas! La SSR doit rester cohérente. Je n’en reviens pas.» Au PDC, pourtant fidèle soutien du groupe audiovisuel, on fait la moue. «L’objectif d’Admeira était de garder l’argent de la publicité en Suisse. Commercialiser des fenêtres à l’étranger ne correspond pas à ce but louable», déplore Viola Amherd, conseillère nationale valaisanne.
Garder la pub en Suisse
«Cette façon de faire heurte, ne serait-ce qu’au vu de la crise traversée par les médias privés, notamment la presse écrite», assène Hugues Hiltpold (plr, GE).
En effet, depuis le début, l’alliance de la SSR, de Swisscom et de Ringier inquiète de larges cercles. La distorsion de concurrence est évoquée. S’y ajoute la circulation de données personnelles entre un acteur parapublic, Swisscom, et un grand groupe privé, Ringier.
Toujours au PLR, même les députés plus conciliants avec la SSR veulent creuser la question. Il en va ainsi de Kurt Fluri. «Ce sujet devra faire l’objet d’une discussion lors de la prochaine séance de la commission compétente du National, mardi prochain.» Le Soleurois est rejoint par ses collègues de commission, Viola Amherd (pdc) et Jacques-André Maire (ps).
La SSRadmet le caractère «paradoxal» de la situation. Mais elle se justifie. «Les trois partenaires (SSR, Swisscom et Ringier) ont apporté dans Admeira les médias qu’il commercialisent (…). NT1, TF1 et TMC l’étaient auparavant par Ringier», avance Daniel Steiner, porte-parole.
Le groupe audiovisuel helvétique estime qu’aujourd’hui, le débat s’est déplacé. «La régulation privilégie les fenêtres publicitaires étrangères par rapport aux télévisions suisses, et elle ne les oblige pas à réinvestir (…) dans des offres destinés au public suisse», comme le cinéma indigène.
Controversée dès le début
Retour au Palais fédéral. Avec un constat: sur le front politique, tout peut aller très vite. Mardi, la SSR gagnait une manche au National; morcelé, le bloc UDC-PLR échouait à donner au parlement des compétences dans l’octroi de la concession radio-TV. Mercredi en revanche, le ton s’est durci, les élus ne faisant pas mystère de leur désapprobation à l’égard de la stratégie d’Admeira, déjà relevée par l’hebdomadaire alémanique SonntagsZeitung.
La régie publicitaire polarise depuis l’annonce de sa création en été 2015. Active depuis près d’une année, elle se situe au cœur d’une féroce bataille entre éditeurs privés et la SSR. Les éditeurs alémaniques, réunis dans l’association Schweizer Medien, ont d’ailleurs récemment remporté un succès au Tribunal administratif fédéral. Un arrêt aussitôt contesté par la SSR, via une plainte auprès du Tribunal fédéral. L’affaire est en toujours en cours.
Le Courrier, 16 mars 2017, Philippe Boeglin
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