L’entreprise de transport de marchandises sur le rail anticipe des coupes prévues à l’origine pour 2020
Il ne fait pas forcément bon travailler à CFF Cargo en ce moment. L’entreprise ferroviaire de transport de marchandises sabre toujours plus vite. Elle va biffer 80 postes de travail au 31 mars 2018, anticipant de la sorte une mesure qui n’aurait dû déployer ses effets qu’à l’horizon 2020, a appris La Liberté.
Ces coupes, focalisées sur le personnel administratif, s’inscrivent dans un plan plus global de restructuration. Annoncé il y a un an, il prévoit la suppression de 230 emplois en tout jusqu’en 2020. Dans ce cadre, 70 postes étaient déjà passés à la trappe l’année passée, également dans le personnel administratif. Ces opérations de taille reflètent les difficultés récurrentes du fret sur rail. Le contexte économique, dont le franc fort, pèse sur le secteur. Les 80 postes biffés jusqu’en mars 2018 découlent d’ailleurs «principalement des mauvais résultats du premier semestre 2017», justifie Jean-Philippe Schmidt, porte-parole des CFF.
Coûts inattendus
Les six premiers mois de l’année se sont en effet soldés par une perte de 25 millions de francs. Et cela ne devrait pas s’arranger au second semestre: les chiffres pâtiront de la longue coupure (du 12 août au 2 octobre) de la ligne entre Bâle et la ville allemande de Karlsruhe, en raison de l’affaissement des voies à Rastatt (D). Sans compter les coûts inattendus provoqués par des problèmes liés au nouveau système de transport, et la santé économique peu reluisante de plusieurs clients.
La pression sur CFF Cargo n’est donc pas près de se relâcher. Le Conseil fédéral attend de la maison mère, les CFF, qu’ils améliorent leur situation financière et limitent leur endettement. Et le parlement débat depuis quelque temps d’une éventuelle privatisation de la société de fret.
Il en faudrait toutefois davantage pour que le Syndicat du personnel des transports (SEV) accepte la situation actuelle. «Il est particulièrement dérangeant d’anticiper des suppressions d’emplois dans une période où le personnel est déjà surchargé en permanence», dénonce Philipp Hadorn, secrétaire central du SEV et conseiller national (ps, SO). A ses yeux, les conséquences pourraient s’avérer dramatiques. «CFF Cargo risque de se suicider. De telles mesures brisent sa capacité d’innovation pour affronter l’avenir et ne font que la précariser davantage.»
Cette analyse syndicale correspond à celle recueillie auprès de certains collaborateurs de l’entreprise de transport. «On détruit du savoir-faire et on achève de démotiver le personnel en agissant ainsi. Ce qu’il faudrait au contraire, c’est engager des gens pour investir et dégager de nouveaux revenus.»
Les CFF ne partagent pas ces vues. «Toutes ces mesures d’économies doivent justement maintenir CFF Cargo sur le marché et la garder en vie. La concurrence dans le transport de marchandises s’avère extrêmement rude, entre le rail et la route. Il faut donc s’adapter et baisser les coûts structurels», argumente Jean-Philippe Schmidt.
Coupure sur la ligne
La récente coupure des voies en Allemagne, à Rastatt, n’a évidemment pas facilité la vie de CFF Cargo et de la branche en général. Elle avait poussé la ministre des Transports, Doris Leuthard, à écrire à son homologue allemand Alexander Dobrindt.
De son côté, l’Office fédéral des transports a décidé à la mi-septembre d’indemniser les compagnies de fret ferroviaire touchées. Les services de Doris Leuthard ont, à ce titre, dédommagé des envois et des trains ayant dû faire un détour, et augmenté l’indemnité d’exploitation, de 300 francs par train, sur les liaisons transalpines concernées par la fermeture.
Mais cela ne sufit pas pour CFF Cargo, dont le futur n’est pas exempt d’interrogations. Le fait que la suppression des 80 postes soit avancée de deux ans pourrait ainsi laisser penser que des tailles supplémentaires se préparent… Jean-Philippe Schmidt dément. «Il n’y a rien de prévu en ce sens.»
Le Courrier, 13 octobre 2017, Philippe Boeglin
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