L’AVS n’a pas besoin d’être sauvée

L’assurance vieillesse et survivants, pour celles et ceux qui auraient oublié le sens de cet acronyme, était au centre des débats lors de la dernière votation sur la «réforme» – parlons plutôt de régression – du système des retraites.

En effet, en échange d’une modeste augmentation de la rente AVS pour une partie des retraités, il était prévu d’augmenter l’âge de la retraite des femmes (dont chacun sait qu’elles sont privilégiées dans notre société!) et de réduire les rentes du 2e pilier en abaissant le taux de conversion. Le tout sous le slogan propagandiste «sauver le système des retraites». Au lendemain du rejet de cette proposition, il est nécessaire de revenir sur certains points fondamentaux, car il ne fait aucun doute qu’un nouveau projet, visant lui aussi une baisse des rentes, verra le jour et qu’il conviendra de le combattre.

L’argument constamment évoqué pour justifier des coupes dans la prévoyance vieillesse est celui de l’allongement de l’espérance de vie. Il ne fait aucun doute que celle-ci a progressé depuis l’instauration de l’AVS en 1948. Or il faut bien constater que, depuis sa création, le financement a toujours été assuré bien que le nombre de retraité-e-s a augmenté et que ceux-ci vivent plus longtemps. En 2016, la source principale de financement (72%) est constituée des cotisations sur les salaires qui ont rapporté près de 31 milliards de francs. La Confédération participe à hauteur de 25%, essentiellement par le produit d’impôts indirects comme la TVA, les taxes sur le tabac et l’alcool, les maisons de jeux notamment. En d’autres termes, un quart du financement est payé par les citoyens consommateurs indépendamment de leurs revenus. Enfin, le rendement du fonds de réserve de l’AVS, qui s’élève à près de 45 milliards, assure le 3 % des recettes. La cotisation pour les rentes de vieillesse (sans l’assurance invalidité, les allocations pour perte de gain et le chômage) s’élève actuellement à 8,40% du salaire brut, payée pour moitié par l’employeur et pour moitié par le salarié. Ce taux n’a pas augmenté depuis 1975. A la création de l’AVS, la cotisation était de 4 %. Le niveau des rentes a été amélioré durant toute la période et l’âge de la retraite des femmes a même diminué jusqu’à 62 ans, avant d’être relevé à partir de 2001.

On le voit, l’AVS n’a pas besoin d’être sauvée, elle nécessite simplement que l’on adapte le financement aux besoins découlant du vieillissement de la population par la hausse de la cotisation sur les salaires. Par exemple un relèvement de 1% du taux de cotisation rapporterait 3,7 milliards, de quoi assurer le financement pour de nombreuses années. C’est évidemment ce que ne veulent pas les milieux patronaux et les partis de droite au prétexte que cela alourdirait les charges salariales (les salaires sont toujours des charges pour les patrons, jamais une source de profit par le travail fourni en échange de la rémunération…). C’est refuser de voir que la Suisse est toujours en tête des pays les plus compétitifs et que, de tous les pays de ­l’OCDE, la part des cotisations sociales est loin d’être la plus élevée: 6,8% du PIB en 2015 contre un peu plus de 9% pour l’ensemble des pays de l’OCDE.

Ce relèvement des cotisations est d’autant plus justifié que cela constitue du salaire indirect qui assure un revenu au moment de la retraite, lorsque le travailleur n’est plus en mesure de vendre sa force de travail. En effet, dans le système capitaliste, le patron paie le salarié pour le travail fourni en fonction du niveau de salaire déterminé par le marché, et non pas pour lui permettre de vivre sur l’ensemble de son existence. C’est pourquoi historiquement, avant que les luttes sociales imposent les systèmes de prévoyance sociale, les personnes sans emploi vivaient dans la misère et à la charge de leurs proches lorsqu’ils avaient la chance d’en avoir. A défaut, ils dépendaient de la charité. Le relèvement des cotisations pour assurer le maintien et le développement de la prévoyance sociale n’est pas autre chose qu’une hausse des salaires pour se rapprocher de la couverture réelle des besoins des individus pendant toute la durée de leur existence.

Le Courrier, (Re)penser l’économie
09 novembre 2017 - Bernard Clerc, membre de SolidaritéS, ancien député.

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