Le philosophe français Jean-Louis Sagot Duvauroux défend l’accès illimité à la mobilité. Il était l’invité des jeunes POP vaudois pour en débattre à Lausanne. Cet article date de 2015 mais est tout à fait d’actualité !
Des transports gratuits pour les jeunes en formation? Dans le canton de Vaud, l’idée resurgit avec une pétition, lancée par la section jeunes du Parti Ouvrier et Populaire Vaudois (POP). Le texte, qui réclame les transports publics gratuits pour les jeunes vaudois de moins de 25 ans, a récolté à ce jour quelque 3000 signatures.
A Lausanne, depuis 2009, les écoliers habitant à plus d’un kilomètre de leur école bénéficient déjà de la gratuité des transports. Pour les jeunes jusqu’à 20 ans, l’abonnement est à moitié prix.
La gauche de la gauche souhaite aller plus loin pour favoriser en particulier les étudiants et apprentis, non seulement dans la capitale mais dans l’ensemble du canton, en dépit des échecs rencontrés ailleurs face à des mesures jugées trop généreuses (A Genève, une initiative en faveur de la gratuité des TPG était balayée par 67% de la population en 2008. En 2014, à Aigle, le conseil communal rejetait une proposition de l’UDC, qui souhaitait rendre les bus scolaires gratuits pour les écoliers).
Philosophe français convaincu, Jean-Louis Sagot Duvauroux, auteur de «Pour la gratuité», était l’invité des popistes lundi soir pour en débattre.
Le Temps: Les votations sur le sujet le montrent: la population semble considérer la gratuité des transports au mieux comme utopique. Pourquoi y croyez vous?
Jean-Louis Sagot Duvauroux: C’est une vraie bonne idée. Il existe bien sûr une utopie de la gratuité, mais aussi de nombreuses gratuités concrètes, conséquences de choix politiques. L’école, par exemple, n’a pas toujours été gratuite, mais qui contesterait aujourd’hui le libre-accès à l’éducation? L’argent public sert à financer les services de voirie, qui coûtent très cher, ou à mettre des fleurs dans les parcs. Rendre les transports gratuits est une extension de cette logique. Une vingtaine de collectivités ont fait ce choix, notamment en France, avec de bons résultats.
En réalité, une telle mesure n’est jamais gratuite, elle s’accompagne nécessairement de hausses d’impôts…
C’est gratuit dans le sens du libre accès à un bien que l’on considère comme essentiel. On passe d’un régime où chacun paye selon son compte en banque à un système qui tient compte d’abord des besoins individuels. Oui, cela a un coût et les villes qui décident de rendre les transports publics gratuits doivent mettre les moyens.
Comment finance-t-on des transports publics, pas rentables et déjà largement subventionnés, s’ils deviennent gratuits?
Les villes d’Aubagne et Châteauroux, en France, ont compensé les coûts supplémentaires par l’augmentation des «versements transport», une taxe (de 1,8% à Aubagne) prélevée sur la masse salariale des entreprises de plus de neuf salariés. La mesure a amélioré la rentabilité des transport avec une hausse conséquente de leur fréquentation.
Considérez-vous la mobilité comme un droit?
Il n’existe pas de droit par nature. Mais accorder la gratuité des transports publics aux jeunes en formation peut faire monter le sentiment que la mobilité est un droit.
Comment maintenir le sentiment que les transports ont de la valeur s’ils sont gratuits? N’y a-t-il pas un risque de voir augmenter les incivilités dans les trains et les bus?
Avec un transport public gratuit, il n’y a plus de fraude, donc on supprime les contrôles. Les contrôleurs de titres de transports peut être remplacés par des agents chargés de surveiller que les usagers respectent les lieux et les autres passagers. En outre, les exemples français ont montré que la suppression de la traque à la fraude améliore l’atmosphère dans les transports et apaisent les tensions. Il y a moins de dégradation du matériel.
Le Temps, Céline Zünd, 28 avril 2015
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