Débrayage, assemblée du personnel, manifestation: les fonctionnaires genevois ont compté leurs forces ce lundi. Une nouvelle grève est d’ores et déjà annoncée. C’est au cri de «Score, pas d’accord» que le cortège de la fonction publique genevoise s’est engouffré, ce lundi en fin de journée, dans des rues Basses illuminées par les décorations de Noël
et … les gyrophares de la police. Représentants des enseignants, du social, de la santé, de la sécurité, de l’administration, de l’université, du parascolaire ou des écoles de musique, ils étaient un bon millier au départ du Palladium, et 2000 à l’arrivée devant l’Hôtel de Ville, selon le Cartel intersyndical.
Pour faire passer leur message en douceur, des calicots et pancartes aux slogans évocateurs, tels que «Ma retraite n’ira pas au Panama», «Dal Busco achète-toi une calculette» ou encore «Regarde ta Rolex, c’est l’heure de la révolte». De l’humour donc, mais surtout un objectif: faire reculer le gouvernement sur la nouvelle grille salariale de la fonction publique (Score) et la recapitalisation de la caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG) qui prévoit la primauté des cotisations à la place de la primauté des prestations.
Inquiétudes pour l’avenir
«Cette grille salariale est tellement opaque qu’on ne sait même pas qui gagnera quoi», déplorent Marie et Magalie, deux enseignantes du primaire. «Et pour nos retraites, le gouvernement veut nous faire cotiser plus et toucher moins. Au moins notre contre-proposition pour renflouer la CPEG offre l’avantage de ne pas mettre la population financièrement à contribution.»
Toutes les personnes interrogées évoquent leur inquiétude. Pour leur salaire, leur retraite et, plus généralement, pour la qualité des prestations offertes à la population. A l’instar de cette infirmière de l’Imad, les soins à domicile. «On offre 7000 prestations par jour à la population, 24h/24 et sept jours sur sept. Pourtant nos conditions de travail se détériorent, on nous octroie de nouveaux postes au compte-gouttes. Nous n’avons plus les moyens de faire ce pour quoi nous avons été engagés.»
Plusieurs manifestants nous ont d’ailleurs confié leurs craintes d’une «privatisation rampante» de la fonction publique, du mépris qu’ils disent ressentir et de leur défiance vis-à-vis d’autorités qui n’ont pas respecté leur parole. «Le Conseil d’Etat nous dit que les caisses sont vides, mais octroie des cadeaux fiscaux aux entreprises. La santé et l’éducation, n’est-ce pas les piliers de notre société? L’argent est là, mais on ne l’investit pas au bon endroit!», regrette Audrey, prof au Cycle d’orientation.
Grève annoncée
Plus tôt dans la journée a eu lieu un débrayage, diversement suivi selon les services et établissements. Puis, sur le coup de 16 heures, a débuté au Palladium une assemblée du personnel, sous l’égide du Cartel intersyndical. Rapidement, toutes les chaises sont occupées et la moitié des 600 fonctionnaires présents doivent rester debout ou s’asseoir par terre. L’ambiance est joyeuse, mais déterminée. «Cette mobilisation est le signal pour déclencher un mouvement destiné à préserver nos retraites et un système salarial juste, équitable et cohérent», martèle Marc Simeth, président du Cartel.
Une stratégie de montée en puissance est proposée à l’assemblée, qui l’accepte. Ainsi un préavis de grève pour l’après-midi du 14 décembre est voté à l’unanimité. Moins deux abstentions. Ce jour-là les députés seront au Grand Conseil pour débattre du projet de budget 2018. «Nous voulons que l’Etat renonce à ses coupes et finance les mécanismes salariaux», rappelle encore Marc Simeth. Les fonctionnaires sont invités à se mettre en grève dès midi. A 13h, une assemblée du personnel se tiendra au Palladium avant qu’elle se constitue en cortège et rejoigne la tour Baudet.
Les personnes présentes ont également décidé de se retrouver en masse demain mercredi dès 17h à la Treille. Ils prendront alors connaissance du résultat de la rencontre entre les représentants du Cartel et le Conseil d’Etat qui, ce jour-là, annoncera des mesures d’économie à hauteur de 44 millions de francs. Par contre, la proposition d’un membre de l’assemblée de reconduire la grève dès ce mardi n’a pas été suivie. I
Les salaires du Conseil d’État augmenteront
«Au moment où ils déposent le projet de loi Score visant à faire un maximum d’économies sur le dos des salariés, les conseillers d’Etat prévoient d’augmenter leur propre salaire de 34 571 francs par an», écrit le Cartel intersyndical dans un tract.
Actuellement, la rémunération des conseillers d’Etat correspond au maximum de la classe 33 de l’échelle des traitements, majoré de 4,5%, et même 6% pour le président du gouvernement. Mais la future classe 20 du projet Score, intégrant primes et 14es salaires des hauts cadres, est plus généreuse. Ce qui signifie une augmentation substantielle pour chaque membre du gouvernement, et un montant global de 241 997 francs par an, calcule le Cartel.
Henri Roth, porte-parole du Département des finances, minimise quelque peu les montants: «Si le LTrait et le projet Score entrent en vigueur comme ils sont prévus actuellement, la hausse salariale pour les conseillers d’Etat ne serait pas de 34 571 francs, mais de 26 206 francs par an. Cette hausse pourrait être contrebalancée par une baisse des prestations de retraite prévue par le nouveau projet de loi sur le traitement et la retraite des conseillers d’Etat déposé le 4 octobre.» CPR
Une grève «irresponsable»
Le PLR a réagi hier à la grève jugée «irresponsable» des fonctionnaires, à travers un communiqué de presse. Selon lui, la mobilisation, outre qu’elle prend en otage les administrés, est injustifiée. Sur la recapitalisation de la CPEG, le PLR rappelle que le gouvernement prévoit de débloquer 4,7 milliards de francs pour les retraites des employés de la fonction publique. «Un coût qui sera supporté par tous les contribuables genevois. Quand on sait que le salaire médian des employés dans le privé est de 6614 francs bruts par mois et que celui des fonctionnaires s’élève à 8821 francs, on peine à ne pas voir dans la position du Cartel autre chose qu’une posture indécente», attaque le PLR. «Quant au projet Score, il prévoit une augmentation des dépenses de 60 millions de francs par an pour le mettre en place.» CPR
Le Courrier, 05 décembre 2017, Christiane Pasteur
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