La conseillère fédérale PDC était apparemment impatiente d’en découdre, puisque sa conférence de presse de lancement de campagne en vue du vote sur «No Billag» s’est tenue près de trois mois avant l’échéance.
Cette fois-ci, c’est officiel. Au nom du Conseil fédéral, Doris Leuthard lance la campagne en vue de la votation populaire du 4 mars sur l’initiative dite «No Billag», qui veut supprimer la redevance radio-TV (lire ci-dessous). Jusqu’ici, la ministre de tutelle des médias s’était défendue d’avoir dégainé, même lorsqu’elle avait annoncé, il y a quelques semaines, une baisse drastique de la fameuse redevance, de 451 à 365 francs annuels dès 2019; ses dénégations avaient été passablement mises en doute.
Depuis lundi, la conseillère fédérale PDC se trouve officiellement dans l’arène. Elle était apparemment impatiente d’en découdre, puisque sa conférence de presse de lancement de campagne s’est tenue près de trois mois avant l’échéance, un moment inhabituellement précoce.
«Oui, je sais que dans ce genre de cas, on commence normalement la campagne en janvier. Mais c’est aussi vous, les médias, qui avez débuté depuis un certain temps, renvoie-t-elle en souriant. Sans parler des initiants. Devrais-je donc attendre et assister en spectatrice au débat? Vous savez bien que ce n’est pas mon caractère! Je ne veux pas laisser toute la plateforme aux initiants, le Conseil fédéral se doit d’occuper le terrain.»
Sur les réseaux sociaux
Mais cet empressement ne convainc pas tout le monde. «C’est étrange de lancer la campagne aussi tôt, s’étonne Walter Stüdeli, qui a dirigé plusieurs campagnes de votation. Mais les partisans de «No Billag» mettent une forte pression, notamment sur les réseaux sociaux, et l’intensité du débat se situe clairement au-dessus de la moyenne. Tout cela a peut-être forcé la main de Doris Leuthard.»
Le conseiller en communication se fait quand même du souci pour les adversaires de «No Billag». «Le Conseil fédéral ne pourra plus rien communiquer en janvier et février, alors que le vote a lieu début mars. Il ne lui reste plus que le bulletin, et ce n’est évidemment pas suffisant. Les initiants ont un avantage.» Mais la responsabilité ne repose pas que sur les épaules du gouvernement et de sa charismatique ministre des médias. «La Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) doit aussi faire un geste symbolique fort, pour reconnaître en substance qu’elle a un peu exagéré ces dernières années, et qu’elle revient en arrière.» Le mammouth audiovisuel pourrait par exemple renoncer à la publicité après 20 heures, pour faire de la place à ses concurrents privés, dépourvus de redevance.
Côté initiants, le président du comité romand Nicolas Jutzet s’affiche flegmatique. «Pour nous, ce n’est ni un avantage, ni un désavantage que le Conseil fédéral engage la campagne officielle si tôt.» Le responsable se trouve tout de même conforté. «Le dernier sondage (57% en faveur de la suppression de la redevance, ndlr) a démontré que la SSR est bien seule face au public. Le Conseil fédéral procède donc à une manœuvre politique pour sauver les meubles. Mais il n’amène aucun élément nouveau.»
Opposants sereins
En face, on semble serein. A l’instar de Michaël Girod, porte-parole du PDC Suisse, qui pilote la campagne du comité interpartis anti-initiative au niveau national. «Le temps peut jouer en notre faveur. Car, plus on se rapproche du scrutin, plus les initiants devront présenter des faits, et cela pourrait ne pas les arranger. Ils n’ont par exemple pas encore expliqué comment ils pensaient financer, en cas d’acceptation de leur texte, les radios et télévisions régionales qui touchent aujourd’hui la redevance. Ils devront toujours plus sortir du bois, et à mon avis cela mettra en évidence le flou entourant leurs arguments.»
«No Billag» menace les programmes des minorités
Avec «No Billag», la SSR ne pourrait plus financer des programmes pour la Suisse romande avec l’argent d’outre-Sarine. L’abolition de la redevance radio-TV conduirait à ne plus produire que des émissions rentables, a mis en garde lundi Doris Leuthard.
Le 4 mars, il en va de l’existence de la SSR et de nombreuses radios et télévisions locales. Quelque 6000 emplois sont directement concernés. Une acceptation de l’initiative dite «No Billag» impliquerait une transition radicale vers un paysage médiatique uniquement commercial, a souligné la ministre de la Communication devant la presse.
Le Conseil fédéral a désormais officiellement lancé sa campagne en vue de la votation populaire. Alors que le thème est déjà très présent dans les médias, Doris Leuthard ne souhaitait plus rester passive. Selon elle, il n’y aurait d’autre plan B en cas de «oui» que de liquider la SSR. ATS
Le Courrier, 12 décembre 2017, Philippe Boeglin
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