Scandale à Car Postal

Avec des facturations excessives à charge des collectivités publiques à hauteur de 78 millions, l’affaire Car Postal suscite la colère dans les cantons. En France, d’autres investissements importants suscitent l’incompréhension, enquête.
Mise au point, 25.02.2018

Scandale CarPostal: La direction de La Poste était au courant des astuces comptables
La directrice générale de La Poste Susanne Ruoff semble ne pas avoir dit tout ce qu’elle sait sur le scandale qui frappe CarPostal. La pression politique monte d’un cran pour la directrice de La Poste, Susanne Ruoff. Après les révélations de la presse jeudi selon lesquelles elle était au courant des manipulations comptables de CarPostal, des parlementaires veulent qu’elle en tire les conséquences.

L’affaire était connue depuis 2013, selon Blick. Le journal s’appuie sur une note rédigée dans le cadre d’un rapport de révision interne que l’ats s’est aussi procuré. Ce document, adressé à la direction de La Poste et au conseil d’administration, ne parle pas de comptabilité illégale, mais de “transferts de coûts à la charge du trafic financé par des fonds publics”.

Les sommes s’élèvent à 11 millions de francs en 2011, 19 millions en 2012. Selon le rapport de l’Office fédéral des transports (OFT) qui a révélé les irrégularités mardi dernier, CarPostal a perçu indûment 78,3 millions de francs de subventions entre 2007 et 2015. La somme pourrait dépasser les 100 millions lorsque toutes les questions auront été élucidées.

Au courant depuis trois mois

Susanne Ruoff répète qu’elle ne savait rien du caractère illégal de cette pratique comptable jusqu’à la mi-novembre de l’année dernière. Ce n’est qu’après des éclaircissements à l’interne que les irrégularités sont apparues, a-t-elle indiqué à l’ats. Pour le directeur de l’OFT Peter Füglistaler, la comptabilité de l’époque était “selon la plus grande vraisemblance contraire à la loi”.

La loi sur les domaines subventionnés interdit en effet d’inclure des bénéfices dans les prix. Mais pour atteindre les objectifs de rentabilité qui lui ont été fixés, la filiale de La Poste n’avait vu d’autre choix que de recourir à ces manipulations comptables

Alertés en 2011

Dans des lettres à la Confédération, les cantons se sont plaints dès 2011 de l’augmentation des prix qui leur étaient demandés. Une mise au point a eu lieu en novembre 2012 entre l’OFT, La Poste, CarPostal, le Département fédéral des transports et l’administration des finances. Mais apparemment sans suite.

A la question de savoir pourquoi les autorités fédérales ne sont pas intervenues plus tôt, Peter Füglistaler explique que les entreprises sont responsables de la tenue correcte de leur comptabilité et du respect de la loi sur les subventions. L’OFT ne dispose que de 15 personnes pour les contrôles.

Et ce travail ne se limite pas à CarPostal mais inclut 150 autres entreprises de transports. Enfin, dans le cas de CarPostal, il y a 18′000 écritures comptables par an, parfois des sommes de quelques centaines de francs. Pour quelqu’un d’extérieur, ces tricheries passent inaperçues.

La responsabilité pénale est encore ouverte. Une première rencontre avec le Ministère public de la Confédération est prévue ces jours. Aucune plainte n’est pour l’heure déposée.

Susanne Ruoff sous pression

Les révélations du Blick ont en tout cas fortement augmenté la pression sur la directrice de La Poste, Susanne Ruoff. La cheffe du Département fédéral des Transports, Doris Leuthard, se dit déçue par ce qui s’est passé à CarPostal. Elle demande que toute la lumière soit faite et que tous les documents soient remis rapidement à son département.

La ministre rappelle que les entreprises liées à la Confédération comme CarPostal doivent agir comme des exemples lorsqu’il s’agit d’argent public, pour le bien des contribuables et de leurs clients.

Le conseil d’administration a de son côté pris en main la situation. Dans un communiqué, il déclare que dorénavant les experts externes en charge de cette enquête rendront directement compte de leur travail au président du conseil d’administration, Urs Schwaller. Cette décision s’impose compte tenu des critiques à l’égard de La Poste et notamment de sa directrice générale.

Départ exigé

Ainsi, côté des parlementaires, le ton est plus ferme. L’avis de Roger Nordmann, chef du groupe socialiste aux Chambres fédérales, concernant Susanne Ruoff est clair: “Je crois qu’elle ne peut plus conserver son poste”, a-t-il dit sur les ondes de la radio alémanique SRF. La confiance est rompue.

Dans les rangs bourgeois, il n’y a guère plus de compréhension: “Si ces accusations sont vraies, Susanne Ruoff doit être suspendue jusqu’à la fin de l’enquête”, a déclaré Ulrich Giezendanner (UDC/AG) à la SRF. Thierry Burkart (PLR/AG) et Martin Candinas (PDC/GR) réclament une totale transparence du géant jaune. Mais dans un second temps, il faudra rendre des comptes.

Le Syndicat Autonome des Postiers (SAP) exige également la démission de Mme Ruoff. “Elle a touché des bonus sur le bénéfice faussé de CarPostal (…) elle est également responsable et bénéficiaire de ces magouilles comptables et doit démissionner”, écrit le SAP.

La Côte, 8.02.2018

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