Avec plus de 11 000 signatures, l’initiative populaire « Sauvegarder les rentes en créant du logement » a été déposée. Elle profiterait à une majorité de la population.
L’initiative a pour finalité de maintenir les conditions de retraite des employé-e-s de l’État et du service public à leur niveau de 2017. À cette fin, elle prévoit que le canton capitalise la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (CPEG) en cédant des terrains dans le secteur Praille Acacias Vernets (PAV) pour y bâtir des logements.
Large soutien
Lancée par le Cartel intersyndical du personnel de l’État et du secteur subventionné et l’ASLOCA, cette initiative est soutenue par un comité formé de partis politiques – Parti socialiste, Les Verts, Ensemble à gauche, Mouvement pour le socialisme –, des syndicats de la Communauté genevoise d’action syndicale et d’associations (Mouvement populaire des familles, associations d’habitant-e-s).
Logements abordables
Le droit fédéral, voulu par la droite, les banques et les assurances, impose une capitalisation massive de la CPEG, ce qui implique de dépenser des milliards. Cet argent doit servir à offrir des logements abordables à la majorité des habitants du canton.
Depuis plus de quarante ans, la crise du logement sévit à Genève. Lorsque les quelques logements abordables construits sortent du contrôle de l’État, trop de propriétaires en profitent pour augmenter les loyers, pour imposer des contrats à durée déterminée ou pour donner le congé afin de relouer plus cher. Il faut que cela cesse ! L’initiative et le projet de loi 12228 (lire ci-contre) y contribueront de manière décisive.
L’intérêt de la majorité
La droite combat ces deux textes à grand renfort d’arguments erronés.
Cyril Aellen (PLR) déclare ne pas savoir à qui, des locataires ou des assuré-e-s de la CPEG, la présente initiative va faire du tort. Qu’il soit rassuré. L’initiative sert les intérêts des assuré-e-s en défendant le niveau des rentes des quelques 45 000 salarié-e-s qui travaillent notamment dans la santé, l’éducation, la sécurité, le social. Cette initiative assure à la caisse publique un rendement supérieur à celui du projet de loi du Conseil d’Etat. De plus, le rendement des immeubles est aussi sûr et plus socialement utile que celui du prêt simultané que l’État entend obtenir de la CPEG.
L’initiative sert l’intérêt des locataires, car elle permet la construction de milliers de logements abordables par la CPEG, qui ne commet pas les abus dont se rendent coupables trop de propriétaires privés.
Tartuffes de droite
L’initiative sert, de surcroît, les intérêts de tous les salarié-e-s contribuables, car la solution qu’elle propose coûte moins cher, sur le long terme, que celle du Conseil d’État.
Du tort, elle ne peut en faire qu’à des promoteurs privés qui aimeraient accaparer les terrains du PAV et d’autres terrains publics, comme ils l’ont fait avec les appartements en PPE prétendument destinés à la classe moyenne, mais qu’ils se sont attribués à eux-mêmes, à leurs familles ou à leurs proches.
La tartufferie de la droite s’illustre également dans les propos de ses représentant-e-s au Grand Conseil qui prétendent que les terrains du PAV n’auraient aucune valeur alors que, pourtant, ils s’efforcent de contraindre l’État à s’en dessaisir au profit de promoteurs privés.
Alexandre de Senarclens, président du PLR, s’autoproclame défenseur de la fonction publique en déclarant que la CPEG serait une « baignoire qui fuit » et que la réforme préconisée par le Conseil d’État serait indispensable.
Il ignore que la CPEG est bien gérée. Elle a été récompensée à ce titre par un organisme européen. En réalité, la nécessité d’injecter des capitaux supplémentaires est un impératif qui découle de la volonté du PLR aux Chambres fédérales d’imposer un taux de capitalisation de 80% pour les caisses publiques. Cette réforme a été acceptée par les représentant-e-s genevois du PLR au Parlement fédéral.
La baignoire des spéculateurs
M. de Senarclens ajoute que l’initiative et le projet de loi de l’Alternative et du MCG ne permettraient pas de capitaliser à temps la CPEG, faute de terrains disponibles immédiatement dans le secteur PAV.
Il n’a manifestement pas lu le contenu de ces textes, qui reprennent à titre transitoire le mécanisme du prêt simultané prévu par le Conseil d’État précisément pour tenir compte du délai de réalisation du PAV. Il ignore en outre les règles d’évaluation des biens immobiliers, qui permettraient de comptabiliser dans la fortune de la CPEG les terrains du PAV en tenant compte de leur valeur, une fois construits.
Les milieux immobiliers défendent ainsi par tous les moyens la possibilité de s’approprier les terrains du PAV.
L’appropriation privée de la rente foncière n’est pas de droit divin. Elle doit être affectée au maximum à la majorité des salarié-e-s contribuables. L’initiative et le projet de loi 12228 n’assécheront en réalité que la « baignoire » des spéculateurs.
Contexte : Le projet de loi 12 228 en renfort
Depuis le lancement de l’initiative, le Conseil d’État a saisi le Grand Conseil d’un projet de loi (12188). Son adoption changerait radicalement le fonctionnement de la CPEG et transférerait les risques financiers, économiques et actuariels sur les futurs pensionné-e-s.
Un effort supplémentaire serait en outre imposé aux affilié-e-s, sous la forme d’une hausse de leur taux de cotisation et d’une péjoration des prestations.
La droite immobilière a systématiquement recouru contre toutes les initiatives qui n’entraient pas dans ses vues. Elle pèse aujourd’hui de tout son poids politique pour que l’État privatise l’ensemble des terrains dont il est propriétaire dans le secteur PAV, afin de capter la rente foncière qui en résultera. Il est donc hautement vraisemblable que l’initiative subira une guérilla judiciaire qui retardera son adoption.
C’est ainsi que les partis de l’Alternative (PS, Les Verts, EAG) et le Mouvement citoyens genevois (MCG) ont déposé le projet de loi 12228, avec des objectifs très semblables à ceux de l’initiative. Il s’agit d’inscrire ces derniers au cœur du débat parlementaire actuel, comme alternative au projet de loi du Conseil d’État (12188).
Ce projet de loi 12228 permettrait de maintenir les rentes des affilié-e-s à la CPEG à leur niveau au 1er janvier 2018 – avec un âge-pivot à 65 ans – en créant des logements abordables dans le secteur PAV, pour un coût moins élevé que celui prévu par le Conseil d’État.
Le contribuable gagnerait ainsi plus de 700 millions de francs !
Services publics, 18 janvier 2018, Christian Dandres et Romolo Molo
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