Carpostal s’empare de deux lignes du littoral

Carpostal s’empare de deux lignes du littoral. L’adjudication de deux lignes de bus du littoral ouest neuchâtelois illustre de vives tensions au sein de la gouvernance des transports publics du canton. Selon le Conseil d’État, TransN aurait été prié de revoir sept fois son offre de mandat de prestations pour l’année 2016-2017.

L’adjudication des lignes de bus régionales 612 et 613 à CarPostal plutôt qu’aux transports publics neuchâtelois (TransN) serait-elle motivée par d’autres desseins que celui de stimuler la concurrence? D’aucuns, à Neuchâtel, ne sont pas loin de le penser. A l’image de la députée verte Céline Vara, qui a clairement sous-entendu dans un billet de son blog mercredi que cette situation pourrait être le fruit «de manœuvres politiques et de rancœurs personnelles».

L’ancienne conseillère communale rapporte que «dans le monde de la politique neuchâteloise, peu de gens ignorent que le directeur de TransN, Pascal Vuilleumier, ancien chef du Service cantonal des transports, n’est pas dans les petits papiers du conseiller d’État Laurent Favre, ni dans ceux de l’actuel chef de ce service».

Économies de 2,5millions

Vendredi 2 février, quelques jours avant que n’éclate au grand jour le scandale des malversations de CarPostal, le canton de Neuchâtel décidait d’accorder la concession des deux lignes du littoral ouest neuchâtelois à la filiale du géant jaune. Ce nouveau prestataire permettra au canton et à la Confédération, qui est cocommanditaire, d’économiser 2,5 millions de francs sur cinq ans.

A l’origine de la création de ces deux lignes, Céline Vara se demande comment CarPostal fait pour baisser les prix et avance le risque de dumping: «Le résultat de la mise au concours n’est pas étonnant et TransN n’avait pas les moyens de rivaliser. Si ce n’était qu’une question d’économies, pourquoi seules ces lignes ont-elles été mises au concours? Il s’agit précisément de lignes pour lesquelles M. Vuilleumier s’est investi personnellement.» La situation avait d’autant plus choqué à l’époque que 17 employés de TransN risquaient de perdre leurs emplois, aujourd’hui assurés.

TransN jugé sévèrement

Laurent Favre, quant à lui, nous fait savoir «qu’il se refuse à faire tout commentaire à propos des sous-entendus» de Mme Vara. Les tensions qui règnent entre la direction de TransN et le conseiller d’Etat se sont révélées lors de la réponse de ce dernier à une interpellation au Grand Conseil le mois dernier. L’élu PLR s’est montré très sévère vis-à-vis de l’entreprise cantonale. Il a évoqué une relation de «confiance relative» avec TransN qui aurait été prié de revoir sept fois son offre de mandat de prestations pour l’année 2016-2017.

«L’offre prévoyait le paiement d’un amortissement extraordinaire que l’Etat avait déjà payé. Après sept rounds, la facture de l’Etat a pu être baissée de 2,3 millions de francs», explique Laurent Favre. L’élu reproche aussi à TransN la mauvaise gestion de l’achat des nouvelles rames pour le Littorail. «La première facture présentée se montait à 18 millions de francs avant d’être négociée, directement par le Conseil d’Etat, à 8 millions de francs.»

Pascal Vuilleumier, directeur de TransN, a refusé de s’exprimer, nous dirigeant vers Robert Cramer, président du conseil d’administration. «Nous avons intérêt à avoir de bonnes relations avec l’Etat qui est notre principal actionnaire. A l’heure actuelle, les relations sont normales, il n’y a pas de problème. Je ne me prononce pas sur les cas personnels», répond laconiquement le conseiller aux Etats genevois.

Quid des lignes CarPostal?

A l’interne, le discours du conseiller d’Etat passe mal. Jean-Pierre Etique, secrétaire syndical pour le SEV (Syndicat du personnel des transports) s’étonne: «A écouter son jugement sévère sur la compagnie, on dirait qu’il n’a aucune responsabilité dans le développement de cette entreprise pourtant à majorité en mains publiques.»

Si le syndicaliste reconnaît qu’il n’a aucune preuve, il a le sentiment qu’il y a un acharnement contre TransN: «En tout cas, les choses ne se passent pas normalement. CarPostal avait neuf lignes dans le canton dont la concession arrivait au terme en même temps que les lignes 612 et 613. Etrangement, elles n’ont pas fait l’objet de mise au concours». Avant l’adjudication, le directeur de TransN avouait dans la presse locale «ne pas craindre la concurrence mais l’application des règles du jeu».

Le Courrier, 11 avril 2018

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