Alors que la bataille autour de la réforme de la SNCF fait rage en France, l’Office fédéral des transports (OFT) a annoncé jeudi sa volonté de permettre à l’entreprise de statut privé BLS d’exploiter les grandes lignes ferroviaires Berne-Bienne et Berne-Berthoud-Olten.
S’il ne s’agit là que de deux concessions – qui doivent encore être confirmées –, la décision n’en revient pas moins à briser le monopole des CFF pour le transport de passagers par le rail. Le doigt est donc bien mis dans l’engrenage de la privatisation du réseau helvétique.
Pour justifier cette procédure, le directeur de l’OFT, Peter Füglistaler, s’est dit «convaincu qu’avoir plusieurs prestataires améliore l’offre générale». Voilà donc servi le fameux dogme de la concurrence qui, selon ses promoteurs, améliorerait les services et ferait baisser les prix. Une aberration, comme l’ont relevé les syndicats SEV et USS. Car plusieurs expériences à l’étranger prouvent exactement le contraire.
Au Royaume-Uni, notamment, la privatisation totale du rail au début des années 1990 a entraîné un abandon de l’entretien du réseau – au point que sa gestion a finalement dû été reprise par une société sans but lucratif après des accidents –, par l’explosion du coût des billets et par un service régulièrement défaillant. Le débat pour une renationalisation complète a dès lors été lancé. En Suède, l’état déclinant des infrastructures a également entraîné des velléités d’un retour du monopole public. Et en Italie, si les prix ont baissé, on observe d’importants sous-investissements dans les lignes régionales.
Au-delà du rail, de nombreux exemples démontrent que l’application de la logique marchande et de la course à la rentabilité dans les services publics aboutit à une précarisation des conditions de travail du personnel ainsi qu’au délaissement, voire à l’abandon, des prestations dégageant le moins de résultats. Au détriment de leurs usagers; souvent dans les régions périphériques. Le cas de La Poste n’en est qu’un parmi d’autres.
Il est ainsi absurde dans un petit pays comme la Suisse, qui dépend énormément de ses chemins de fer, de morceler l’exploitation d’un réseau dont la force réside justement dans son interconnexion. Et de risquer d’affaiblir un système efficace pour appliquer un dogmatisme idéologique qui a déjà fait faillite.
Le Courrier, 19 avril 2018, Gustavo Kuhn
0 commentaire à “Le dogme de la concurrence appliqué au rail”