La stratégie de démantèlement de La Poste a le vent en poupe

Le groupe de travail créé par Doris Leuthard sur le réseau postal a récemment rendu ses conclusions. Syndicom dénonce un «blanc-seing» donné à La Poste pour de nouvelles externalisations et fermetures. Les critères retenus par le groupe de travail ne garantissent en rien le maintien des offices de poste.

Il permettent au contraire de continuer à remplacer les offices par des agences, dénonce Syndicom. (cc La Poste)

Dans le cadre du débat houleux sur la restructuration du réseau postal et suite à différentes interventions politiques sur le sujet, la conseillère fédérale Doris Leuthard avait instauré en 2017 un groupe de travail chargé «de proposer, d’ici au printemps 2018, des solutions pour l’’aménagement du futur réseau postal». Composé de représentants du DETEC, de la Poste, de la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique, de l’Union des villes suisses, de l’Association des Communes Suisses, de l’USAM et du Groupement suisse pour les régions de montagne, celui-ci a récemment communiqué ses conclusions. Celles-ci seront prises en compte par le Conseil fédéral lorsqu’il définira, à l’été 2018, les grandes lignes de l’adaptation de la loi sur la poste et de son ordonnance d’exécution.

Du côté de la Poste, on adhère aux recommandations formulées, tout en soulignant qu’elles «impliquent (…) des changements profonds, qui auront des répercussions sur les coûts». Pour Syndicom en revanche, elles ne permettront pas de garantir la sauvegarde du service public et représentent un «blanc-seing pour de nouvelles fermetures et externalisations des prestations postales». L’absence de remise en question du recours aux agences postales est en particulier pointé du doigt par le syndicat.

Mais quelles sont ces recommandations? Le groupe de travail propose tout d’abord que l’accessibilité au service postal universel ne soit plus mesurée à l’échelle nationale, mais cantonale, afin d’éviter que La Poste, «pour des raisons stratégiques ou opérationnelles, ne compense une ‘sous-couverture’ dans certaines régions par une ‘surcouverture’ dans d’autres». Il préconise également que cette accessibilité soit améliorée pour les services de paiement: «Aujourd’hui, 90% de la population résidante permanente doit pouvoir accéder – à pied ou par les transports publics – à un office de poste ou à une agence en 20 minutes, un délai qu’il faudrait désormais aussi appliquer aux services de paiements en espèces (délai actuel: 30 minutes)», résume un communiqué du DETEC. Dans les régions où cela n’est pas réalisable, la Poste devra offrir ce service à domicile. Cette dernière option implique toutefois de pouvoir être présent lors du passage du facteur, ce qui n’est pas possible pour tout le monde, critique Syndicom.

Un «point d’accès» pour 15’000 habitants
Le groupe de travail recommande encore qu’un «point d’accès» (office ou agence) au moins soit exploité dans les régions urbaines ou pour 15’000 habitants ou emplois. Il estime à ce titre que les agences ont «fait leurs preuves en tant que solution de remplacement des offices postaux» et qu’elles «offrent aux clients des heures d’ouverture plus longues et plus conviviales». La Poste doit toutefois les rende plus attrayantes, notamment en améliorant l’information à la clientèle et la formation des employés. Enfin, «La Poste et les cantons doivent mener un dialogue régulier sur la planification», recommande le groupe de travail.

«La Poste a largement imposé sa volonté dans le groupe de travail, dont étaient exclus aussi bien les représentants des consommateurs que des travailleurs», critique Syndicom, pas du tout convaincu par ces propositions. «Le critère relatif à la densité du réseau postal est une approche correcte. On admet ainsi qu’un office de poste par 15’000 habitants doit être garanti. Mais ce critère ne garantit le maintien d’aucun office de poste. Il permet au contraire de continuer à remplacer les offices de poste par des agences». Cette absence de remise en question du recours aux agences irrite particulièrement le syndicat, alors même qu’elles ont fait l’objet de différentes interventions critiques au niveau politique. Une enquête effectuée auprès des ménages privés, sur laquelle le groupe de travail s’est en partie basé, montre d’ailleurs que la satisfaction vis-à-vis des agences est bien moins élevée que pour les offices de poste. Et d’alerter: «Dans une ville comme Zurich, La Poste ne devra guère maintenir plus de 2 ou 3 offices de poste».

Pas de barrage à la sous-enchère salariale
Par ailleurs, «le groupe de travail ne souffle mot des mauvaises conditions de travail qui prévalent dans les agences. Les salaires nettement plus bas constituent l’une des raisons principales des externalisations. Les nouveaux critères permettent à La Poste de continuer à exercer de la sous-enchère salariale et à concurrencer ses propres employés par le biais des externalisations», s’indigne encore Syndicom, estimant que les mesures proposées «ne sont pas une solution au problème, mais de simples mesures cosmétiques pour tenter de calmer les esprits».

Gauchebdo, 24 mai 2018, Juliette Müller, rubrique Suisse

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