Salve contre l’exportation d’armes facilitée

La décision récente du Conseil fédéral d’autoriser, sous certaines conditions, l’exportation de matériel de guerre vers des pays impliqués dans un conflit armé interne provoque un tollé de la gauche.


Les hostilités sont ouvertes. La semaine dernière, le Conseil fédéral a annoncé qu’il voulait amender l’ordonnance actuelle sur le matériel de guerre (OMG). Objectif: pouvoir exporter, sous certaines conditions, du matériel de guerre vers des pays impliqués dans un conflit armé interne. «L’industrie suisse de l’armement a fait savoir à la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats que la situation économique de la branche était tendue au point de mettre en danger la base technologique et industrielle adaptée pour la sécurité du pays. Le Conseil fédéral prend très au sérieux ces remarques», justifie innocemment le gouvernement pour expliquer son retournement de veste.
Le message est on ne peut plus clair: les ventes d’armes à l’étranger sont nécessaires pour l’industrie suisse, peu importe les conséquences humanitaires ou politiques de la décision. Le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche doit désormais rédiger une proposition d’adaptation de l’OMG.

Le peuple et le parlement ne sont pas consultés
Pour la gauche, ce changement de politique est inacceptable et elle l’a immédiatement fait savoir, dénonçant le fait que le mouvernement s’est mis au garde-à-vous devant le lobby de l’industrie d’armement suisse. «Johann Schneider-Ammann, Ignazio Cassis et leurs collègues bourgeois montrent le mépris qu’ils accordent au respect des droits humains dans les régions en crise.
Les exportations de matériel de guerre vers l’Arabie saoudite, par exemple, qui fait la guerre au Yémen, devraient être considérées comme légales, afin de rendre service à l’industrie de l’armement», relève le Parti socialiste suisse (PSS).
Et d’exiger que la version actuelle de l’ordonnance sur le matériel de guerre soit respectée et que toutes les licences d’exportation de matériel de guerre vers des pays en proie à des conflits internes ou internationaux soient immédiatement suspendues. Le parti voudrait aussi que le peuple et le parlement aient leur mot à dire sur le sujet et demande que des critères d’exclusion d’exportation soient intégrés au niveau législatif, plutôt que réglementé par une ordonnance.

Pas en reste, le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) estime que la décision «va diamétralement à l’encontre de la politique de neutralité suisse et représente une trahison sans précédent de sa tradition humanitaire». «Cet assouplissement est une honte pour l’Etat dépositaire des Conventions de Genève et pour le pays fondateur de la Croix-Rouge», a dénoncé le cosecrétaire du GSsA, Youniss Mussa. «Les intérêts d’un petit nombre de fabricants d’armes ont une nouvelle fois plus de valeur que la neutralité
suisse ou, pire, que des vies humaines», souligne l’association, dont l’initiative pour l’interdiction d’exportation d’armes avait échoué en 2009 devant le peuple.

Hasard du calendrier? Le 21 juin, le GSsA a déposé à la chancellerie sa nouvelle initiative, forte de plus de 100’000 signatures récoltées en un peu plus qu’un an, qui prévoit d’interdire le financement de l’industrie de l’armement par la Banque nationale suisse, les fondations, ainsi que les institutions de prévoyance publique et professionnelle. JDr

Gauchebdo, 22 juin 2018

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