Les SIG tirent la sonnette d’alarme

Les Services industriels genevois ont écrit aux élus des Chambres fédérales pour leur demander de renoncer à la seconde étape de l’ouverture du marché de l’électricité. L’ouverture du marché de l’électricité ne s’est appliquée pour l’instant qu’aux gros clients, mais la deuxième étape concernera aussi les ménages.

«Libéralisation de l’électricité: n’ouvrons pas la porte de la Suisse aux énergies polluantes.» La deuxième étape devant conduire à une ouverture totale du marché électrique suisse à la concurrence s’approche à grand pas. Les Services industriels genevois (SIG) ont écrit aux élus des deux Chambres fédérales – qui pourraient être saisies de cette question prochainement – pour leur demander de renoncer à la deuxième étape de cette LAPEL (loi sur l’approvisionnement en électricité). Une libéralisation totale aurait des effets désastreux, selon cette missive.

La LAPEL, votée en 2007 par le parlement, prévoyait une libéralisation en deux étapes du secteur électrique. Dans un premier temps, cette ouverture du marché ne s’est appliquée qu’aux gros clients (ceux qui consomment plus de 100 000 kWh) La seconde étape, pour tout un chacun, devait entrer en vigueur en 2013. Mais sa mise en œuvre a été retardée. Il n’est d’ailleurs pas certain, vu le départ de la conseillère fédérale Doris Leuthard, que cette question soit traitée lors de la prochaine session parlementaire. Interview de Michel Balestra, président des SIG, et cosignataire avec Christian Brunier, directeur des SIG, de cette missive au ton musclé.

Pourquoi cette lettre qui s’apparente à un cri d’alarme?

Michel Balestra: C’est une question de cohérence. Ce processus de libéralisation va à l’encontre de la politique choisie par les Suisses lors de la votation de 2016 et qui suppose une fermeture de nos centrales nucléaires à l’horizon 2050. Si ce marché est libéralisé, nous allons nous retrouver en concurrence avec de l’électricité étrangère polluante. En Allemagne, 36% du courant produit est à base de lignite et 46% provient du charbon et du gaz; en France, 78% est d’origine nucléaire.

Sans oublier que ce marché est faussé par des pratiques de dumping. La tonne de CO2 est taxée pour un montant dix fois supérieur en Suisse qu’en Allemagne. Cela rend impossible la transition énergétique approuvée par le peuple.

Des inquiétudes se sont faites jour sur le devenir des barrages suisses.

L’électricité est un bien qu’on ne peut guère stocker. Stratégiquement, il est plus rationnel de tenter de sauver nos barrages, de produire sur sol suisse le gros de notre consommation, sans pour autant nous fermer aux importations pour le solde de nos besoins. Ce maintien n’est pas possible si nous continuons à mettre ces équipements en concurrence avec une production vendue à des prix de dumping.

«Les ménages n’ont pas grand-chose à gagner dans ces processus de libéralisation.» Michel Balestra

Le nucléaire en Suisse, cela représente environ 40% de la production d’électricité. Sur trente ans, il est possible de s’en passer en amorçant une transition énergétique. Si cela se fait dans un marché libéralisé, avec une concurrence à des prix bradés, cela devient irréaliste.

Le marché a été libéralisé pour les gros consommateurs. Faut-il revenir en arrière?

Cela ne serait sans doute pas réaliste. Nous travaillons avec ces clients dans des projets globaux visant à rationaliser leur consommation. Ils sont prêts à payer un peu plus cher leur kilowattheure si leur consommation diminue. Ce qui est le cas et nous les aidons pour cela. Le programme Eco 21 lancé il y a dix ans a permis de réaliser des gains d’efficience considérables. Durant cette période, pour Genève, nous avons eu une baisse de la consommation de 6% alors que la croissance était de 8%. Ce résultat est ­remarquable.

Les petits consommateurs ont-ils quelque chose à gagner dans ces ouvertures de marché?

Les petits consommateurs, les ménages, n’ont en fait pas grand-chose à gagner dans ces processus de libéralisation. Des études montrent que sur une facture, on parle au mieux d’une baisse de 2 à 4 francs par mois. Ce n’est pas comme pour la téléphonie où la concurrence a fait baisser les prix. Pour l’électricité, il faut intégrer dans la facture le transport, les raccordements, etc. Un processus d’ouverture du marché ne permet pas de faire baisser les prix de manière significative.

Que proposez-vous à ces clients captifs?

Les SIG mettent en œuvre une politique volontariste en la matière. Et qui porte ses fruits. Près de 75 000 clients sur 250 000 ont déjà choisi le courant dit Vital vert, à forte composante écologique. Au niveau d’un ménage, il peut aussi être rentable de payer un plus cher et de se faire conseiller, par exemple au niveau de l’éclairage, pour réduire sa consommation. A l’arrivée, le solde au niveau de la facture est quasi nul.

Le Courrier, 5 octobre 2018, Philippe Bach

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