Près de 22,7 millions de perte sèche rien qu’en 2017, et Dieu sait com-bien en une quinzaine d’années : tel est, comme l’a révélé La Liberté (2.11), le bilan étincelant auquel les géniaux stratèges à la tête de La Poste ont abouti en s’obstinant à mettre des téléphones mobiles en rayon dans leurs bureaux (ou points de vente, boutiques, bazars, on ne sait plus trop). Ça ne marche pas du tout, ont-ils constaté non sans dépit au bout de trois lustres.
Aussi étonnant que ça puisse paraître, il semble en effet que les gens qui se rendent au guichet n’y vont pas pour acheter un portable, et que les gens qui veulent 2015. Un physiothérapeute a cherché à en savoir plus mais n’a pas retrouvé le texte. Il existe pourtant, en allemand. « Quoi qu’il en soit, les raccourcis et la façon dont la situation est exposée est maladroite, voire malhonnête ».Parce que la propagande évoque une personne souffrant de « tétraplégie incomplète de type gauche avec des troubles neurogènes des fonctions vésicales ». Comme ça c’est clair ! Or note le TF : « L’assuré a été observé en train de monter sur une échelle et acheter un portable se rendent plu-tôt dans un magasin spécialisé dans l’électronique et la vente de portables. Franchement, qui l’eût cru ?
Comme si cet étrange et fâcheux phénomène ne suffisait pas à plomber le chiffre d’affaires, La Poste admet avoir conclu avec les opérateurs de téléphonie des arrangements très désavantageux pour elle. Bref, c’est un complet fiasco.
On ignore si le commerce de gommes, de mouchoirs et de livres tels que Schnouki le petit lombric, Magie de la salade de cervelas, L’harmonie vibratoire des rotules grâce à la méditation bengalaise ou Cent conseils et astuces pour la beauté de vos bégonias compense les dizaines de millions évaporés. On est toutefois en droit d’en douter.
Mais restons-en à la téléphonie mobile, et supposons que les résultats de 2017 soient dans la moyenne : sachant que le géant jaune a commencé à vendre des bidules cellulaires il y a quinze ans, combien a-t-il perdu au total ? Fastoche : à peu près 340 millions. Question subsidiaire : avec cette somme, combien de prestations de véritable et authentique service public aurait-on pu sauvegarder ?
Si l’on saisit bien et si l’on résume, La Poste ferme des guichets à tour de bras, au prétexte officiel que l’activité est en baisse et qu’ils ne sont pas rentables. Et s’ils ne sont pas rentables, c’est en bonne partie parce que La Poste a cru bon d’y déployer un négoce désastreusement déficitaire. On en déduit que l’élément le moins rentable, dans tout ça, ce sont les dirigeants de La Poste. Lesquels feraient donc beaucoup mieux de rester chez eux, et de s’occuper de leur bégonias.
Laurent Flutsch, Vigousse, 9 novembre 2018
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