Les Genevois se prononcent prévoyant la création d’une caisse maladie publique cantonale. L’initiative du Parti du travail (PdT) est soumise aux suffrages des Genevois le 10 février prochain. En 2014, le peuple suisse avait refusé l’instauration d’une caisse unique, mais Genève, comme trois autres cantons romands, l’avait soutenue à 57%.
Une caisse maladie cantonale publique, mais pas unique. L’initiative du Parti du travail (PdT) est soumise aux suffrages des Genevois ce 10 février. Pas unique, car cette caisse publique cohabiterait avec les caisses privées existantes. L’idée du PdT est de formuler une alternative au système actuel – des augmentations annuelles des primes qui étranglent les classes populaires – et d’envoyer un signal clair au Conseil fédéral.
Dans la rue, le texte a été un succès, recueillant environ 14’000 signatures. L’initiative est soutenue par les syndicats, les jeunes Verts, les Jeunesses socialistes, le DAL (Défense des aînés et des locataires), le PBD, les Vert’libéraux et le Parti évangélique. Le PS, la droite, les représentants patronaux, la majorité du Grand Conseil et le Conseil d’Etat y sont opposés. Tandis que Solidarités et les Verts laissent la liberté de vote. Présentation.
1. Cette caisse sera-t-elle moins chère que les autres?
Impossible à dire. Ce n’est pas la panacée, reconnaissent d’emblée les initiants, conscients des limites de leur proposition, mais une solution à court terme prenant en compte la marge de manœuvre existante. Ils espèrent cependant que les primes pourront être concurrentielles.
«Nous assistons à une augmentation continuelle des primes sans perspectives de changement au niveau fédéral.» Quentin Stauffer
En 2014, le peuple suisse avait refusé l’instauration d’une caisse unique, mais Genève, comme trois autres cantons romands, l’avait soutenue à 57%. «Nous assistons à une augmentation continuelle des primes sans perspectives de changement au niveau fédéral», relève Quentin Stauffer (PdT), qui appelle de ses vœux une «lutte canton par canton, comme pour le droit de vote des femmes ou l’assurance-maternité». D’autant que la récolte de signatures en cours pour les deux initiatives fédérales en lien avec l’assurance-maladie – celle octroyant aux cantons la compétence de fixer les primes et celle pour un parlement indépendant des caisses maladie – est en échec. A noter que les Genevois se prononceront également, à l’avenir, sur une initiative prévoyant de plafonner les primes à 10% des revenus.
2. Qui devra s’y assurer?
Personne ne pourrait être obligé de s’y affilier. Mais les initiants verraient bien l’Etat inviter les quelque 40’000 personnes dont elle finance les primes, via l’Hospice général ou les prestations complémentaires, à opter pour la caisse publique. Le Parti du Travail rappelle qu’en 2017, le canton de Genève a versé 276 millions de francs rien qu’en subsides, sans avoir le moindre droit de regard sur les caisses. En tout, 107’000 personnes ont été aidées pour un coût total de 380 millions de francs. Des sommes appelées à croître de 186 millions de francs par an dès 2020, dans le cadre du volet cantonal de la réforme fédérale de l’imposition des entreprises.
3. Quelle différence avec une caisse privée?
La caisse cantonale serait soumise aux mêmes obligations et proposerait les mêmes prestations que les trente-six assureurs déjà actifs dans le canton. Elle prendrait la forme d’un établissement public autonome avec des représentants de chaque parti siégeant au sein de son conseil d’administration. Les initiants soulignent qu’elle n’aurait pas de frais de lobbying, de publicité, de bureaux luxueux, de salaires mirobolants à assumer. Elle serait transparente, à but social, non liée aux intérêts de groupes privés et ne transférerait pas l’argent des assurés dans un autre canton. Elle pourrait également être contrôlée par la Cour des comptes.
4. Sera-t-elle viable financièrement?
Les avis divergent. La caisse cantonale publique devrait disposer d’au moins 8 millions de francs de réserve lors de sa mise en œuvre. Elle générera des coûts supplémentaires pour la collectivité sans pouvoir offrir des primes plus basses aux assurés, en lien avec l’augmentation des coûts de la santé, avertissent les autorités. Elle attirera trop de mauvais risques et se retrouvera à terme en faillite comme ce fut le cas, par le passé, de la caisse Concordia lancée par des professionnels de la santé, craint Jocelyne Haller (Solidarités). «Faire la démonstration qu’une caisse publique n’est pas viable serait la pire des situations.» Un avis que ne partage pas Tobia Schnebli (PdT). «Personnellement, je suis un bon risque et je changerais de caisse car je suis en faveur d’une caisse exclusivement au service des assurés et de la collectivité. Je ne veux plus financer des Ignazio Cassis et autres lobbyistes à Berne.»
Le Courrier, 30 janvier 2019, Christiane Pasteur
Photo : JEAN-PATRICK DI SILVESTRO
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