Dans les ex régies publiques, les revenus des hauts cadres restent au top. Pendant qu’en bas, la précarité galope. Andreas Meyer continuera à vivre en first class. En 2020, le patron des CFF touchera un revenu supérieur au million de francs.
MEYER CONTRE SOMMARUGA. La conseillère fédérale (PS) Simonetta Sommaruga, nouvelle cheffe du Département des trans-ports, de l’énergie et de la communication (DETEC), voulait pourtant réduire de 4% les émoluments versés à M. Meyer (1). En 2018, le Conseil fédéral avait en effet indiqué aux Conseils d’administration des CFF, de La Poste et de Skyguide, qui dé-terminent les rétributions de leurs hauts cadres, que celles-ci devraient être revues à la baisse en 2020. Histoire de montrer une certaine fermeté alors que le mécontentement populaire augmente face aux revenus dorés des patrons. Le lobbying du Conseil d’administration des CFF a eu raison de cet élan.
LE PLAFOND, QUEL PLAFOND? Il y a peu, les médias affichaient pourtant un ton optimiste: les mesures prises par le Conseil fédéral «montrent leur effet. Les assemblées générales de La Poste, les CFF, Skyguide, RUAG Holding pourront fixer chaque année, à l’avance, une limite supérieure pour les rémunérations des membres du conseil d’administration et de la direction» (2). L’épisode des CFF éclaire les limites de cette «démocratie actionnariale» au sein des entreprises de la Confédération.
LE MILLION EN HAUT. En janvier 2018, la commission des institutions politiques du Conseil des États a refusé une motion socialiste demandant de limiter à 500 000 francs les revenus des cadres d’entreprises dont la Confédération est propriétaire. La question reviendra sur le tapis politique. Mais pour l’instant, ces rémunérations restent au top: en 2017, Andreas Meyer a touché 1 007 235 francs; Hansruedi Köng, CEO de Postfinance, 833 751 francs; Susanne Ruoff, à la tête de La Poste, 970 425 francs – Mme Ruoff touchera cependant son bonus (310 161 francs) seulement à l’issue de l’enquête sur le scandale Car Postal; Urs Schaeppi, CEO de Swisscom, 1 582 000 francs; et le patron de l’entreprise d’armement RUAG, Urs Breitenmeier, 795 330 francs.
LA PRÉCARITÉ EN BAS. Au bas de l’échelle, c’est une autre histoire. «Malgré des bénéfices en hausse, les CFF emploient toujours plus de salariés de deuxième classe», soulignait récemment le Blick (3).
De 2014 à 2018, le nombre de temporaires employés par la compagnie ferroviaire est passé de 1120 à 3253. En 2018, les CFF ont pourtant encaissé un bénéfice de 586 millions de francs, en hausse de 42,5% par rapport en 2017. Selon la direction, ces chiffres sont notamment le fruit du programme d’économies rail/fit 2020, qui s’est traduit par la suppression de 446 postes. «On économise sur le dos des plus faibles. C’est minable et indigne d’une ancienne régie publique» dénonce Jürg Hurni, secrétaire syndical au SEV.
TEMPORAIRE DEPUIS SEIZE ANS! Être temporaire, cela signifie subir des conditions de travail nettement moins bonnes, toucher un salaire horaire et variable, travailler sur appel et être sur un siège éjectable permnent. Aux CFF, ces travailleurs/-euses précaires œuvrent souvent dans le nettoyage des trains, mais pas seulement. Dans l’atelier CFF d’Olten, 300 des 800 salarié-e-s ne sont pas soumis-e-s à la CCT. Ils et elles sont employé-e-s par des boîtes temporaires comme Adecco, Kelly Services, Manpower ou Randstad. Une situation qui peut durer des années. Le Blick relate le cas d’un salarié de 54 ans, préposé depuis seize ans au nettoyage des trains, avec encore aujourd’hui un statut d’intérimaire (4)!
TENDANCES DE FOND. À La Poste, autre ex régie publique, le nombre des travailleurs/-euses intérimaires est également à la hausse. Au cours des trois dernières an-nées, il a bondi de 34% dans les secteurs lettres et paquets (5). Soumises à une logique de marché, les entreprises aux mains de la Confédération épousent les vices du privé. Sur l’ensemble du marché du travail helvétique, le recours au travail précaire a en effet pris l’ascenseur. En 2017, on comptait plus de 360 000 intérimaires en Suisse; en 1993, ils n’étaient que 71 000. En parallèle, «les revenus du premier centile et du top 0,1% des plus riches des employés et indépendants ont augmenté depuis les années 1990» (6).
«C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches», écrivait Victor Hugo. En 1869. ◼
(1) NZZ, 23 mars 2019.
(2) La Liberté, 15 juin 2018.
(3) Blick, 25 mars 2019.
(4) Blick, 1er avril 2019.
(5) Blick, 2 avril 2019.
(6) Isabel Martinez: Les hauts revenus en Suisse depuis 1980: répartition et mobilité. Social change in Switzerland, novembre 2017.
Services publics, 5 avril 2019
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