A fond la caisse pour les pensions

Genève • Soumis au vote le 19 mai, deux projets sont sur la table pour renflouer la Caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG) actuellement sous-capitalisée. L’un émane de la gauche et de l’Asloca, l’autre du Conseil d’État.

La Caisse de pension de l’État de Genève (CPEG) doit être recapitalisée pour respecter les critères de la législation fédérale. (Eric Roset)
Le 15 décembre, le Grand Conseil n’a pas départagé deux moutures de loi. Voilà qui explique pourquoi deux projets concurrents sont soumis au vote le 19 mai pour recapitaliser la Caisse de pension de l’État de Genève (CPEG) des fonctionnaires. Rappelons que fin 2018, le taux de couverture de la caisse était de 58,2%, alors que le parlement fédéral a imposé une recapitalisation des caisses de pension publique à 60% d’ici 2020 et de 80% d’ici 2052. En l’absence d’une loi de recapitalisation adoptée d’ici à la fin mai 2019, la CPEG a d’ailleurs annoncé qu’elle réduira les prestations des assurés actifs de 10% dès 2020.

La semaine dernière, l’Asloca a réuni la presse pour défendre le Projet de Loi 12228, soutenu par la gauche et le MCG. Il reprend dans les grandes lignes les termes de l’initiative «Sauvegarder les rentes en créant du logement», lancée par l’association de défense des locataires (Asloca) et le Cartel intersyndical du personnel de l’État et du secteur subventionné, déposée en juin 2018. «Celle-ci pourrait être soumise en automne ou retirée dans le cas où notre projet de loi est accepté», suppute Alberto Velasco, président de l’Asloca genevoise lors de la conférence de presse.
«Notre proposition permettra de créer du logement, de maintenir les terrains du secteur Praille-Acacias-Vernets (PAV) dans le giron public, d’offrir un rendement stable – sachant que celui de l’immobilier est actuellement de 3,5% – et conséquent sur le long terme pour la caisse des salariés de l’État. Il est aussi intéressant pour le contribuable, car si le rendement est garanti pour la caisse, il y a moins nécessité de la recapitaliser. C’est un système gagnant-gagnant-gagnant», a souligné, en préambule, Christian Dandres, avocat à l’Asloca et député socialiste.

Pour refinancer la caisse de pension publique, le projet en question demande que l’État de Genève cède à la CPEG des terrains constructibles ou des droits à bâtir dans le secteur du PAV plutôt que de les laisser aux propriétaires immobiliers. «Ceux-ci vont y faire des baux à durée déterminée. Plus tard, ils ne vont pas les renouveler ou ils vont les résilier pour relouer les appartements plus chers», estime l’association des locataires, dans un document sorti en mars. «Notre projet ne changera pas les répartitions prévues et ne prévoit pas de construire plus de logements sociaux (HBM), mais favorisera la construction, en mains publiques, de logement à loyer abordable pour la majorité de la population», a tenu à préciser Alberto Velasco.
Contacté, Paolo Gilardi délégué CPEG et membre du comité de la CGAS, défend aussi le projet de loi. «A Carouge, la caisse de pension a été recapitalisée à 65% par des avoirs immobiliers plutôt que par des obligations boursières. Elle est aujourd’hui dans une excellente situation financière. C’est le chemin qu’il faut prendre à l’État», précise-t-il.

Comment se fera le montage financier et quid des fonds engrangés par le parc immobilier? «En reprenant à titre provisoire le mécanisme du prêt simultané, le PL 12228 propose une recapitalisation à long terme de la CPEG par la dotation de terrains à bâtir, cédés par l’État, ce qui permettra à la Caisse d’investir dans des actifs plus sûrs», nous explique Marc Simeth, président du Cartel interyndical.

Les 3,3 milliards attendus seront alors reversés à la CPEG pour la recapitaliser. Le projet prévoit aussi de maintenir la primauté des prestations (rentes garanties en fonction des derniers salaires assurés) plutôt que le passage à celle des cotisations (qui découple la rente des salaires), moins favorable aux assurés. «Le principe de primauté des cotisations n’est pas un système dépassé. C’est le modèle que l’on trouve à la Caisse de pension vaudoise ou à la Migros», a argumenté Romolo Molo, avocat à l’association. «La primauté des cotisations, basée sur un système de répartition est solidaire et permet aux assurés de savoir ce qu’ils vont gagner à la retraite», argumente Paolo Gilardi.

«Notre projet de recapitalisation n’alourdira pas la dette genevoise, ne coûtera pas un centime d’impôt aux contribuables et offrira des logements à loyer abordable aux Genevois», renchérit Marc Simeth. Le texte propose aussi que les montants du deuxième pilier équivalent au 60% du dernier salaire assuré. Il veut aussi le maintien actuel dedans la répartition des cotisations (soit 2/3 employeur, 1/3 employé).

La gauche, le MCG et les syndicats, dont le Cartel intersyndical, soutiennent le projet de loi. Le Parti du Travail laisse la liberté de vote. «Une majorité de l’Assemblée générale du PdT avait trouvé dérangeante l’idée que le logement social puisse être considéré comme un placement rentable. Nous estimons en effet que le logement social devrait être détaché de tout objectif de rentabilité s’il doit remplir sa fonction première. De plus, les caisses de pensions, lorsqu’elles investissent dans l’immobilier, n’ont souvent pas hésité à avoir recours à la spéculation et à des pratiques pas toujours respectueuses des droits des locataires», explique Alexander Eniline, président du parti.

Charge massive pour les assurés

Lundi, le Conseil d’État, représenté par le Vert Antonio Hodgers et l’élue PLR, Nathalie Fontanet, est aussi descendu dans l’arène pour défendre son propre projet. Celui-ci prévoit une recapitalisation de 4,1 milliards par un prêt simultané entre l’État et la CPEG, remboursé sur 40 ans. Les assurés actifs verraient leur participation aux cotisations passer de 33% à 42%. Contrairement à l’Asloca, le gouvernement veut remplacer la primauté des prestations par celle des cotisations. Des mesures d’accompagnement devraient limiter la baisse de prestations à 5% maximum au jour du changement de plan selon le gouvernement.
Ce que conteste l’Asloca. «La plus grande partie des 3,3 milliards de recapitalisation (l’autre milliard est destiné à compenser la perte subie par les assurés) sera apportée par les assurés eux-mêmes, par une augmentation des cotisations de 2,35 %, soit une flambée des cotisations de 26,1% depuis 2012», assure l’association. «Nous refusons ce projet. Il ne peut être qu’une roue de secours, qui ne nous permettra pas de rouler très longtemps», tranche Romolo Molo
«Le projet du Conseil d’État ne permettra pas une stabilité à long terme de la caisse, avec des risques énormes qu’elle soit sous-capitalisée, ce qui impliquera de nouvelles mesures de capitalisation ou une augmentation des cotisations», précise Paolo Gilardi.«Le Conseil d’Etat prétend que la loi 12404 serait une juste répartition des efforts entre l’Etat et les assuré-e-s. C’est faux. La plus grande partie de la recapitalisation sera apportée par les assuré-e-s eux-mêmes. Ainsi, au bout de 40 ans, le coût final pour l’État sera de 500 millions environ au lieu de 3,2 milliards», critique Marc Simeth.

Dans le canton de Fribourg, le projet de recapitalisation de la Caisse de prévoyance du personnel de l’État de Fribourg (CCPEF) passe mal lui aussi. Les salariés dénoncent les baisses de rente – pouvant aller jusqu’à 25%, impliquées par le projet, ainsi que le passage à la primauté des cotisations. Un débrayage massif de la fonction publique est attendu le 30 avril.

Gauchebdo, 11 avril 2019, Joel Depommier

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