La Plataforma « America latina mejor sin TLC » a été lancée le 27 novembre à Buenos Aires, dans le cadre de la semaine d’action contre le G20. Elle demande aux gouvernements de la région de ne plus signer de nouveaux traités de libre-échange et d’investissement et de faire réaliser des études d’impact des traités existants.
“En Amérique latine, le commerce intra régional est déjà libéralisé à 95%. Alors pourquoi les gouvernements continuent-ils à négocier des accords de libre-échange (ALE)? Parce que les nouveaux ALE traitent de thèmes qui vont au-delà des frontières et affectent le pouvoir de décision des Etats. Un exemple patent, c’est le mécanisme de cohérence réglementaire, qui implique de rendre compatibles et homogénéiser les législations internes et prévoit le dialogue avec les « parties intéressées » du secteur privé. Ces questions régulatrices confèrent des privilèges exorbitants aux multinationales étrangères ! » S’exclamaient les représentants des ONG latino-américaines lors du lancement de la Plateforme Amérique latine mieux sans ALE, le 27 novembre à Buenos Aires. Ajoutant que : « 25 ans de libre-échange, ça suffit ! Il y a dix ans, nous nous sommes opposés avec succès à l’Area de Libre Comercio de las Americas (ALCA) [Zone de libre-échange des Amériques, un projet de traité de libre-échange continental], mais aujourd’hui les nouveaux ALE vont dans le même sens que l’ALCA ! »
Manifestations contre le G20 pour protester contre le libre-échange
« Nous sommes membres d’organisations sociales, syndicales, de femmes, de jeunes. Cette plateforme, qui réunit des plateformes nationales, était en gestation depuis longtemps. Ce n’est que par le dialogue que nous pouvons remettre en question les ALE, notamment en ouvrant un espace de discussion avec les parlements», soulignait Luciana Ghiotto, de l’Assemblée Argentine mieux sans ALE, saluant le fait que le lancement eût lieu dans les locaux du Sénat argentin. Deux sénateurs étaient présents pour soutenir la plateforme – Fernando Solanas, président de la commission environnementale, et Magdalena Odarda, de Patagonie, présidente de la commission des peuples autochtones, très inquiète de l’avancée de l’extractivisme en Amérique latine. « Nous sommes contre tous les ALE car ils détruisent l’environnement et limitent la capacité de régulation des Etats. Il n’y a pas d’accords bons ou moins mauvais ! » Précisait Luciana Ghiotto.
L’évènement avait lieu dans le cadre de la semaine d’action contre le G20, organisée par les mouvements sociaux pour protester contre le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui se tenait dans la capitale argentine – et pour la première fois en Amérique latine. Des ateliers contre le libre-échange et l’extractivisme se sont succédé à l’université et sur la place du Congreso (le parlement argentin), où des citoyens concentrés ont bravé la pluie diluvienne pour refaire le monde sous des bâches en plastique. La mobilisation a culminé dans la manifestation du 30 novembre, où des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Buenos Aires, scandant des slogans au son de la musique, dans une ambiance militante mais entièrement pacifique. En tête du cortège, une représentante des grand-mères de la Plaza de Mayo, le caractéristique fichu blanc sur la tête, et Perez Esquivel, rescapé de la dictature argentine et lauréat du Prix Nobel de la Paix, opposé aux accords de libre-échange et qui a servi de médiateur entre les autorités, qui craignaient des débordements et voulaient dans un premier temps interdire la manifestation, et les mouvements sociaux
Scepticisme sur l’amélioration de l’ALENA
« Le premier traité signé a été l’ALENA, qui a ouvert la porte à tous les autres, a ajouté le Mexicain Alberto Arrojo à la conférence de presse. Aujourd’hui le Mexique a des ALE avec plus de 50 pays. Dans le cadre de la renégociation de cet accord, Donald Trump était prêt à laisser tomber le mécanisme de règlement des différends investisseur – Etat (ISDS), mais le Mexique a demandé de le garder, c’est absurde ! Donc il va s’appliquer au Mexique [mais sa portée a été limitée au secteur de l’énergie, des télécommunications et à d’autres projets d’infrastructure], mais pas au Canada… Le nouveau chapitre sur le droit du travail n’a rien d’exceptionnel, il n’est pas contraignant, ce ne sont que des recommandations. Le chapitre sur les règles d’origine exige une augmentation du salaire et l’indépendance syndicale des travailleurs du secteur automobile reliés aux chaînes globales de production, mais ceux-ci ne représentent que 2,8% de l’emploi du pays. De plus, son application va dépendre de la loi sur le travail au Mexique, qui est en train d’être réformée.»
Le nouvel ALENA, rebaptisé Accord Etats-Unis – Mexique – Canada, prévoit que pour que les véhicules automobiles puissent entrer sur le marché nord – américain à des conditions préférentielles, 40% - 45% de leur valeur soit produite par des ouvriers gagnant au moins 16 USD de l’heure. Pour l’instant nul ne sait si cette disposition va faire augmenter les salaires du secteur au Mexique ou relocaliser la production aux Etats-Unis.
Inquiétudes pour le TPP 11, entré en vigueur le 30 décembre
Ana Romero, du Pérou, s’est inquiétée de la pression exercée par son gouvernement sur le parlement pour qu’il ratifie le Traité Trans Pacifique 11 (le TPP sans les Etats-Unis, entré en vigueur le 30 décembre), malgré l’opposition du ministère de la Santé, qui craint une limitation de l’accès aux médicaments. Ignacio Latorre, sénateur chilien, a aussi pointé du doigt la ratification du TPP 11 en cours dans son pays et le fait que les dispositions de cet accord se retrouvent déjà dans les nouveaux accords de libre-échange, négociés ou en cours de négociation, - selon la fameuse « technique du salami », dénoncée par Alliance Sud dans le cadre du TISA et du CETA.
La Plateforme demande aux gouvernements latino-américains de ne plus signer d’accords de libre-échange et d’investissement. Comme Alliance Sud, elle exige la réalisation d’études d’impact, dont sur les droits humains, par des entités indépendantes et un audit citoyen indépendant des accords existants. Celui-ci devrait être contraignant, contrairement à ce qui s’est passé en Equateur, où une commission indépendante, la CAITISA, avait conclu au caractère néfaste des accords d’investissement, mais le gouvernement n’en a pas tenu compte.
Cet article a d’abord été publié dans Global, le magazine d’Alliance Sud
Isolda Agazzi | 2 avril 2019
Photo: manifestation anti-G20, Buenos Aires, 27 novembre 2018 © Isolda Agazzi
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