Face à l’UE et au Mercosur, la Wallonie dit non!

En Belgique, le gouvernement wallon, tous partis confondus, donne du fil à retordre à l’Union européenne en s’opposant à un accord de libre-échange signé entre l’UE et le Mercosur. Le 28 juin 2019, le Mercosur, soit la communauté économique regroupant l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay (le Venezuela est suspendu du Mercosur depuis 2016), et l’Union européenne signaient un accord de libre-échange.

Ce dernier était en négociation depuis l’an 2000. Après une suspension en 2004, les pourparlers ont repris en 2013.

Depuis le début des tractations, des observateurs pointent les effets potentiellement négatifs du libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Au sein de ce dernier, le secteur secondaire risque de pâtir de la compétition avec les puissantes industries européennes (spécialement la filière de l’automobile). En ce qui concerne l’Union européenne, c’est l’agriculture locale qui n’est pas compétitive face à l’agrobusiness du Mercosur.

Cette donnée d’ordre structurel explique largement les aléas qui ont caractérisé les négociations entre les deux parties. En 2004, le boom sur les matières premières, alors soutenues par la forte croissance de l’économie chinoise, place les nations sud-américaines en position de force face au Vieux Continent. Les pays du Mercosur disposent alors de rentrées leur permettant d’éviter une ouverture commerciale trop importante à l’égard des Européens. Mais depuis 2014, le cours des commodités est déprimé. Il en résulte une diminution des marges de manœuvres pour les gouvernements de la région. Il faut exporter coûte que coûte pour se procurer de fort précieux dollars car l’endettement extérieur a beaucoup progressé entre-temps. Ce contexte morose, qui s’est accompagné d’un retour des droites au pouvoir, permet de mieux comprendre pourquoi, côté latino-américain, les sirènes de la libéralisation séduisent à nouveau.

Et pourtant, le rouleau compresseur de l’accord UE-Mercosur éprouve des difficultés à passer en force. En cause, la résistance de la Wallonie.

Le jeudi 17 janvier 2020, le gouvernement wallon a fait connaître, lors de la présentation de ses vœux à la presse, son opposition à la libéralisation des échanges commerciaux avec le Mercosur. Et puisque l’accord conclu par la Commission nécessite l’assentiment de tous les Etats membres, il y a fort à parier que le parlement wallon sera le cimetière de ce traité, tout comme Waterloo, une bourgade du Brabant wallon, fut, jadis, le tombeau de la mégalomanie ­napoléonienne.

On aurait tort de voir dans la posture du gouvernement wallon la prise de position anecdotique d’une assemblée locale sans grand pouvoir. Le fédéralisme belge s’est, en effet, construit sur le principe de l’équipollence des normes entre Etat fédéral et entités fédérées. Cela signifie que si une compétence appartient aux entités fédérées, ces dernières décident comme un Etat souverain et aucune entité n’est en droit de les censurer. Or le commerce extérieur est une compétence des régions.

L’Union européenne, négociatrice de l’accord avec le Mercosur, est donc juridiquement liée par la décision qu’adoptera le parlement wallon. Cette dernière, n’en doutons pas, consistera en un rejet. La coalition au pouvoir à Namur, capitale de la Wallonie, repose, en effet, sur une majorité parlementaire soudée et stable.

Il serait également erroné de réduire cette opposition wallonne à un entêtement doctrinal de la part de la gauche. S’il est vrai que cette dernière est forte en Wallonie, on s’empressera de préciser qu’à côté des sociaux-démocrates et des écologistes, le gouvernement wallon compte, en son sein, un parti libéral, le Mouvement réformateur (MR), classé à la droite de l’échiquier politique.

Il se trouve pourtant que le MR ne décolère pas contre l’accord conclu. Il faut dire que la paysannerie ne compte pas pour peu parmi sa clientèle électorale. Or, la viande exportée par le Mercosur, si le scénario de libéralisation se concrétise, sera 30% moins chère que celle des producteurs wallons. Ce petit détail permet de saisir pourquoi la droite wallonne, en dépit de ses références idéologiques, peste contre un accord de libre-échange…

Notre invité est économiste, Fondation Joseph Jacquemotte àCharleroi, www.acjj.be/

Le Courrier, 4 février 2020, Xavier Dupret

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