Haro sur les hôpitaux: une piste illusoire

Les experts et les caisses maladie estiment que 10% des hôpitaux en Suisse sont «superflus» et voudraient les fermer pour économiser 200 millions de francs.

Presque nulle part ailleurs dans le monde, les soins de santé par habitant ne sont aussi élevés qu’en Suisse. En 2017, les coûts par tête s’élevaient à 8’009 dollars, seuls les Etats-Unis, avec 10’224 dollars étant plus chers. Les primes d’assurance maladie sont actuellement le plus grand risque de pauvreté en Suisse. Afin de réduire les coûts, les experts de la santé comme ceux cités par le Blick (édition du 15 janvier 2020) ou l’association d’assurance maladie Santésuisse proposent de fermer un hôpital sur dix en Suisse. Cela devrait permettre d’économiser sept millions de francs par hôpital pour un total de 200 millions de francs.

Pour les huit millions d’habitants que compte la Suisse, un tel exercice d’épargne ne semble pas particulièrement important. Elle permettrait tout juste d’économiser annuellement 25 francs par habitant sur les coûts de santé. Par conséquent, la fermeture d’hôpitaux ne serait certainement pas un grand succès, et elle ne changerait pas grand-chose en termes de réduction des coûts.

Une bonne affaire pour les caisses maladie

Néanmoins, les fermetures sont judicieuses du point de vue des caisses d’assurance maladie. Ainsi, le matériel technique s’amortirait plus rapidement et il faudrait moins de personnel pour le faire fonctionner. Ces calculs ignorent pourtant une réalité. En 1997, il y avait 406 hôpitaux en Suisse. En 2016, il y en avait 269 et le nombre de lits a diminué de 800 entre 2000 et 2016, pour atteindre 38’059. Et ce, malgré l’augmentation du nombre de cas en termes de traitement hospitalier, qui sur la même période ont grimpé de 110’000 pour atteindre 1,44 million.

Reste aussi que la fermeture d’un hôpital est très impopulaire. Chaque fois qu’il en a eu l’occasion, l’électorat a empêché la fermeture des infrastructures de santé. La dernière fois, c’était à Bâle en février 2019, où les deux tiers des électeurs bâlois ont voté contre une fusion entre l’hôpital cantonal de Liestal et l’hôpital universitaire de Bâle. Et l’on s’attend également à une résistance de la population et du mouvement syndical dans le cas des fermetures annoncées en octobre dernier de cinq des neuf sites hospitaliers par le canton de Saint-Gall. Pour le syndicat SSP, il s’agit d’une «insolence». En 2014, les électeurs avaient approuvé un crédit d’un milliard pour le renouvellement et l’extension de la structure hospitalière de Saint-Gall, avec un soutien de plus de 70%. La réduction toucherait 1’000 travailleurs en raison des pertes ou des changements d’emploi.

L’augmentation des coûts

Le principal argument avancé par les assureurs santé et les experts en faveur des fermetures est le coût croissant des soins de santé. Ceux-ci ont en effet considérablement augmenté ces dernières années, comme cela se voit également dans la hausse moyenne des primes. Celles-ci ont plus que doublé, passant de 1’700 à 3’800 francs entre 1996 et 2020. Alors qu’en 1996, les primes d’assurance maladie représentaient encore 2,7% du budget moyen, elles avaient déjà atteint 4,7% en 2018. Pour le cinquième de la population ayant les revenus les plus faibles, les frais de santé représentent 21,6% du revenu brut moyen. Pour le cinquième de la population ayant les rentrées les plus élevées, il est encore de 6,6%.

En outre, le système de santé suisse est moins accessible aux personnes à faibles
revenus. Le recours aux franchises hautes plonge notamment les personnes précaires dans le dilemme de savoir si elles veulent suivre des soins en cas de maladie, ce qui peut entraîner des dépenses inabordables, ou si elles doivent «mettre leur poing dans la poche».

La santé sans les capitalistes

La fermeture d’hôpitaux n’entraîne finalement pas de progrès dans les soins de santé, mais simplement une augmentation des marges bénéficiaires du lobby de l’assurance maladie. En 2018, les caisses d’assurance maladie ont dépensé plus de 1,7 milliard de francs en commissions, publicité et administration.

Pour les patients, les fermetures signifient surtout une détérioration concrète comme le montre l’exemple de l’Allemagne. Dans ce pays, les transferts sont devenus plus longs (pour les patients et le personnel), les opérations reportées en raison de la capacité insuffisante des salles d’opération, les régions structurellement faibles et peu peuplées en particulier souffrent de la raréfaction de l’offre de cliniques et hôpitaux.

Les près de 200 millions qui seraient récoltés par la fermeture de 28 hôpitaux dans toute la Suisse sont loin d’atteindre le potentiel d’économie qui serait possible dans le domaine des soins de santé si les caisses maladie étaient expropriées et transférées dans une caisse unique. Une telle caisse d’assurance unifiée permettrait non seulement de soustraire notre santé à la logique de profit, mais aussi de libérer les travailleurs d’un risque supplémentaire de pauvreté.

Gauchebdo, 7 février 2020, Par Florian Siber, Paru dans Vorwaerts, adapté par la rédaction

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