Le Conseil des États a défait mercredi ce qui était passé à une courte majorité au National: les sociétés qui ont recouru au chômage partiel pourront donc verser des dividendes à leurs actionnaires. Un vote très net, à 31 voix contre 10.
Une majorité de sénateurs ne voit aucun obstacle à ce qu’une entreprise recoure à de l’argent public pour récompenser les porteurs de parts, quand bien même la Confédération a injecté quelque 6 milliards de francs dans l’assurance-chômage pour couvrir le recours massif au chômage partiel dans le cadre de la crise du covid-19. Le contribuable était en droit d’attendre un peu de retenue de la part du lobby patronal, mais les vieux réflexes ont la vie dure.
Seul argument valable: le mécanisme avait un effet rétroactif pour certaines entreprises qui ont déjà versé leur écot. On rétorquera que ces sociétés ne sont certainement pas tombées de la dernière pluie. Elles étaient pleinement conscientes de l’indécence qu’il y avait à rémunérer des actionnaires tout en mettant son personnel au chômage technique.
Les autres arguments pour permettre aux grosses entreprises – les petites n’étant pas concernées par la proposition – de faire coup double valent leur pesant d’or. On a pu entendre tour à tour des conseillers aux Etats relever que le chômage partiel était versé aux employés et qu’il ne représente pas une subvention. Ou encore que certaines entreprises pourraient préférer licencier leurs employés plutôt que de réduire le loyer versé aux actionnaires, si l’on en croit les saillies d’un Guy Parmelin en train de dorloter son oreiller de paresse intellectuelle. Quelques larmes de crocodiles ont même été versées sur ces collectivités publiques, actionnaires de certains groupes, qui pourraient se retrouver spoliées de revenus.
Au-delà de l’arrogance de la Chambre haute, la question demeure ouverte: ce hold-up sera-t-il suivi par d’autres? Ainsi, le chômage partiel ne doit pas être suivi de licenciements, puisqu’il est censé, précisément, éviter la destruction des emplois. Or certains groupes ont d’ores et déjà annoncé des coupes claires à l’interne. Attendront-ils les délais légaux pour ménager la façade ou se permettront-ils de s’asseoir sur la loi puisque, désormais, tout semble possible?
Le Courrier, 6 mai 2020, Philippe Bach
Session extraordinaire COVID-19: Des milliards pour les entreprises, des miettes pour les personnes précarisées par la crise!
Lors de sa première journée de session extraordinaire consacrée aux rallonges budgétaires liées à la pandémie de COVID-19, le Conseil national a rejeté trois amendements déposés par Ensemble à Gauche (EàG), qui réclamaient la garantie des revenus à 100% pour les personnes au chômage ou en réduction d’horaire de travail (RHT), l’élargissement des Allocations pour perte de gain (APG) aux personnes sans-papiers et aux petit-e-s indépendant-e-s précaires, ainsi qu’une augmentation des aides d’urgence en faveur des acteurs culturels. Alors que la crise économique et sociale touche une part importante de la population, personnes précaires et femmes en première ligne, EàG réclame que des mesures sociales d’urgence soient prises.
« Ensemble à Gauche ne compte pas en rester là », annonce d’emblée Stefanie Prezioso, conseillère nationale. « Le Parlement ne peut pas voter des milliards pour le secteur de l’aviation tout en ignorant le sort réservé aux personnes les plus fragiles de notre société ! ». EàG déposera une série de projets en faveur d’une prise en compte de l’intérêt de l’écrasante majorité de la population frappée par la crise sociale et économique causée par la pandémie.
Tout pour les entreprises, rien pour les personnes précarisées par la crise
La majorité de droite du Parlement semble s’accorder sur des dizaines de milliards d’aides exceptionnelles aux entreprises. Il n’en va pas de même en ce qui concerne les chômeurs-euses, les petit-e-s indépendant-e-s précaires, les acteurs culturels précaires ou encore les sans-papiers… Pour ces personnes, lorsqu’elles sont en droit de percevoir une aide, cette dernière se limite bien souvent aux prestations ordinaires de chômage ou d’APG. « Le Parlement a certes voté des rallonges en faveur de l’assurance chômage ou des APG, rendues nécessaire par l’augmentation du nombre de personnes prises en charge par ces dispositifs », explique la conseillère nationale. « Mais il ne faut pas se laisser berner : il n’y a pas de véritables mesures exceptionnelles pour les personnes les plus violemment touchées par la crise, qui n’ont parfois accès à aucune des prestations sociales (les sans-papiers notamment) et vont grossir les rangs des personnes faisant des heures de queue afin d’obtenir des aides alimentaires d’une valeur de 20 francs. »
Suivant cette logique antisociale, la majorité de droite du Parlement a rejeté les trois amendements d’EàG:
1. Garantir les revenus des personnes au chômage ou en RHT à 100%
La pandémie de COVID-19 a généré une explosion du nombre de personnes au chômage ou au chômage partiel. Parmi elles, de nombreux-ses salarié-e-s déjà précarisé-e-s, qui ont été licenciées ces derniers mois, ne perçoivent aujourd’hui que 70% à 80% de leurs revenus au travers d’indemnités journalières. Il en va de même pour les personnes au chômage partiel, qui ne couvre que 80% des revenus. Bon nombre de salarié-e-s qui étaient déjà précaires se retrouvent ainsi dans une situation encore plus difficile. Afin de remédier à cette situation et de soutenir une relance par la demande, EàG réclamait un budget supplémentaire de 5 milliards afin de garantir provisoirement aux personnes au chômage des indemnités journalières s’élevant à 100% du gain assuré tant que durera la crise sociale et économique. Nous réclamions également la couverture à 100% des revenus des personnes touchées par le chômage partiel. Cette véritable mesure de lutte contre la pauvreté a été rejetée par 124 voix contre et 54 pour.
2. Elargir les APG aux sans-papiers et aux petit-e-s indépendant-e-s
Parmi les petit-e-s indépendant-e-s, de nombreuses personnes restent privées d’accès à des prestations pour perte de gain. Il s’agit notamment de personnes actives dans les domaines de l’économie domestique, de la culture, du travail du sexe ainsi que des personnes sans titre de séjour. Afin que les conditions d’octroi des prestations d’APG soient adaptées à ces catégories de la population et que des APG leurs soient octroyées, EàG réclamait une augmentation supplémentaire du budget alloué aux APG. Notre proposition a été refusée par 129 voix contre et 61 pour.
3. Augmentation de l’aide d’urgence aux acteurs-trices culturel-le-s
Une partie importante des acteurs culturels (faux-indépendants, intermittents sans contrats formels, personnes travaillant à l’heure, sur appel ou à la prestation, …) se retrouvent aujourd’hui encore privés de tout revenu en raison du COVID-19. Afin que la Confédération ne laisse aucun acteur cultuel sur le bord de la route, surtout pas la part la plus précaire d’entre eux, EàG a proposé de multiplier par 4 le montant de l’enveloppe consacrée à l’aide d’urgence en faveur des acteurs-trices culturel-le-s. Cette proposition a été rejeté 131 voix contre et 60 voix pour.
Des milliards pour l’aviation, sans conditions
Un même sort a été réservé à une série d’amendements, déposés par le PS et les Verts et que nous soutenions, sur le gros dossier des conditions cadres des crédits dans le secteur aérien. Les garanties climatiques liées au cautionnement, l’engagement des compagnies aériennes à réduire les vols internes, l’interdiction de tout licenciement ou encore le conditionnement des prêts à l’institution d’un salaire minimum… tous les amendements de la gauche ont été balayés par une droite déterminée à signer un chèque en blanc aux compagnies aériennes.
EaG | 5 Mai 2020
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