Vers moins de transport en commun

La crise du coronavirus pourrait transformer durablement les habitudes de mobilité en Suisse. Un tiers des sondés estiment qu’ils se déplaceront à l’avenir davantage à vélo, en scooter électrique ou à pied. Ou en trottinette.

Les Suisses veulent moins utiliser les transports en commun à l’avenir en raison de la pandémie due au nouveau coronavirus. Entreprises et autorités sont invitées à élaborer des solutions pour conjuguer besoins de mobilité et protection du climat. Selon un sondage réalisé par le cabinet d’audit Deloitte Suisse, il y a un déplacement du trafic vers les moyens de transport individuels, par peur des risques de contamination dans les transports publics. Beaucoup veulent se replier sur les deux-roues ou la voiture et continuer à télétravailler, constate-t-on dans cette enquête publiée mardi.

Un tiers des sondés croient ainsi qu’ils se déplaceront à l’avenir davantage à vélo, en scooter électrique ou à pied. Un quart compte moins utiliser les trains, bus, trams ou taxis. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), chaque personne en Suisse passait en moyenne 90 minutes en déplacement avant la crise actuelle, dont la moitié pour ses loisirs, relèvent les auteurs de l’enquête. Les transports individuels devraient y prendre désormais davantage de place.

Jeunes en voiture et moto

Le trafic individuel motorisé devrait connaître une légère augmentation, surtout parmi les individus jeunes. Un quart des sondés de moins de 30 ans (26%) entendent utiliser plus souvent la voiture et 29% plus la moto. Ce qui pourrait représenter un écueil pour la politique climatique de la Suisse.

Le sondage montre que ce sont surtout les déplacements à pied et à vélo qui vont se développer dans les villes, ce qui accentuera les revendications pour des infrastructures plus adaptées en ce sens, voire de péages pour réguler le trafic motorisé dans les villes.

Télétravail plébiscité

De nombreux sondés souhaiteraient aussi continuer à télétravailler certains jours. Selon une étude du bureau Ecoplan, des concepts d’emploi et d’horaires plus flexibles pourraient permettre de décharger les transports publics. La décharge potentielle atteindrait 24% le matin et 10% le soir.

Les autorités devraient prendre en compte la tendance vers plus de télétravail dans leur planification en matière de transports, poursuit Deloitte. Des plans pour des projets d’infrastructures coûtant des milliards devraient être repensés ou adaptés aux nouvelles circonstances.

Moins voler

De nombreux sondés estiment en outre qu’ils voleront moins ces prochaines années. Vingt-sept pourcent de ceux qui volent occasionnellement pensent le faire moins, alors que 13% comptent le faire plus. Pour prendre en compte ces besoins de mobilité en évolution, autorités et économie sont invitées à permettre des flux de trafic plus flexibles, à encourager des concepts comme la location de vélos électriques ou l’autopartage et à mettre les moyens de transport en réseaux.

La tendance vers plus de mobilité individuelle ne devrait toutefois pas empêcher la Suisse de réduire ses émissions de CO2 comme prévu et d’introduire une taxation efficace en ce sens. Deloitte a effectué son sondage à la mi-avril auprès de 1500 personnes actives établies en Suisse.

Vaud Veut Des bandes cyclables sur 100 kilomètres

Si, à Genève, un essai de 7 kilomètres supplémentaires de pistes cyclables donne lieu à une véritable bataille, Vaud se veut plus «consensuel». A titre provisoire, il va tracer cet été des bandes cyclables sur 100 kilomètres de routes cantonales. «Le potentiel est là, il faut saisir la balle au bond», selon Nuria Gorrite.

A l’origine de cette initiative «inédite», il y a une crainte: que le report modal post-Covid se fasse au bénéfice de la voiture et que l’engorgement des routes s’accentue. D’autant plus qu’une étude de l’EPFL montre que le vélo a réussi une véritable percée lors du semi-confinement.

«Le vélo, c’est rapide, écolo et bon pour la santé», souligne la présidente du Conseil d’Etat. Les nouvelles habitudes doivent perdurer et il faut pérenniser cet élan au-delà des craintes sur les risques d’infection dans les transports publics. Les pendulaires vaudois résident par exemple majoritairement à moins de 10 kilomètres de leur travail.

Avec son plan d’action, Vaud accélère le tempo. Cet été, à titre provisoire, il va tracer des bandes cyclables sur 100 kilomètres de routes cantonales proches des localités ou reliées aux centres régionaux. Ce ne seront pas de pistes cyclables indépendantes, car la majorité du réseau cantonal n’est pas assez large. Elles feront 1,5 m, pris sur la chaussée existante. On compte 2200 kilomètres de routes dans le canton, dont 700 sous l’autorité des communes et 1500 du canton.

«La route doit devenir un espace partagé», souligne Nuria Gorrite. Les transports publics, les véhicules motorisés et les vélos sont appelés à cohabiter et à se respecter. Le canton mettra 900 000 francs dans cette opération. «C’est du provisoire, mais pas au rabais», insiste Nuria Gorrite. La bande de 1,5 m sera entretenue, avec la sécurité des usagers comme credo.

Le premier tronçon modifié se trouve entre Treytorrens et Rivaz, sur le plat du Dézaley, au bord du lac. Une voie sera désormais réservée à la mobilité douce et une aux voitures, avant que l’aménagement de l’axe soit pleinement réalisé en 2021.

Ces réalisations provisoires ne seront pas «des oreillers de paresse», affirme Nuria Gorrite. Par la suite, l’Etat compte bien «offrir de vraies pistes cyclables». Mais là, les procédures deviennent autrement plus compliquées, avec des mises à l’enquête, des terrains qu’il faut acquérir, avec des éventuelles oppositions ou résistances.

L’Association transports et environnement (ATE Vaud) s’est félicitée de ce plan d’action. Elle attend maintenant l’engagement des communes en faveur de la mobilité douce. Du côté du TCS Vaud, son directeur Jean-Marie Thévenaz indique que son organisation va suivre avec attention la mise en place du projet, en espérant qu’il fera sens en termes de sécurité du trafic et d’environnement. Raphael Besson

Le Courrier, ATS, Raphaël Besson, 3 juin 2020

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