Déçue et fâchée, l’Association des communes vaudoises quitte les négociations sur la facture sociale. Entrée en fonction en mars, la conseillère d’État Christelle Luisier hérite du délicat dossier de la facture sociale. Alors que des signes d’ouverture laissaient espérer des avancées sur le dossier chaud de la répartition de la facture sociale entre le canton et les communes, c’est un coup de tonnerre auquel on assiste en ce début des vacances.
L’Association des communes vaudoises (AdCV, communes dites «riches») quitte la table des négociations. Elle laisse seule sa grande sœur, l’Union des communes vaudoises (UCV), essayer de trouver une solution avec le Conseil d’État.
Si le sujet se révèle vite compliqué, il n’en est pas moins essentiel pour le fonctionnement global du canton, avec une valse de dizaines de millions de francs à la clé.
«Ce n’est pas du tout un coup d’éclat», explique la présidente de l’AdCV Josephine Byrne Garelli (plr). Cela fait plus d’un an et demi que les discussions sont en cours, avec divers groupes de travail. Il y a trois semaines, la nouvelle conseillère d’État chargée des communes Christelle Luisier (plr) est venue accompagnée des deux autres membres de la délégation Pascal Broulis (plr, finances) et Rebecca Ruiz (ps, social) avec «une proposition très éloignée» de la position de l’AdCV.
Vote très tendu
Un vote très tendu a suivi au sein du comité de l’AdCV. Pour finir, «nous sommes restés, mais en trois semaines, la ligne du Conseil d’Etat n’a pas bougé», déplore Josephine Byrne Garelli.
Pour mémoire, la facture sociale est aujourd’hui répartie moitié-moitié entre le canton et les communes. «C’est devenu intenable pour toutes les communes, cette facture est énorme (820 millions en 2019 pour les communes)», assure la présidente de l’AdCV.
Dans une tentative de compromis, la solution de retour au système «deux tiers – un tiers» a été avancée. Elle correspond au fait que le canton prélève deux tiers des recettes fiscales et les communes un tiers. L’AdCV a chiffré à 300 millions de francs par an la somme que le canton devrait mettre dans le panier des communes. «Mais les montants articulés lors des négociations sont très loin d’un vrai rééquilibrage des finances canton-communes», juge Josephine Byrne Garelli.
«Ce n’est pas du tout un coup d’éclat» Josephine Byrne Garelli
La présidente se dit «très affectée par cet échec». Elle en veut aussi à Pascal Broulis, très inquiet à cause des répercussions financières du Covid-19. «Il manque d’une vision à plus long terme avec les communes», selon elle.
Entrée en fonction à la mi-mars, en plein semi-confinement, l’ancienne syndique de Payerne Christelle Luisier s’étonne du départ de l’AdCV et rappelle que l’Union des communes vaudoises (UCV) représente environ 280 communes sur les 309 du canton. Elle affirme toujours sa volonté d’aboutir. «Je souhaite absolument que l’on ait une solution. On s’est déjà réuni quatre fois, d’autres séances sont agendées.»
La cheffe du Département des institutions et du territoire (DIT) se veut «raisonnablement optimiste. Il y a un engagement sans faille pour aboutir.» Avec l’espoir de poser les premiers jalons de la solution d’ici l’automne.
«Bouts de chandelles»
Face à tant d’assurance, le syndic de Rolle Denys Jaquet (ps) pousse un véritable coup de gueule. Il félicite l’AdCV d’avoir pris cette décision car, selon lui, «les tractations en cours ne peuvent aboutir qu’à l’accouchement d’une souris. Seule l’UCV y croit encore et espère obtenir des bouts de chandelles.»
Directeur de l’Union des communes vaudoises, Gianni Saitta regrette la tournure des événements. «Cette division n’est pas bonne pour les communes dans leur ensemble», souligne-t-il. Il faut négocier «l’intensité du rééquilibrage de la facture sociale. Aujourd’hui, il manque déjà 150 millions de francs dans les caisses communales pour retrouver une certaine marge d’autofinancement.» Traduction: pour l’UCV, la solution devrait se situer entre 100 et 200 millions de francs. «C’est autour de ces montants que l’on va discuter. En dessous de 100 millions, cela ne vaut pas la peine», reconnaît-il.
«C’est un principe»
«Plus qu’un montant, c’est un principe», martèle Carine Tinguely, vice-présidente de l’AdCV. «Il faut que la solution soit en lien avec les impôts prélevés. Aujourd’hui, l’État prélève deux tiers, les communes un tiers. Si l’on s’éloigne trop de ce ratio, les communes ou le canton seront perdants.»
L’AdCV n’est d’accord ni avec la hauteur du montant avancé par l’Etat, ni avec le délai beaucoup trop long pour sa mise en œuvre. La vice-présidente note en outre que le canton veut ajouter d’autres sujets concernant notamment la police à cette discussion, ce qui n’est pas acceptable.
Carine Tinguely insiste enfin sur un point qu’elle juge essentiel. «Si nous n’arrivons pas à un rééquilibrage entre canton et communes, nous n’arriverons pas non plus dans un deuxième temps à refondre le système péréquatif entre les communes elles-mêmes.»
Le Courrier, 7 juillet 2020, Raphaël Besson
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