Acidus : un déficit de l’État à faire payer par les employés ? Et pourquoi pas faire appel aux millionaires/milliardaires ? ne sont-ils pas capables d’avoir un geste solidaire avec la société, ne serait-il qu’obligatoire à travers le fisc ?
Le projet de budget 2021 du Conseil d’État prévoit la baisse de 1% du salaire de tous les fonctionnaires pendant quatre ans. Les annuités 2021 et 2023 ne seraient pas versées.
Quelque 300 personnes ont manifesté jeudi en vieille-ville leur opposition à la baisse de salaire des fonctionnaires prévue dans le projet de budget 2021 du Conseil d’État.
Finances
Un demi-milliard de francs. C’est l’ampleur du déficit prévu par le Conseil d’Etat genevois dans son projet de budget du canton pour l’année 2021. Un exercice qui sera plombé par les effets du Covid-19, mais aussi par le manque à gagner fiscal dû à la RFFA, par la recapitalisation de la CPEG (la caisse de pension des fonctionnaires) et la hausse de subsides pour l’assurance-maladie. Une crise et des réformes qui pèsent déjà très lourd cette année. Le déficit de 2020 devrait en effet atteindre entre 1,1 et 1,2 milliard, selon Antonio Hodgers. «Les effets de la crise sanitaire sur l’économie se font sentir et le pire reste à venir», a relevé le président de l’exécutif.
Baisse de salaires
Face à des «incertitudes majeures» et pour atténuer les pertes de ces prochaines années, le gouvernement a décidé d’en appeler à la «solidarité» des fonctionnaires. Un «effort» de la part des employés de l’Etat qui passe par une baisse de 1% de leur salaire pendant quatre ans et le non-versement de l’annuité en 2021 et en 2023. Des mesures chiffrées respectivement à 44 et 55 millions de francs, qui «permettent à l’État d’engager du personnel pour répondre aux besoins de la population», comme l’a plaidé la conseillère d’État chargée des finances, Nathalie Fontanet. Le gouvernement a en effet inscrit 291 postes supplémentaires pour 2021 – dont plus de la moitié pour la formation afin de faire face à l’augmentation du nombre d’élèves – ainsi que 62 auxiliaires pour le dispositif transitoire imposé par la Confédération pour la cellule chargée du suivi des cas de Covid-19.
«Les effets de la crise sanitaire sur l’économie se font sentir et le pire reste à venir» Antonio Hodgers
Le Conseil d’État a par ailleurs affiché sa volonté de soutenir ceux qui sont touchés par la crise, augmentant notamment de 100 millions l’enveloppe prévue pour la Cohésion sociale et de 10 millions celle de la Santé, ainsi que 27 millions de plus pour la Formation. L’exécutif a cependant insisté sur sa volonté de «contenir l’augmentation des postes» et de «maîtriser la croissance des charges». La hausse de ces dernières, 0,6% pour 2021, «n’a jamais été aussi basse», s’est félicitée Nathalie Fontanet.
Les fonctionnaires seront par ailleurs encore sollicités à l’avenir. Dans son plan financier quadriennal, le gouvernement prévoit en effet d’augmenter leur part du financement de leur caisse de pension de 33,3% actuellement à 42%. Une mesure qui conduirait à une économie annuelle pour l’État de 77 millions de francs, dès 2022. Quant à la non-indexation des salaires, elle ne devrait rien rapporter en 2021 et 2022 mais pourrait permettre à l’État de ne pas dépenser 27 millions, puis 55 millions pour 2023 et 2024.
Participation des communes
Pour alléger ses charges, le gouvernement va également réclamer aux communes de contribuer à la facture sociale. «Nous allons leur demander une participation de 4%, ce qui reste modeste, a expliqué Thierry Apothéloz, ministre chargé de la Cohésion sociale. L’aide sociale a augmenté de 101% en dix ans (pour une facture totale de plus de 2,3 milliards par an, ndlr), et le canton la porte presque exclusivement.» L’Etat escompte une économie de 44 millions en 2021 mais vise à terme à atteindre une baisse de charges de 90 millions par an. A noter que le système de calcul prévu ne ferait participer à cet effort que les municipalités au «plus fort potentiel fiscal». «Trente-deux des quarante-cinq communes genevoises ont baissé leur centime additionnel ces dernières années», a encore rappelé Thierry Apothéloz.
Revoir le frein au déficit
Côté recettes, le gouvernement mise sur une réforme de l’imposition immobilière, présentée la semaine dernière, et une hausse de la part des bénéfices de la Banque nationale suisse pour engranger quelque 142 millions supplémentaires. Reste que ce projet de loi sera combattu tant par la gauche que par la droite.
Face au risque de déclenchement du mécanisme de frein au déficit, le gouvernement va utiliser la réserve conjoncturelle pour contenir les malus prévus pour ces prochaines années dans des proportions admissibles. La grande argentière a cependant relevé que «ce dispositif n’est pas adapté à des périodes de crise sanitaire». «Le Conseil d’État veut aménager le frein au déficit de manière à ce qu’il tienne compte des périodes particulières», a ainsi assuré Nathalie Fontanet. Le frein à l’endettement ne devrait par contre pas être touché, alors que les projections tablent sur une dette de plus de 15 milliards en 2024.
A noter que ce projet de budget qui fait déjà l’objet de fortes critiques de la part des partis politiques qui sont appelés à le traiter au Grand Conseil (lire ci dessous) n’a pas fait l’unanimité au sein du collège gouvernemental, comme l’ont confirmé Antonio Hodgers et Pierre Maudet, ce dernier laissant entendre qu’il se désolidarisait du projet présenté.
18 septembre 2020, Gustavo Kuhn, Le Courrier
COMMENTAIRE
La cohésion sociale a bon dos
La «prime Covid» pour remercier les infirmières et autres agents de l’État au front durant la crise est amère: une baisse de revenus conséquente pour la fonction publique et parapublique. C’est pour préserver la cohésion sociale que le Conseil d’État justifie cette ponction auprès d’employés jouissant de la garantie de l’emploi, tandis que licenciements ou pertes de revenus ont touché une moitié des travailleurs du privé.
Dans ces circonstances exceptionnelles de crise sanitaire, sociale et économique, on pourrait à la limite entendre ce discours, si ce n’était celui qu’on nous sert à chaque exercice budgétaire. Mais là où la pilule ne passe pas, c’est que cette cohésion sociale semble le dernier des soucis de l’exécutif puisqu’il refuse de chercher de nouvelles recettes chez ceux que la crise touche le moins, soit les plus fortunés. Soyons justes: une réévaluation du patrimoine immobilier augmentera l’impôt d’une partie des propriétaires, mais l’État ne fait qu’appliquer une obligation fédérale qu’il n’a eu de cesse de retarder. La crise Covid aurait aussi largement justifié de rogner l’incroyable cadeau fiscal fait aux entreprises avec la RFFA. Après tout, alors qu’on a voté la recapitalisation de la Caisse de pension de l’État (CPEG) en même temps que la réforme fiscale, l’exécutif n’hésite pas à remettre la compresse sur les pensions en cherchant à augmenter la part des cotisations versées par les salariés.
Enfin, la «maîtrise des charges» – comprenez politique d’austérité – contredit le principe de relance par la consommation. L’État ne se donne pas les moyens pour faire face aux immenses défis à venir: crise économique et sociale, crise climatique.
L’exécutif devra maintenant défendre sa copie face à la contestation syndicale et de gauche, mais aussi des communes mises à juste titre à contribution ou encore de la droite refusant qu’on touche aux propriétaires ou au frein au déficit. RACHAD ARMANIOS
«Une attaque frontale contre le service public»
18 septembre 2020, Christiane Pasteur
Le projet de budget 2021 et le plan financier quadriennal constituent une «attaque frontale» en vue de démanteler le service public, estiment le Parti socialiste, les Verts, Ensemble à gauche, la Communauté genevoise d’action syndicale et le Cartel intersyndical, qui signent un communiqué de presse commun. Ils pointent les baisses de salaires pour les fonctionnaires. «Au-delà, tous les salariés du canton pourraient y perdre, tant les choix opérés par le gouvernement témoignent d’une détermination claire à faire porter aux travailleuses et travailleurs les conséquences économiques de la crise du Covid et des réformes fiscales en faveur des plus fortunés. De ceux-là, il n’est attendu aucun ‘effort’ particulier.»
L’équilibre budgétaire poursuivi est érigé au rang de «dogme quasi religieux par le gouvernement», dénonce la gauche. Les postes supplémentaires prévus sont jugés insuffisants et le fait que l’augmentation totale des charges n’ait jamais été si faible depuis vingt ans, prouve, selon elle, que les moyens engagés ne sont pas à la hauteur des enjeux.
A droite, le discours est inverse. Le PDC soutient le projet de budget, y compris l’idée de lever le frein au déficit. Il se félicite en particulier des investissements consentis dans la mobilité, les entreprises, la transition énergétique et numérique. Il invite aussi le Conseil d’État à revoir le statut des fonctionnaires pour obtenir «plus de souplesse».
Le PLR se réjouit également de la maîtrise des charges, des efforts budgétaires «consentis» et de la modification de la répartition des cotisations employeurs/employés à la CPEG. En revanche, il estime que les postes supplémentaires prévus sont déconnectés de l’augmentation de la population. Il refuse également le projet de réévaluation du patrimoine immobilier et l’aménagement du frein au déficit.
L’UDC se dit, elle, très inquiète du niveau de la dette et estime que le gouvernement aurait dû procéder à des choix, même douloureux, pour ne conserver que les secteurs «vitaux». Quant au MCG, il estime que les dix millions supplémentaires prévus pour la santé sont insuffisants, surtout au regard des trois millions de plus accordés à la mobilité, qualifiée d’«immobilité». Le parti proposera un projet de loi, encore en discussion à cause de divergences internes, concernant la taxation du travail frontalier pour un montant de 170 millions de francs.
Enfin, le Conseil d’État entend faire participer les communes à la facture sociale. Un projet de loi en ce sens sera déposé. Président de l’Association des communes genevoises, Xaxier Magnin devait jeudi en prendre connaissance en détail, mais affirme d’ores et déjà qu’un référendum sera sans doute lancé.
0 commentaire à “Un déficit de plus de 500 millions”