Le vol d’eau, un crime massivement répandu et largement impuni (vidéo) / La Matinale / 3 min. / hier à 07:21
40% des ressources en eau dans le monde sont volées, selon un rapport de la Banque Mondiale. Le phénomène est très peu documenté et les sanctions sont virtuellement inexistantes.
Le constat de la Banque Mondiale est sans appel: entre 30% et 50% de l’approvisionnement en eau de la planète est volé chaque année.
Dans un premier temps, il s’agit de clarifier un élément fondamental: celui de la propriété de l’eau. Les régulations varient par pays, mais de manière générale, les ressources en eau reviennent à l’Etat.
“En Suisse, toutes les eaux sont un bien public”, affirme Laurent Roquier, responsable de société suisse de l’industrie des eaux et du gaz. “Si un cours d’eau traverse un terrain privé, il reste un bien de la collectivité”. Précisons qu’il existe quelques exceptions, en fonction des cantons.
De l’eau pour l’agriculture
Depuis 2010, les Nations unies définissent l’accès à l’eau potable comme un droit humain fondamental. L’ONU estime que le besoin minimal quotidien en eau par personne est de 50 litres. En Suisse, une personne emploie 150 litres par jour (sans compter l’eau utilisée sur le lieu de travail, les loisirs et les vacances).
Mais ce n’est pas de consommation privée qu’il s’agit quand on parle de vol. Pour donner un ordre de grandeur, 70% des ressources naturelles en eau sont utilisées par l’agriculture. Et c’est souvent aussi à ces fins qu’elles sont dérobées.
“Je pense que le scénario le plus courant est celui dans lequel quelqu’un branche une pompe ou une connexion illégale à un cours d’eau ou à un pipeline”, explique Adam Loch, chercheur à l’Université d’Adelaïde en Australie et co-auteur du rapport Grand theft water and the calculus of compliance publié dans la revue Nature Sustainability.
Peu d’informations
“Cette personne détourne ainsi une eau qui ne lui appartient pas. Parce que le stockage de l’eau est cher, comme son transfert ou son transport ou même son accès pour un usage agricole.”
Mais de manière générale, le phénomène n’est que très peu documenté. Pour des raisons évidentes. Les voleurs d’eaux ne signalent pas leurs actions, les autorités corrompues sont parfois prêtes à fermer les yeux ou tout simplement les quantités d’eau disponibles chaque année varient, en fonction de la pluie par exemple.
Pour lutter contre le problème, il s’agit de mieux réglementer et créer des sanctions plus strictes, selon Adam Loch. “C’est une affaire de sens commun. Il faut renforcer les institutions et les mécanismes de surveillance.”
Le vrai prix de l’eau
Mais pour le chercheur, une autre lacune s’ajoute à ce problème, celle d’une confusion entre valeur et prix.
“Les distributeurs d’eau - privés ou publics - évaluent souvent très mal la véritable valeur de l’eau et ajustent mal leur prix. Il faut distinguer le coût et le prix. Le prix ne peut être fixé que par un marché. C’est fondamentalement différent.”
C’est cette lacune qui explique les situations dans lesquelles une entreprise comme Nestlé peut acheter de l’eau à bas prix dans une commune californienne, pour le mettre en bouteille et la revendre.
Réchauffement climatique
L’affaire est légale, mais dans une Californie en proie à la sécheresse, cette exploitation commerciale de l’eau par une entreprise souligne cette confusion entre vraie valeur et prix.
Mais les chercheurs parient que, avec le réchauffement climatique, toutes deux vont augmenter. Et l’eau deviendra alors de plus en plus précieuse et … encore plus souvent volée.
RTS, Katja Schaer
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