«L’austérité avant la vie»: la formule résume assez bien le choix de la classe dominante helvétique face à la deuxième vague.
En novembre, les morts liées au Covid-19 ont grimpé en Suisse.
«Notre taux de mortalité est non seulement actuellement le plus haut d’Europe, il est même plus élevé qu’aux États-Unis. En même temps, de nombreux hôpitaux et surtout les soignants font face face à une charge très élevée, sans qu’une issue rapide ne soit en vue» soulignait Monika Bütler, professeure d’économie et membre de la task force Covid-19 de la Confédération (Tages Anzeiger, 17 novembre 2020).
Même le quotidien ultralibéral NZZ (25 novembre 2020) posait la question: «La Suisse laisse-t-elle des personnes mourir pour préserver l’économie?» Sur les ondes de la radio alémanique, le conseiller fédéral (UDC) Ueli Maurer répondait par l’affirmative [1].
«La Suisse fait passer l’austérité avant la vie», soulignait un commentateur. La formule résume assez bien le choix de la classe dominante helvétique face à la deuxième vague.
Alors que les salarié-e-s sont exposé-e-s à un fort risque d’infection dans certains secteurs, le dispositif mis sur pied au printemps pour épargner les vulnérables n’a toujours pas été réactivé; les plans de protection sur les lieux de travail restent la plupart du temps facultatifs, et les contrôles totalement insuffisants.
Alors que le personnel soignant est à bout, Conseil fédéral et Parlement refusent jusqu’à présent de financer le manque à gagner induit par le Covid-19 pour les hôpitaux. Un choix politique qui accentuera la pression sur le personnel et accélérera les fermetures d’établissements.
Alors que les bas revenus sont proportionnellement beaucoup plus touchés par la crise, le Conseil fédéral refuse de compenser à 100% la perte de revenu pour ces salarié-e-s précaires.
Concrètement, cela signifie qu’un-e serveur-euse au chômage partiel, rémunéré au minimum fixé par la CCT de l’hôtellerie-restauration (3470 francs), doit se débrouiller aujourd’hui avec 2776 francs bruts par mois.
On ne parle pas de cas isolés. En 2018, l’OFS dénombrait 353 000 postes de travail à bas salaire en Suisse. Au printemps déjà, le SSP dénonçait le fait que des salarié-e-s de l’aéroport de Genève, souvent payé-e-s au lance-pierres, devaient recourir aux distributions de nourriture pour boucler les fins de mois.
Tout le monde ne se trouve pourtant pas dans le même bateau. À l’image de Crédit Suisse, nombre de grandes banques et entreprises continuent à verser des dividendes à leurs actionnaires. Et les ultra-riches ne connaissent pas la crise.
Pour financer de vraies mesures visant à protéger la santé de la population salariée et ses conditions de vie, c’est là qu’il faut puiser. Même le très modéré Jan-Egbert Sturm, directeur de l’institut de prévision économique KOF, propose aujourd’hui d’imposer davantage les bénéfices des entreprises. D’autres voix, sur le plan politique, demandent une taxation renforcée des revenus du capital et des grandes fortunes.
Une revendication qui devrait être défendue activement par l’ensemble des forces syndicales et progressistes.
[1] «Wir haben eine Güterabwägung gemacht» («Nous avons fait une pesée d’intérêts»). SRF, 21 novembre 2020.
Services publics, VPOD/SSP, 4 décembre 2020
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