SUISSE . Le Conseil fédéral a fait sien le compromis des faîtières patronales et syndicales en matière de 2e pilier. Retour critique sur le «supplément de rente» introduit par cet accord.
Dans son avant-projet du 13 décembre 2019 1, le Département fédéral de l’intérieur (DFI) a repris, presque tels quels, nombre d’éléments du compromis en matière de prévoyance professionnelle (2e pilier) proposé par les partenaires sociaux 2, dont sa notion-phare de «sup-plément de rente». Dans un précédent article 3, nous avons décrit ce qu’était ce supplément de rente et en avons entamé une analyse critique, montrant surtout et d’abord que, contrairement à ce qu’en disent les partenaires sociaux et le DFI, le supplément de rente ne contient pas les éléments qui en feraient «un élément de financement par répartition dans le sys-tème de la prévention professionnelle» 4.SOLIDARITÉS MULTIPLES. Pour cela, nous avons commencé par bien définir, dans un autre article, «la solidarité sociale» qui est au cœur de l’AVS 5. Nous devons maintenant revenir sur cette question et être encore plus précis. Car, en fait, il faut distinguer plusieurs solidarités sociales à l’œuvre au cœur de l’AVS. D’abord, rappelons-le, il y a le premier principe, fondamental, de base, de l’AVS, le «financement par répartition», réali-sation financière du principe social de «solidarité entre générations»: chaque génération commence par être, lorsque ses membres sont des actifs, «donneuse» dans la solidarité, car ses cotisations servent à payer les rentes des retraités du moment; elle devra alors impérative-ment bénéficier d’un «retour de solidari-té», lorsque ses membres seront devenus retraités et que leur rentes seront payées par les actifs du moment. Cette solidarité est complexe, peu connue et peu mise en évidence. RENTES PLAFONNÉES, COTISATIONS NON.Mais il y a encore d’autres solidarités, moins complexes, plus simples donc plus visibles: les «solidarités à l’intérieur d’une génération». La principale d’entre elles est appliquée déjà dans l’AVS immature actuelle 6: les rentes sont plafonnées par une rente maximale, mais les salaires co-tisants, eux, ne le sont pas. Cela signifie que les personnes ayant de hauts salaires doivent payer des cotisations sur l’entier de leur salaire, sans que cela augmente leur rente: en effet, la part de leur salaire dépassant le salaire donnant déjà droit à la rente maximale est encore soumise à cotisations, mais sans augmenter leur rente.UNE LOGIQUE DIFFÉRENTE. Cette précision a une conséquence. Elle permet de montrer que le supplément de rente ne respecte pas, non seulement la solidarité entre générations, mais aussi la solidarité interne à une génération. En effet, le salaire coti-sant pour le supplément de rente sera pla-fonné à 853 200 francs. Autrement dit, la partie du salaire supérieure à ce montant ne sera pas soumise à des cotisations pour financer des suppléments de rente. GROS REVENUS ÉPARGNÉS. Ainsi, pour ces salaires-là, la cotisation annuelle pour le supplément de rente ne pourra pas dépasser les 0,5% de 853 200, soit 4266 francs, dont 2133 pour l’assuré. Ce qui est peu pour des salaires si élevés! ◼︎︎
1) OFAS – DFI: Réforme LPP. Rapport explicatif pour la procédure de consultation, 13 décembre 2019.
2) Union Syndicale Suisse, Union Patronale Suisse et Travail Suisse.
3) Services Publics, 19 juin 2020, page 9.
4) Département fédéral de l’intérieur – Réforme LPP – Rapport explicatif du 13 décembre 2020, page 20. Le lecteur aura certainement corrigé de lui-même le lapsus consistant à parler ici de «prévention professionnelle» au lieu de «prévoyance professionnelle»! Il peut même être tenté de chercher des origines psychologiques profondes de ce lapsus! Bizarrement resté dans le texte final du DFI malgré toutes les relectures traditionnelles, de quoi pourrait-il bien être «révélateur»?…
5) Au cœur de l’AVS, le principe de solidarité. Services Publics, 9 mai 2020, page 9.6 Idem.
Services Publics, 18 décembre 2020, GÉRARD HEIMBERG, RETRAITÉ SSP . RÉGION VAUD
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