Le « Digital Services Act » (DSA) et le « Digital Markets Act » (DMA). Les affaires mettant en cause les GAFAM ne cessent de défrayer la chronique. Après Google, c’est au tour d’Amazon et d’Apple d’être sous les feux de l’actualité.
Le 10 novembre dernier, la Commission a adressé une communication des griefs à Amazon pour abus de position dominante sur le marché de la fourniture de services de place de marché en France et en Allemagne, lui reprochant l’utilisation, systématique et à son profit, des données commerciales non publiques des vendeurs indépendants présents sur sa Marketplace. Simultanément, elle a lancé une seconde enquête visant certaines pratiques commerciales d’Amazon dans le cadre de sa boîte d’achat « Buy Box » et de son programme « Prime » qui pourraient être de nature à favoriser artificiellement ses offres de vente au détail ainsi que celles des vendeurs de sa place de marché utilisant ses services logistiques et de livraison.
La firme à la Pomme n’est pas non plus en reste.
- Au cours de l’été 2020, la Commission européenne a ouvert trois enquêtes antitrust à l’encontre d’Apple : la première concerne les conditions d’accès imposées à tout développeur souhaitant distribuer son application dans l’App Store sur lequel Apple détient un monopole, et notamment l’utilisation obligatoire de son propre système d’achat in-app, la deuxième vise le taux élevé de commission qu’Apple perçoit sur l’ensemble des transactions réalisées via l’App Store, et la troisième porte sur les conditions et restrictions imposées par Apple pour l’utilisation de son système de paiement intégré « Apple Pay ». Par ailleurs, Apple continue d’essuyer les conséquences du « Battery Gate ». Depuis longtemps, il était reproché à la firme d’avoir bridé les performances de certains modèles d’iPhone pour dissimuler les problèmes affectant la santé de leur batterie et pousser leurs utilisateurs – ignorants du fait qu’un simple changement de batterie suffirait à résoudre les contre-performances de leur smartphone – à se tourner vers des modèles plus récents. Après avoir admis fin 2017 qu’une fonctionnalité intégrée à certains iPhones se lançait lorsque l’état de leur batterie le nécessitait afin de lisser les pics de consommation et éviter que le smartphone ne s’éteigne de façon impromptue, Apple a présenté ses excuses, permis aux utilisateurs de désactiver le système de bridage et réduit significativement le tarif de remplacement des batteries pour ces modèles. Il n’en fait pas moins l’objet de nombreuses poursuites dans le monde entier.
- En février 2020, la DGCCRF l’a condamné à verser 25 millions d’euro dans le cadre d’une transaction pénale pour pratique commerciale trompeuse.
- En mars 2020, le géant américain a accepté de débourser entre 310 millions et 500 millions de dollars, soit environ 25 dollars par plaignant, pour clore une class actionintentée par des acheteurs américains des modèles d’iPhone concernés.
- Le 18 novembre dernier, la firme s’est de nouveau délestée de 113 millions de dollars pour mettre fin aux poursuites engagés par un collectif d’une trentaine d’États américains.
- Mercredi 2 décembre, une association européenne de défense des consommateurs, qui a d’ores et déjà déposé plainte en Belgique et en Espagne et le fera prochainement en Italie et au Portugal, a annoncé intenter une action de groupe visant à obtenir un dédommagement à hauteur de 180 millions, soit d’environ 60 euro par plaignant.
- Par ailleurs, lundi 30 novembre, l’autorité italienne de la concurrence a sanctionné Apple à hauteur de 10 millions d’euro pour pratiques commerciales trompeuses et agressives dans le mesure où l’entreprise a omis de préciser que la résistance à l’eau de plusieurs de ses modèles d’iPhones n’est effective que dans des conditions très spécifiques d’utilisation – en laboratoire, et avec une eau statique et pure – et refusé de fournir un service après-vente sous garantie pour ces modèles d’iPhone endommagés par un liquide.
Ces multiples affaires mettent en lumière le comportement unilatéral abusif des GAFAM. Aux USA, une sous-commission judiciaire de la Chambre des représentants, qui a mené une enquête approfondie de 16 mois sur Amazon, Apple, Facebook et Google, a conclu, au terme d’un rapport de 450 pages, que le secteur technologique souffre d’« abus de pouvoir monopolistique » de la part des 4 Big Tech : Amazon est mis en cause pour sa politique d’acquisitions prédatrices et les mêmes pratiques que celles poursuivies en Europe, Apple, pour ses conditions d’accès à l’App Store, Facebook, pour l’utilisation de l’avantage concurrentiel que lui confère la détention de ses données utilisateurs et sa stratégie de « killer acquisitions » et Google, pour les prix inéquitables facturés aux annonceurs pour les référencer sur son moteur de recherche et diverses pratiques, notamment de ventes liées, visant à étendre la portée de son système d’exploitation mobile Android. Pour remédier à ces comportements anticoncurrentiels, le rapport préconise l’imposition aux GAFAM de séparations structurelles et de restrictions d’activités dans la mesure où ces plateformes exploitent leur intégration, le recours à une présomption selon laquelle toute acquisition réalisée par une plateforme dominante sera réputée anticoncurrentielle jusqu’à preuve du contraire et l’adoption de lois rendant obligatoire l’interopérabilité des données et imposant la non-discrimination.
L’Europe souhaite également imposer des mesures drastiques pour limiter le pouvoir des GAFAM. Le 9 décembre, la Commission présentera deux textes destinés à moderniser la directive de 2000 sur le commerce électronique : le « Digital Services Act » (DSA), ou loi sur les services numériques, destinée à définir la responsabilité des plateformes et réseaux sociaux dans le cadre de la lutte contre la désinformation et les propos haineux en ligne, et le « Digital Markets Act » (DMA), ou loi sur les marchés numériques, visant à imposer une régulation ex ante aux « plateformes numériques structurantes » et doter l’Europe d’un nouvel outil de concurrence, le « New Competition Tool » (NCT).
Selon le Financial Times, qui a pu consulter le projet de DMA, il pourrait être imposé aux GAFAM de partager avec leurs concurrents les données recueillies sur leur plateforme en vue d’une exploitation commerciale, ou leur être interdit d’avantager leurs services au détriment de ceux de leurs concurrents sur leur plateforme – à ce titre et dès lors qu’il existe des services concurrents, la pré-installation directe ou indirecte de leurs propres applications pourrait être prohibée ou la désinstallation par les utilisateurs finals d’applications pré-installées facilitée -. Selon Reuters, qui a également eu accès à ce texte, les plateformes pourraient aussi être soumises à des audits annuels relatifs à leurs méthodes de reporting et de publicité.
Enfin, selon des déclarations récentes de Thierry Breton, commissaire européen chargé de la politique industrielle, du marché intérieur et du numérique, il serait envisagé de contraindre les GAFAM à vendre certaines de leurs activités européennes, voire de les démanteler.
vogelvogel.com - 8 décembre 2020
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