L’Ofcom estime nécessaire de faire appel à une commission d’experts indépendants pour assurer la pérennité du géant jaune. Les experts de l’Ofcom proposent un assouplissement des exigences en matière de fréquence et de délai de distribution.
Le patron de La Poste, Roberto Cirillo, répond ne pas vouloir «remettre en cause la distribution quotidienne du courrier sur le pas de la porte».
À Berne, au sein de l’Office fédéral de la communication (Ofcom), le ton a changé en ce qui concerne La Poste. Le rien à signaler si ce n’est «quelques adaptations opportunes» apparu dans son évaluation de 2015 a laissé la place, six ans plus tard, à un appel urgent au débat public sur l’avenir du service universel.
L’Ofcom va même plus loin puisqu’elle désavoue carrément les compétences du conseil d’administration de La Poste en souhaitant faire appel à une commission d’experts indépendants pour pratiquer «un examen externe des perspectives financières» du géant jaune. «Bien que le financement du service universel soit actuellement encore garanti, sa rentabilité est compromise si la tendance se poursuit jusqu’en 2025», avertit l’office fédéral.
«Bien que le financement du service universel soit actuellement encore garanti, sa rentabilité est compromise si la tendance se poursuit jusqu’en 2025.»
Ofcom
Dans la tendance mentionnée par les auteurs du rapport, l’on trouve naturellement «la diminution du volume des lettres» (face au numérique) ainsi que les investissements rapides à opérer dans les colis, un domaine non exempt de risques économiques étant donné qu’il est très concurrentiel alors que celui des lettres reste en partie protégé (jusqu’à 50 g). À cela s’ajoutent encore les revenus en déclin de PostFinance.
PostFinance privatisée?
Au sujet de sa division bancaire, le discours politique a également changé depuis le début de l’année. Mi-janvier, le Conseil fédéral a proposé de la privatiser afin notamment de lui permettre d’octroyer des crédits commerciaux et hypothécaires. De quoi faire hurler aux loups certains partis et syndicats.
«Pour un service public fort, PostFinance doit rester à 100% en mains de La Poste, nous confiait Valérie Piller Carrard, conseillère nationale socialiste. Notre pays n’a pas besoin d’un géant bancaire supplémentaire qui ne s’intéresserait qu’à la maximisation de ses profits.» Si les projets aboutissent, Syndicom a déjà averti sur Twitter être prêt à aller jusqu’au référendum, estimant que cette intention «menace le service public en Suisse ainsi que les conditions de travail des employés postaux».
La direction de La Poste n’a pas tardé à réagir au rapport de l’Ofcom. «Nous voulons être là pour les entreprises et les personnes en Suisse, qu’elles habitent dans des vallées loin des centres urbains ou en plein centre-ville. Toute la Suisse doit bénéficier d’un service équivalent au même prix», estime son CEO, Roberto Cirillo.
Solutions proposées
La colère du patron de La Poste était suscitée par l’une des propositions faites par les experts de l’Ofcom. Suivant la voie adoptée par d’autres pays, ces derniers envisagent un assouplissement des exigences en matière de fréquence et de délai de distribution. «Dans la chaîne de valeur du secteur postal, la distribution est particulièrement coûteuse en raison des frais de déplacement et de main-d’œuvre élevés. Une réduction de la fréquence de livraison donnerait une plus grande marge de manœuvre dans l’organisation des itinéraires», explique l’Ofcom.
«Nous ne remettons pas en cause la distribution quotidienne du courrier sur le pas de la porte. Bien au contraire.» Roberto Cirillo, CEO de La Poste
Si cette proposition s’annonce peu populaire, elle apparaît comme la plus solide selon l’organisme fédéral. Les autres pistes ont toutes de forts inconvénients. Même si elle apparaît justifiable, une hausse des prix sur les lettres de moins de 50 g dont elle a le monopole risquerait par exemple d’aggraver le déclin de ce marché.
L’idée de nationaliser un sous-secteur comme la distribution (qui est onéreuse) ou le réseau postal non rentable, à l’instar de ce qui s’est fait avec Swissgrid, ne se justifierait pas non plus. «La part des coûts d’infrastructure fixes dans la chaîne de valeur des services postaux est trop faible», assure l’Ofcom.
Quant à la piste des subventions fédérales, elle s’annonce compliquée lorsqu’un «service génère suffisamment d’externalités positives» et que «les coûts nets ne peuvent pas être clairement mesurés». À cela s’ajoute le risque d’une Poste moins encline à innover selon l’atelier d’experts ainsi que l’obligation d’ouvrir le marché à la concurrence.
24 Heures, Olivier Wurlod, 5 février 2021
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