Quel agenda social pour 2021 ?

Malgré la crise sociale en cours, les dividendes continuent à flamber en Suisse. Comment enrayer la hausse des inégalités ? «Renforcer la solidarité est la seule manière de sortir renforcés de la crise», a souligné l’Union syndicale suisse en début d’année. Près d’une année après le déclenchement de la pandémie en Suisse, le constat social est en effet inquiétant.


50 000 salarié-e-s ont perdu leur travail. Selon les chiffres du Secrétariat d’État à l’économie, le nombre de demandeurs-euses d’emploi a augmenté de 35% de décembre 2019 à décembre 2020, pour atteindre 260 318 personnes. Le manque à gagner entraîné par la perte d’emploi ou le chômage partiel touche spécialement les bas revenus.

REMONTÉE DES FINS DE DROIT. Autre élément préoccupant. Depuis la fin de l’été, le nombre de chômeurs-euses en fin de droits a entamé une impressionnante re-montée. Quasiment nul de mars en juil-let, il a effectué un saut en août (489), puis en septembre (1732). C’est une conséquence – tragique – de la décision du Conseil fédéral de supprimer l’augmentation de trois mois de la durée d’indemnisation décidée au printemps.

CRISE HUMANITAIRE? «Avant la pandémie, la Suisse se trouvait déjà dans une situation délicate», souligne l’USS. Les salaires n’augmentaient que faiblement, alors que de nombreux coûts fixes et contributions obligatoires prenaient l’ascenseur. Conséquence: le pouvoir d’achat réel des travailleurs et travailleuses ainsi que des re-traité-e-s était déjà en baisse avant la crise sanitaire et économique. Cette dernière a donc eu l’effet d’un bâton de dynamite sur un baril de précarité.Selon Alain Bolle, du Centre social protes-tant à Genève, on se trouve aujourd’hui «à la limite d’une crise humanitaire» pour les personnes les plus en difficulté, qui affrontent le risque de perdre leur loge-ment. De son côté, la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) prévoit une augmentation de 21% des bénéficiaires de l’aide sociale au cours des deux prochaines années.

SALAIRES SOUS PRESSION. Nombre d’employeurs profitent de cette conjoncture pour exercer une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail. Les experts d’UBS prévoient une augmentation moyenne des salaires nominaux de 0,3% en Suisse en 2021, soit «l’augmentation la plus faible depuis 1999» (1). Douze des vingt-deux secteurs sondés par la banque ne prévoient pas d’augmentation des salaires nominaux. Les salarié-e-s de ces branches devraient ainsi subir une baisse des salaires réels de 0,2%.

HÉROÏNE DES DIVIDENDES. Tout le monde ne vogue pas sur la même galère. «La Suisse fait figure d’exception mondiale, puisque le niveau des dividendes n’a quasiment pas baissé cette année dans notre pays par rapport à 2019» souligne Marc Bürki, CEO de la banque en ligne Swissquote, qui publie un magazine éponyme (2). «Parmi les 20 sociétés figurant au SMI, l’indice phare de la place boursière helvète, trois seulement, Swatch, Alcon et Richemont, ont décidé de baisser la rétribution de leurs actionnaires». Sur les 214 entreprises cotées à l’indice SPI, seulement un dixième ont choisi de supprimer leur dividende – contre un quart en moyenne pour les sociétés européennes. «Crédit Suisse et UBS ont ainsi pu verser l’intégralité des dividendes prévus à leurs actionnaires, alors même que ceux des banques européennes n’ont, pour la plu-part, rien perçu» (3).

COMBATTRE LES INÉGALITÉS. Tandis que les salarié-e-s se serrent la ceinture et que la Confédération se distingue par sa «pingre-rie» (4), les actionnaires des grandes entre-prises helvétiques voient la vie en rose. Le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard, pointe donc à juste titre le danger d’un «renforcement massif des écarts de revenus et de fortune». Pour éviter ce scénario, l’USS revendique un «agenda social» pour 2021, comprenant entre autres: la redistribution à chaque assuré-e de 500 francs issus des réserves excédentaires des caisses maladie; la prolongation de la durée des indemnités versées par l’assurance chômage; un renforcement du financement du secteur de la santé publique, ainsi que le versement d’une prime au personnel et une amélioration durable des conditions de travail dans ce secteur. L’USS veut aussi renforcer l’AVS via son initiative pour une treizième rente, en cours de récolte de signatures.Au vu de la bonne santé des actionnaires, il semblerait aussi judicieux de relancer le débat sur la taxation des profits, des capitaux et des grandes fortunes. ◼

(1) UBS, 29 octobre 2020.
(2) Swissquote, N° 6, décembre 2020.
(3) Idem.
(4) Le Temps, 13 janvier 2021.

Services publics, 22 janvier 2021

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