Pour une retraite viable et digne

Sur fond de discussion sur l’avenir de l’AVS et du 2e pilier, l’USS a déposé une initiative fédérale pour une 13e rente AVS, soit une augmentation de 8,3% pour toutes les assurées et tous les assurés.
Le 25 septembre 2016, le peuple suisse refusait l’initiative de l’USS, «AVSplus: pour une AVS forte», prévoyant une augmentation de 10% l’AVS. Depuis, une modeste revalorisation… de 10 francs et de 20 frs pour les rentes maximales de 2390 francs est entrée en vigueur dès 2021.


Face à cette situation, pourquoi alors ne pas introduire une 13e rente AVS? C’est ce que demande l’initiative populaire «Mieux vivre à la retraite», qui vient d’être déposée à Berne, forte de 137’000 signatures. «Calculé sur une base mensuelle, cela correspond à une augmentation de 8,3% de la rente AVS. Le caractère compensatoire de l’AVS fait que ce sont les personnes à bas et moyens revenus qui en bénéficieront le plus. Celles qui touchent des prestations complémentaires ne seront pas pénalisées, au contraire: elles doivent aussi pouvoir profiter de la 13e rente AVS», a justifié la faîtière syndicale lors du dépôt du texte. «Avec cette initiative, nous apportons une réponse aux rentes en chute libre dans le 2e pilier et nous assurons le maintien du pouvoir d’achat», a complété le président du SEV, Giorgio Tuti.

Seniors sur la corde raide

Financée annuellement à hauteur de 34,1 milliards par les cotisations des assuré.es, un complément de la Confédération (9,3 milliards) et par la TVA (2,9 milliards), l’AVS a été versée à 2,55 millions de personnes en 2020 pour une rente moyenne mensuelle de 1862 francs. «Même si certains peuvent compter sur quelques biens, nous rencontrons à l’AVIVO un nombre important de personnes âgées hyper-modestes, pour qui sortir 100 francs de plus pour un abonnement est insurmontable. Dans le cas où il.elles auraient des dettes ou des poursuites, c’est quasiment insurmontable pour eux», explique Christiane Jaquet, prési- dente de l’association de retraité.es, AVIVO-Suisse.

«De nombreux retraités sont obligés de vivre chichement, sans AVS complète. Ainsi notamment parmi les femmes, qui ont souvent dû interrompre leur carrière pour des obligations familiales. Mais aussi des travailleurs étrangers n’ayant pas suffisamment cotisé, avec souvent un 2e pilier plus faible, voire inexistant. L’initiative de l’USS fera du bien à tout le monde», complète Ueli Leuenberger, vice-président de l’Avivo Genève. Un rapport de 2014 de l’Office fédéral de la statistique (OFS) sur La pauvreté des personnes âgées estimait le taux de pauvreté mesuré par le revenu (hors fortune) deux fois plus élevé dans la population âgée (16,4%) que dans la population totale (7,7%).

Besoins vitaux à couvrir

Pour pallier ce manque de ressources et approcher le mandat constitutionnel stipulant que «l’AVS doit couvrir les besoins vitaux des retraité.es, veuves, veufs et orphelins de façon appropriée», les seniors peuvent recourir à des prestations complémentaires (PC) vieillesse non imposables. Elles sont versées à 215’000 d’entre elles, selon les chiffres 2019 de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). «Aujourd’hui, plus de 10% des femmes y sont obligées d’y recourir dès l’âge de la retraite», explique Gabriela Medici, secrétaire centrale de l’USS responsable du domaine des assurances sociales. «Encore faut-il les demander. On estime que 30% des personnes, qui y auraient droit n’y recourent pas», pointe Christiane Jaquet. Elle rappelle que dans le Canton de Vaud, le Grand Conseil a récemment décidé d’augmenter un forfait de rabais d’impôt concernant l’assurance maladie qui paradoxalement conduit à une augmentation des impôts pour ceux qui reçoivent des PC car ils sont exclus de cette aubaine. Leurs impôts peuvent même doubler!

«Certaines PC cantonales sont aussi plus généreuses que les PC fédérales, mais il faudrait faciliter l’accès à leur obtention, qui reste trop bureaucratique. Il n’est pas normal que certaines personnes soient obligées de recourir aux services sociaux communaux, à Pro Senectute ou à l’Avivo pour qu’on les aide à remplir leur dossier», complète Ueli Leuenberger. Il précise: «Outre l’augmentation des montants de l’AVS, il faudrait aussi une augmentation de ceux des PC».

Musique d’avenir

Tous deux considèrent que le projet de stabilisation de l’AVS (AVS 21), actuellement en discussion aux chambres, va dans le mauvais sens. Ce dernier cherche à réduire les dépenses. Et défend une hausse de l’âge de la retraite à 65 ans pour les femmes, et une augmentation des recettes par un relèvement de la TVA. «Nous serons du référendum si aucun changement n’est introduit. Il faut d’autant plus se battre que les jeunes PLR vont prochainement déposer leur initiative voulant un départ à la retraite pour tous à 66 ans. Certains souhaiteraient introduire une retraite flexible sans limite d’âge», assure Ueli Leuenberger.

«Les mesures compensatoires de transition pendant six ans pénaliseront quand même les femmes, dont la moitié verra une baisse de leur rente», assure Gabriela Medici. Elle souligne toutefois que «l’assurance n’est pas au bord de la faillite comme le proclame la droite». Et la syndicaliste de développer: «Pour améliorer les recettes, nous défendons le principe d’une hausse de 1% des cotisations sociales pendant dix ans. Mais aussi d’y verser une partie du bénéfice de la Banque nationale suisse (BNS). Une hausse de la TVA est aussi envisageable, car avec l’AVS, ce sont les revenus les plus modestes qui en profitent», assure-t-elle encore.

Modifications de la LPP

Outre le chantier de l’AVS, des modifications sont à attendre dans le 2e pilier, suite à la présentation en 2019 d’un modèle de réforme LPP 21 issue du compromis des partenaires sociaux. Celle-ci prévoit une baisse du taux de conversion de 6,8% à 6% du capital accumulé durant la vie active en rentes mensuelles. En contrepartie, quelques améliorations sont prévues, notamment la baisse de la déduction de coordination, qui détermine le salaire assuré LPP par rapport à celui de l’AVS. Celle-ci passera de 24’885 francs à 12’443 francs, ouvrant à plus de monde la possibilité de cotiser.

«Il faut agir. Une récente étude montre qu’une baisse de rente de 7% du 2e pilier entre 2017 et 2019 », explique Gabriela Medici. «Notre compromis prévoit aussi d’introduire une composante de solidarité dans la LPP, en permettant une répartition des hauts revenus vers les rentes des personnes à bas revenu. Il prévoit aussi de modifier le rapport entre part obligatoire et surobligatoire dans la LPP. La première est régie par la loi, mais pas le surobligatoire, où l’on retrouve le 80% des assurés. Ce qui permet aux assureurs de baisser les rentes dans cette partie. Notre com- promis permettra de lutter contre l’érosion des rentes», argumente Gabriela Medici.

Pas d’avancées sociales sans luttes

«Sur le fond, la mise en place de ce second pilier en 1972 est la plus grosse erreur que l’on ait faite au plan historique. Nombre de personnes travaillant actuellement dans des métiers mal-rémunérés comme la livraison de repas ou ceux et celles qui ont des temps partiels souvent imposés ne pourront y accéder», souligne Ueli Leuenberger. Il en appelle à un grand mouvement des syndicats, associations, mouvement de la Grève féministe et partis de gauche et à se ras- sembler pour changer le rapport de force en faveur de bonnes retraites. «Aujourd’hui, nous en sommes trop à défendre des acquis», selon lui. Il voudrait aussi mettre fin à la «guerre intergénérationnelle» entretenue par la propagande des médias. «Toutes les avancées sociales ont été obtenues à travers des combats communs intergénérationnels», sou- ligne-t-il encore.

«En ce qui concerne le deuxième pilier, il faudrait à terme transférer la part obligatoire de la LPP dans l’AVS, en maintenant les droits acquis», plaide Christiane Jaquet.

Pour l’heure, il reste pourtant un motif de satisfaction. «Dès juillet, le principe des rentes-pont pour les chômeurs.euses âgé.es entrera en vigueur, ce qui offre une alternative à l’aide sociale à des personnes qui ont travaillé durant toute leur vie et se retrouvent sans emploi juste avant la retraite», conclut Gabriela Medici.

Gauchebdo, 4 juin 2021, Joel Depommier

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