Pour une banque écologique: l’alternative à la privatisation de PostFinance

Fin janvier, le Conseil fédéral a annoncé son intention de privatiser PostFinance. C’est la dernière mauvaise idée pour mettre un frein à l’effondrement des recettes de cet établissement public. Bien que PostFinance soit légalement reconnue comme une banque, elle n’a pas le droit de participer aux marchés du crédit et des hypothèques. Elle est donc active dans le secteur des placements : elle gère l’épargne de particuliers·ères en l’investissant dans différents domaines.

Résoudre un problème en créant trois autres ?

Ce modèle d’affaires fonctionnait bien et permettait à la Poste de financer en partie ses activités déficitaires avec les recettes de PostFinance. Mais en raison des taux d’intérêts négatifs, les recettes de PostFinance s’effondrent. D’où la première mauvaise idée du monde politique : permettre à PostFinance de délivrer des crédits et des hypothèques, car ces activités sont plus profitables que les placements et la gestion de l’épargne. Mais les partis de droite craignaient une concurrence déloyale aux banques privées et ont exigé que cette mesure aille de pair avec une privatisation de PostFinance ; proposition que le Conseil fédéral a retenue. Deuxième mauvaise idée.

Pourquoi ces idées sont-elles mauvaises ? Les marchés du crédit et des hypothèques sont largement saturés en Suisse. Même selon des scénarios optimistes, participer à ces marchés ne permettra pas à PostFinance d’augmenter suffisamment ses recettes. Le problème des déficits persistera. Dans ces conditions, une PostFinance privatisée ne satisfera pas ses actionnaires. Elle finira probablement par se faire acheter par une grande banque internationale.

Qui plus est, pour satisfaire ses actionnaires, PostFinance devra augmenter ses rendements. Ceci impliquera une dégradation des prestations offertes aux client·e·s : les frais de gestion de compte augmenteront, et il y aura des taux d’intérêt négatifs sur les épargnes. Enfin, PostFinance ne fera plus partie de la Poste. La Poste, déjà sous pression financière, verra donc sa situation se compliquer davantage, alors que ses employé·e·s ont prouvé être essentiel·le·s durant la crise sanitaire ! C’est une nouvelle menace envers les services au cœur de la mission de la Poste, tel que la proximité d’un bureau de poste avec du personnel qualifié, déjà fortement dégradés par des années de restriction budgétaire.
Développer des marchés d’utilité publique pour maintenir une banque publique

Il existe une solution. Elle permettrait à la fois à PostFinance d’augmenter suffisamment ses recettes pour qu’elle puisse continuer à être un appui financier à la Poste, tout en continuant à offrir des prestations de qualité à ses client·e·s : faire de PostFinance une banque publique écologique.

Entamer la transition écologique nécessite des investissements coûteux dans des infrastructures tel que l’isolation thermique des bâtiments, la production et l’installation de panneaux solaires et d’autres moyens de production d’énergies renouvelables, etc. Ces investissements sont souvent hors de portée des ménages. Une banque écologique pourrait les financer via des prêts, soit directement aux ménages, soit à une institution publique intermédiaire qui serait alors propriétaire de ces infrastructures. Les ménages verseraient des contributions à cette institution correspondant à l’amortissement des investissements.

Dans les deux cas, PostFinance contribuerait au développement d’un marché dans lequel il est urgent d’investir massivement. Et elle continuerait d’être une banque publique garante du service essentiel de gestion d’épargne aux ménages.

Une telle banque écologique pourrait aussi accueillir les capitaux du deuxième pilier. Beaucoup de caisses de pension continuent d’investir massivement dans des secteurs économiques parmi les plus polluants tels que les énergies fossiles, l’agro-industrie et le secteur minier. Ainsi, elles mènent la Suisse sur la trajectoire d’un réchauffement climatique de 4 à 6 degrés. Or, ces investissements perdent en rentabilité. En conséquence, les caisses de pension veulent réduire les taux de conversion et ainsi nos rentes.

Une banque écologique publique permettrait à ces caisses d’investir leurs fonds dans des projets écologiques suffisamment rentables pour maintenir nos rentes. Créer une telle banque répondrait, au moins en partie, à la revendication portée par les mouvements climatiques pour la création d’un fonds climat.

Cependant, à moyen terme, nous devons continuer de nous battre pour l’intégration du deuxième pilier dans l’AVS. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons construire un système de retraites solidaires qui garantira des rentes dignes à tout le monde.

Franziska Meinherz, solidaritéS
Photo : Wikipédia

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