La retraite dans le viseur

L’initiative des jeunes PLR a abouti. Le peuple votera sur cette proposition visant à augmenter drastiquement l’âge de la retraite. A 66 ans, dans un premier temps, mais cette échéance sera ensuite repoussée à 67, puis 68 ans. Pour les hommes et pour les femmes. Ceci en vertu du mécanisme proposé qui lie l’âge de la retraite à l’espérance de vie. Le but étant, qu’en moyenne, la durée des prestations soit plafonnée à vingt ans!

L’idée a tout pour séduire le PLR dans son ensemble, lui qui vient de solder les tentatives d’ouverture, notamment sur les questions climatiques, de sa présidente démissionnaire Petra Gössi et qui s’apprête à porter à sa tête le président du lobby des camionneurs! On retrouve d’ores et déjà des libéraux-radicaux pur jus dans le comité d’initiative, à l’image de l’inénarrable conseiller national Philippe Nantermod. Et cela flatte dans le sens du poil l’extrême droite udéciste. On voit que les loups ont commencé, sinon à se dévorer entre eux, du moins à se disputer des parts de marché de l’électorat populiste. Grand bien leur fasse.

Mais le projet ne laisse pas d’inquiéter. Il fait apparaître comme presque modérée la réforme AVS 21, qui fait porter sur le dos des femmes le poids de la réforme du premier pilier. Et il est sournois. Quid des personnes qui perdent leur travail en fin de carrière et où, au mieux, les collectivités publiques tentent d’aménager des ponts sociaux? Leur sort sera encore plus précaire. S’ils avaient été sincères, les jeunes libéraux-radicaux auraient assorti leur initiative d’une interdiction des licenciements. Pour toutes celles et ceux qui n’auront pas de sécurité de l’emploi, la baisse des rentes servies est annoncée. Le but étant bien sûr de privatiser un peu plus le dispositif de prévoyance en ouvrant des marchés aux assureurs privés.

Deuxième critique: l’ébranlement du système de retraite est dû non pas un allongement de l’espérance de vie, mais à l’accroissement des inégalités. L’argent va à l’argent et plus au travail. Pas étonnant que les rentrées des caisses soient moindres. C’est bien de mécanismes de redistribution des richesses produites qu’il est question. Mais il est tellement plus simple de culpabiliser les Suisses et les Suissesses – vous vivez trop vieux, bandes d’ingrat·es – plutôt que de poser la question en des termes de justice sociale et en faisant ruisseler l’argent du haut vers le bas par l’impôt sur les dividendes et le capital. La solution est tout aussi simple. Et elle ne jette pas dans la pauvreté les futurs seniors.

Le Courrier, 26 août 2021, Philippe Bach

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