Non à AVS 21 !

La Grève féministe et des femmes, les syndicats, la gauche dont le PST-POP et les Verts ou l’Avivo en appellent à une grande manifestation nationale le 18 septembre à Berne pour s’opposer au projet de réforme des retraites AVS 21, qui pénalisera en premier lieu les femmes.

«La grande grève féministe de 2019, avec plus de 500’000 personnes dans la rue, a bien montré le ras-le-bol des femmes envers les inégalités dont elles sont victimes. Mais au lieu de chercher des solutions aux véritables problèmes, le Parlement, dominé par le camp bourgeois, veut augmenter l’âge de leur retraite de 64 à 65 ans: c’est un affront! De plus, la droite a déjà annoncé la couleur: après AVS 21, il s’agira d’augmenter l’âge de la retraite (par flexibilisation du départ à la retraite, ndlr) pour tout le monde, à 66, 67, puis 68 ans… jusqu’au tombeau?», s’exclamait Aude Spang, responsable du groupe d’Intérêt Femmes chez Unia, à l’occasion d’une conférence de presse de l’Union syndicale suisse (USS) début septembre.

Divergences finales

Les dernières retouches au débat auront lieu à la session d’automne qui s’ouvre le 13 septembre. Après que le Conseil aux Etats a approuvé la réforme qui augmentera la retraite des femmes d’un an, le Conseil national en a fait de même durant la session de juin. Le 14 septembre, les deux chambres devront régler les ultimes divergences, dans un véritable marchandage de vendeurs de tapis, sur ce «programme de stabilisation» de l’AVS, qui a pour objectif d’assurer l’équilibre financier de l’assurance jusqu’en 2030. La commission du Conseil des Etats a ainsi récemment proposé un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 0,4 point de pourcentage (alors que le Conseil fédéral proposait 0,7%), contribuant à faire peser une charge excessive sur les personnes à faibles et moyens revenus. Mais elle a exclu tout modeste financement supplémentaire via les gains de la Banque nationale (BNS) sur les taux d’intérêt négatifs. Pour les syndicats genevois réunis dans la CGAS, d’autres solutions de financement alternatif seraient aussi envisageables. Ainsi l’augmentation d’un pour-cent des cotisations employeurs à l’assurance ou en mettant en place une taxation des dividendes et des transactions financières.

Des économies sur le dos des femmes

Rappelons que l’économie résultant de l’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes s’élèvera à 1,4 milliard de francs à partir de 2027, dès son introduction en 2022. 1,2 milliard de cette somme sont dues à la réduction des dépenses, et près de 200 millions à l’augmentation des recettes due à une vie active plus longue. Des compensations minimales de l’ordre de 100 francs par mois pour la génération transitoire sont prévues selon le gouvernement durant 9 ans à hauteur de 600 millions par an. Après calculs, le syndicat Travail.suisse estime que cette somme serait facilement couverte en réduisant les inégalités salariales femmes/hommes, qu’elle chiffre en moyenne à 7,7%, ce qui représente un montant de 825 millions de francs de pertes pour l’AVS par an. «La conclusion est simple: les coûts de la retraite à 64 ans sans discrimination salariale sont à peu près les mêmes que ceux de la retraite à 65 ans avec discrimination salariale et compensation pour la génération de transition», estime Thomas Bauer, son responsable de la politique sociale.

«Les femmes touchent des rentes inférieures de 37% aux hommes, qui plus est en assumant encore la plus grande part du travail de «care» non rémunéré. Ce sont donc les rentes qu’il faut augmenter et non l’âge de la retraite!», pourfend, de son côté, le comité unitaire genevois.«Au lieu de gaspiller des deniers publics à des mesures de «compensation», qui n’en sont d’ailleurs pas, mais qui vont être très coûteuses à gérer, passons maintenant à une vraie réforme sociale, écologique et égalitaire de l’AVS», estime encore la Grève féministe, qui dénonce toujours le maintien des discriminations, la faiblesse des moyens engagés pour les combattre et «la volonté obsessionnelle (de la droite) de relever l’âge de la retraite des femmes». Au-delà de la manifestation d’unité et de colère de ce 18 septembre, les forces progressistes ont déjà annoncé qu’elles lanceraient un référendum contre la réforme, fortes de leur victoire de 2017 contre la précédente tentative de démantèlement des rentes (Prévoyance vieillesse 2020), qui envisageait déjà un relèvement de l’âge de référence des femmes par étapes de 64 à 65 ans et le projet de départ flexible à la retraite, entre 62 et 70 ans.

Deuxième pilier en péril

Le dossier de l’AVS n’est pas le seul qui pose problème. Les partenaires sociaux ont mis sur la table un projet de révision de la Loi sur le deuxième pilier, LPP 21. Si celui-ci prévoit d’abaisser le taux de conversion générateur de rente de 6,8% à 6%, il doit garantir en même temps le niveau de la rente dans la partie obligatoire de la LPP et améliorer la couverture des rentes (de l’ordre de 100 à 200 francs par mois) pour les personnes à faibles revenus et celles travaillant à temps partiel, en particulier pour les femmes. Même si ce modèle est critiqué par la gauche combative, qui n’a jamais vu d’un bon œil ce système par capitalisation d’épargne professionnelle et préférerait un glissement du 2e pilier dans l’AVS, celui-ci a le mérite de faire rentrer enfin une part minimale de solidarité dans l’assurance, en créant un supplément de rente pour les salaires les plus bas.

Patatras! Mi-août, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a refroidi l’atmosphère, en défendant en priorité la seule baisse de la déduction de coordination. Les femmes n’auraient droit qu’à titre exceptionnel au «nouveau» supplément de rente. «Ce paquet veut aussi imposer une hausse généralisée des cotisations LPP, qui fera baisser le salaire net de 1,2 à près de 4% selon les situations pour toutes les personnes salariées de moins de 55 ans. Elle entraînera une baisse des rentes pouvant aller jusqu’à 12% pour la partie obligatoire et veut arroser les 10% les plus riches de la population d’un cadeau fiscal de 1 à 2 milliards de francs par une augmentation des déductions pour le troisième pilier (épargne individuelle, ndlr)», souligne Pierre-Yves Maillard, président de l’USS.

A droite, une initiative dite «des générations» vient d’être lancée. Objectif: adapter périodiquement l’âge de la retraite dans l’AVS. En ce qui concerne le 2e pilier, elle veut que toute redistribution de rente contraire au système de capitalisation soit évitée et que les pensions acquises et en cours soient «périodiquement adaptées au rendement des placements, au pouvoir d’achat et à l’espérance de vie», le facteur décisif étant la situation financière des caisses de pension. Face à toutes ces manigances, l’heure est vraiment de ne plus battre en retraite.

Gauchebdo, Joël Depomier, 10 septembre 2021

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