GENÈVE . Le Conseil d’État veut faire payer l’assainissement de la caisse de pensions de l’État (CPEG) aux jeunes salarié-e-s du service public. Un appel propose de combattre ce projet.
L e 19 mai 2019, le peuple a rejeté en votation toute nouvelle péjoration des pensions d’invalidité, de retraites et de survivants du personnel hospitalier, des enseignant-e-s et des agent-e-s de sécurité (Caisse de Pensions de l’État de Genève, CPEG).
Les votant-e-s ont également approuvé un financement d’un montant supérieur à 5 milliards de francs pour augmenter la capitalisation partielle de la CPEG. En effet, la CIA (un des ancêtres de la CPEG) n’a jamais été capitalisée à 100% depuis 1929. Les pensions ont toutefois toujours pu être payées, grâce à un système proche de l’AVS: les pensions sont versées, en partie plus ou moins grande, au moyen des cotisations courantes. Ce système est raisonnable pour une caisse publique, car les hôpitaux, les écoles, la police et les autres services publics ne sont pas censés faire faillite.
LE CONSEIL D’ÉTAT PERSISTE. Ce choix de capitalisation partielle a été confirmé par le Conseil d’État il y a cinquante ans. La capitalisation partielle a toutefois été rendue impossible, dans cette mesure, par une loi fédérale récente, voulue par les banques et leurs représentants au Parlement: les partis de droite. Leur but: augmenter la masse de capitaux sous gestion et faciliter les privatisations des services publics.
Déjà en 2019, le Conseil d’État voulait faire payer le défaut de capitalisation par les jeunes assuré-e-s d’aujourd’hui – une mesure socialement injuste et scandaleuse. Sa méthode: abaisser la part patronale dans les cotisations à la CPEG (de 66% à 58%). Heureusement, son projet a été rejeté en votation populaire.
Après deux ans de pandémie, le Conseil d’État ose revenir à la charge. Retors, l’exécutif limite pour l’instant la baisse de salaire résultant de l’augmentation des cotisations aux nouveaux engagé-e-s.
Cependant, cette brèche ouverte dans la solidarité rendra beaucoup plus facile l’extension de cette péjoration à l’ensemble des assuré-e-s de la CPEG.
«SOIGNÉ-E-S» PAR UNE BAISSE DE SALAIRE! Alors qu’il y a pénurie de soignant-e-s, le Conseil d’État attaque leurs conditions d’engagement. Or, ce n’est pas ainsi que l’on remédiera à la pénurie de personnel hospitalier!
En outre, il est scandaleux de diminuer le salaire disponible par une augmentation des cotisations du personnel hospitalier, en particulier après leurs deux ans d’efforts face à la pandémie.
Enfin, rappelons que, déjà aujourd’hui, les prestations de la CPEG sont pires que celles de la caisse de pensions de la Migros! Un-e retraité-e de la Migros obtient 1,56% de son salaire pour chaque année d’assurance, alors qu’un-e retraité-e de la CPEG en obtient 1,5%. Et les assuré-e-s de la Migros continuent à payer un tiers des cotisations totales, leur employeur deux tiers, comme à la CPEG avant l’attaque du Conseil d’État!
BOMBE À RETARDEMENT. Aussitôt la CPEG recapitalisée à la suite du vote populaire, le Conseil d’État s’affaire à la décapitaliser! En effet, l’augmentation de la cotisation des assuré-e-s a pour effet une augmentation de la prestation de libre passage en cas de départ de la caisse avant l’âge terme. Si la nouvelle répartition était appliquée à tout le monde – ce que la droite ne va pas manquer de réclamer au Grand Conseil –, cela réduirait le taux de couverture de la CPEG de trois points de pourcentage et coûterait 1,8 milliard sur quarante ans. Après avoir menti en qualifiant la solution de recapitalisation choisie démocratiquement en 2019 de «puits sans fond», la droite (PDC-PLR-UDC), suivie par le Conseil d’État, s’emploie à réaliser sa propre prophétie, en sabotant les finances de la CPEG!
Même limité aux nouvelles adhésions, le plan du Conseil d’État aura un impact négatif sur les finances de la plus grande caisse de prévoyance du Canton. À terme, cela exigera soit une nouvelle recapitalisation, soit une nouvelle baisse des prestations – ou les deux! Il est urgent de refuser ce plan digne de pompiers pyromanes.
CADEAU AUX PROPRIÉTAIRES. Selon le Conseil d’État, la modification de la répartition des cotisations à la CPEG permettrait d’économiser 17 millions de francs par année.
En parallèle, le droit fédéral impose au Canton de Genève de revoir la fiscalité de l’immobilier. Or une telle révision permettrait d’augmenter les recettes de plus de 220 millions de francs par année. Sous la pression de la droite, l’exécutif a déjà réduit cette recette supplémentaire de 130 millions, à 90 millions. Comme la droite pleurniche, parions qu’il va y renoncer complètement!
Faire des cadeaux aux gros propriétaires immobiliers et aux spéculateurs, assortis d’un cadeau général de 10% aux très grandes fortunes, mais péjorer la condition des infirmières, voilà en quoi consiste le projet scandaleux et du Conseil d’État.
Renvoyons-le à son expéditeur! ◼
(1) Les signataires sont les artisans du projet de loi 12 228, combinant recapitalisation de la CPEG et création de logements abordables, accepté en votation le 19 mai 2019.
Alberto Velasco, président ASLOCA . GENÈVE
Christian Dandrés, avocat
Romolo Molo, avocat
Services publics, 19 novembre 2021
0 commentaire à “Un projet indigne”