Les mesures d’économie demandées par la Confédération aux CFF inquiètent. Le développement du rail prend du retard. Rien n’est encore décidé sur la manière dont les CFF vont mettre en œuvre les mesures d’économie décidées par le Conseil fédéral. La nouvelle est passée quasiment inaperçue la semaine dernière. Le Conseil fédéral demande aux CFF d’économiser 80 millions par an dès 2024.
Objectif: renforcer la rentabilité et éponger une partie de la dette qui a atteint 10,9 milliards de francs au premier semestre de cette année. La Confédération fait de son côté un effort pour le trafic grandes lignes, qui ne parvient plus à être rentable.
«Demander des économies aux CFF est un très mauvais signal pour la garantie du service public et des conditions de travail» Lisa Mazzone
Elle n’a pas prévu d’indemnité Covid mais un «abaissement de la contribution de couverture» qui «devrait alléger le trafic grande ligne de 1,5 à 1,7 milliard de 2022 à 2029». Derrière ce jargon fédéral, il faut comprendre que la part de financement de la Confédération augmentera d’environ 200 millions, par l’intermédiaire du Fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF).
De quoi mettre celui-ci sous tension, estiment certains, alors qu’il est dévolu à l’entretien de l’infrastructure et aux projets d’investissement. Le développement du rail prend aussi du retard. Les délais de réalisation de l’étape d’aménagement 2035 risquent de ne pas être tenus, informe le Conseil fédéral. Ces reports sont aussi l’occasion d’économies, selon l’ex-régie fédérale. «Les retards devraient faire baisser les besoins d’investissement des CFF», indique le communiqué du gouvernement.
Impact de la crise
En raison des pertes liées à la pandémie, la dette nette a explosé bien au-dessus du seuil fixé par le Conseil fédéral, à 6,5 fois le bénéfice avant intérêts. Au premier semestre 2021, elle s’élevait à 17,7 fois. Les CFF sont chargés de la ramener au plafond admis d’ici à 2030. Rien n’est encore décidé sur les mesures d’économie. «La manière dont les CFF entendent concrètement mettre en œuvre les réductions de coûts et les optimisations de recettes sera élaborée au cours des prochains mois», informe Sabine Baumgartner, porte-parole.
L’impact de la crise sanitaire se fait fortement sentir. En novembre, le trafic des voyageurs était encore 24,3% plus bas qu’à la même période en 2019. Les CFF ont perdu pas loin d’un abonnement général sur cinq (493 000 étaient en circulation en juin 2019 contre 395 000 en juin 2021).
«Nous traversons une période complexe. D’après les dernières prévisions de la Confédération, la croissance de la mobilité va se poursuivre, notamment grâce aux voyages effectués dans le respect du climat. En même temps, les exigences de flexibilité sont plus pressantes et les habitudes de voyage moins prévisibles. La crise du coronavirus a accentué ces tendances», relève Sabine Baumgartner.
La contribution de la Confédération pour le trafic longue distance doit permettre à ce secteur de réaliser à nouveau des bénéfices à moyen terme. Les CFF comptent dessus pour les investissements dans le matériel roulant et les nouvelles offres. Quant à la question de l’impact des difficultés financières sur les projets de développement, les CFF estiment qu’il est trop tôt pour y répondre. Le calendrier des projets est en cours d’examen, en collaboration avec l’Office fédéral des transports.
Réactions hostiles
Côté politique, les mesures décidées par le Conseil fédéral suscitent l’incompréhension. «Demander des économies aux CFF est un très mauvais signal pour la garantie du service public et des conditions de travail. Il y a un vrai besoin de personnel pour continuer à développer ce mode de transport», réagit la conseillère aux États verte Lisa Mazzone (GE). Alors que le parlement a libéré de l’argent pour les étapes d’aménagement 2035, compter sur le retard des travaux pour faire des économies dans les investissements est selon elle problématique. «La mobilité est la lanterne rouge en termes d’impact climatique. On doit tout faire pour réaliser ces infrastructures», défend-elle.
A droite, le conseiller aux États PLR Olivier Français (VD) se dit remonté contre les décisions du gouvernement. Il fait part de ses inquiétudes pour les investissements. «Ces mesures restrictives sont contre-productives et contraires à la volonté du parlement, qui a demandé d’assurer la part de la Confédération au FIF pour les projets d’aménagements 2035.
En période de crise, il faut que l’État investisse», martèle-t-il. Le sénateur s’inquiète des conséquences économiques engendrées par le report des investissements: «Le Conseil fédéral n’ose pas prendre de mesures d’aides Covid pour le trafic grande ligne, comme il l’a fait pour le trafic régional», déplore-t-il. Le sénateur craint des économies à CFF Cargo, déjà sous pression du gouvernement qui demande que le secteur ne soit pas déficitaire. «Le risque est que les CFF ferment encore des zones de transbordement, qu’ils gardent uniquement les gros clients, avec pour conséquence un report sur la route», avertit-il.
Le Syndicat du personnel des transports fait également part de ses craintes tout en relevant que la CCT, prolongée jusqu’en 2025, garantit une certaine stabilité au personnel.
Le Courrier, 22 décembre 2021, Sophie Dupont
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