En 2000, La Poste comptait 3400 officines en Suisse. En 2012, il n’en restait plus que 1752. Et les fermetures se poursuivent cette année encore. Il est prévu que d’ici 2024, il n’en reste que 800. 2500 bureaux ont donc été fermés en 20 ans ! Cette stratégie de transformation du service, l’usager y fait face sans réellement pouvoir agir. Les membres d’ACIDUS le savent
, puisque les premières fermetures à Lausanne, il y a une vingtaine d’années, furent l’occasion de la naissance même de l’association. Ils se souviennent aussi des nombreuses démarches entreprises par l’association en 2018 et 2019 pour sauver 5 offices à Lausanne, ce à quoi La Poste a répondu sèchement par la fermeture de 5 autres offices.
On a vu certains offices être remplacés par des « filiales en partenariat », dans les épiceries de quartier par exemple – souvent fermées pendant le confinement – et l’on a constaté combien cette solution est peu appréciée. Leurs prestations sont au rabais, par exemple : si elles affranchissent les envois, elles ne vendent pas de timbres à l’unité, mais seulement par série de 10 timbres pour les courriers A et B ; les paiements ne se font que par carte
bancaire ou postale ; etc.
Mais, ces dernières années, et surtout depuis le mi-été, on observe, entre autres :
- Une augmentation du prix des timbres (de 85 cts à 90 cts et de 1 Fr à 1.10 Fr)
- Sur 14’414 boîtes aux lettres, seules 4009 sont vidées le samedi contre 11′400 jusqu’en juin.
- Le courrier A arrive souvent avec 2, voire 4 jours de retard, La Poste ayant décidé de retreindre les levées de la plupart des boîtes aux lettres publiques au matin seulement. Pour « optimiser le temps de livraison », selon le porte-parole de La Poste.
- Pour une lettre en envoi international, il en coûtera 1.80 Fr contre 1.40 auparavant.
- La réexpédition de courrier pour un déménagement augmentera de 50%, soit de 30Fr à 45 Fr pour une période de 12 mois.
- Louer une case postale, service gratuit auparavant, coûte désormais 120 Fr par an pour les envois privés et 240 Fr pour les associations et pour les entreprises.
- Depuis 2021, les «adresses association» coûtent 40 Fr/année civile au lieu de 20 Fr.
Et le plus grave est qu’aucun retour en arrière n’est prévu.
Et pourtant, des bénéfices en or
Avec toutes les mesures qu’elle a prises, les gains réalisés par La Poste, sur les neuf premiers mois de l’année 2021, s’élèvent à 370 millions, soit une hausse de 234 millions par rapport à l’exercice 2020 et 107 millions sur 2019. Une embellie qui serait due à « l’optimisation du réseau fiscal. »
Actuellement, La Poste compte 55’380 collaborateurs, un nombre stabilisé et même en augmentation, essentiellement dans le domaine des colis. La Poste doit s’adapter au volume des paquets et, très attachée à son autonomie, affirme se trouver dans l’obligation de prendre des mesures permettant d’augmenter ses bénéfices pour investir dans le service futur.
La Poste, service public ou self-service ?
Selon le DETEC (Secrétariat général Département fédéral de l’Environnement, des Transports, de l’Énergie et de la Communication), « La population veut disposer d’un approvisionnement de qualité dans toutes les régions du pays, y compris dans celles où ces services ne sont pas rentables. L’État veille à ce que les prestations soient de qualité et
partout disponibles à des prix raisonnables. »
Au vu des rares prestations que La Poste veut bien encore assumer, le peu qui reste fait honte au service public ! Pour bénéficier de ce qu’il en reste, et pour poster un colis, par exemple, l’usager doit d’abord dénicher un point PickPost, prévu à cet effet, puis fournir un travail auparavant exécuté au guichet, sans que la taxe liée à l’action qu’il accomplit diminue pour autant. Il se voit contraint de coopérer avec un appareil plutôt qu’avec un employé. Il doit être à l’aise avec le numérique et les moyens actuels de communication, se familiariser toujours plus avec l’anglais (PickPost, MyPost 24, PostMail, PostPac Priority, PostLogistics, Swiss Post Solutions (SPS), Swiss Post International). S’il vit à la campagne, il lui faut posséder une voiture, La Poste de son village ayant fermé sans tambour ni trompette du jour au lendemain. S’il n’a pas encore de téléphone portable, il est quasiment condamné… Bref, les personnes vivant dans des endroits isolés, les personnes âgées ou celles dont la mobilité est réduite n’ont qu’à s’adapter à ces changements, puisqu’elles bénéficient de la « sincère compréhension » de Laurent Savary, responsable communication en Suisse romande pour La Poste.
Mais si les responsables de La Poste font preuve d’un bel optimisme, il n’en va pas de même pour PostFinance, la banque de La Poste.
PostFinance en baisse
PostFinance, société anonyme de droit privé, fait vivre le réseau postal pour un montant approchant les 300 millions. Hélas, beaucoup moins rentable aujourd’hui, elle est en mauvaise position. C’est pourquoi le Conseil Fédéral veut la privatiser.
Toutefois, on observe un rejet unanime de cette privatisation à gauche comme à droite. A droite, on refuse le projet, au motif qu’il n’y a ni place ni besoin d’une banque de plus. L’USAM (Union suisse des arts et métiers) estime que La Poste prendrait des risques énormes, qui pourraient retomber sur les contribuables. Selon la faîtière, La Poste devrait se concentrer sur son mandat principal, c’est-à-dire sur le trafic des paiements.
En outre, ce qu’on ignore souvent, et que la faîtière critique très sévèrement, c’est que le conseil d’administration de PostFinance, bien trop rémunéré selon elle, serait responsable de difficultés financières qui ont déclenché le projet de privatisation.
La gauche est opposée à une privatisation totale, car 3 millions de clients devraient certainement subir une hausse massive des tarifs. Selon Syndicom, syndicat des médias et de la communication, les conséquences seraient catastrophiques, non seulement pour les services publics, pour les marchés, mais aussi pour La Poste, les places de travail et l’ensemble de la population.
Pour les jeunes urbains
Il est très regrettable que La Poste mette les usagers devant le fait accompli pour les fermetures d’office. En outre, les utilisateurs ne sont pas naïfs et se rendent bien compte que certaines transactions sont surtaxées pour que, ensuite, La Poste puisse déclarer qu’elles sont peu utilisées et justifier leur suppression. Enfin, une adaptation des tarifs serait acceptable s’il n’y avait pas de diminution des prestations.
Pour la FRC, Fédération romande des consommateurs, comme pour de nombreux usagers, l’installation de points comme PickPost devrait se faire non seulement dans les villes, mais aussi dans les campagnes, qui en ont le plus grand besoin.
La Poste évolue, oui, elle s’adapte, sans doute, mais non sans douleur pour une partie de la population, c’est certain : augmentation des coûts, diminution des prestations, zones désertées, disparités entre zones fortement urbanisées et campagnes.
Au train où vont les changements, il est à craindre que La Poste, bientôt, ne concerne plus que les jeunes urbains bien formés. Les personnes âgées, celles qui vivent à la campagne et les personnes à mobilité réduite seront laissées de côté. Même si Laurent Savary affirme que le but est de trouver le bon compromis « sans laisser qui que ce soit au bord de la route. »
ACIDUS, attachée au soutien des services publics comme à ceux qui les ont financé par le biais de leurs impôts – les usagers – vous invite à unir vos forces à nos efforts. Contactez-nous !
Nicole Matthey K.
Pour info : « poste.ch/offre 22 »
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