TPG pour «Transports publics gratuits» à Genève

Défendant une écologie sociale, les jeunesses de quatre partis de gauche lancent une initiative pour la gratuité des Transports publics genevois. Le peuple avait dit non en 2008. La gratuité concernerait uniquement les Transports publics genevois (TPG), donc pas les Mouettes, ni le CEVA. «A situation climatique radicale, mesures radicales, il faut un changement de paradigme, les transports publics doivent être considérés comme un bien commun au même titre que l’école», insiste Damian Veiga, des Jeunes Vert·es.


Sa formation, avec les Jeunesses socialistes, de Solidarités et du PdT ont présenté ce jeudi leur initiative cantonale constitutionnelle pour rendre l’accès aux Transports publics genevois (TPG) gratuit.

«Nous fonçons dans le mur. La gratuité, comme le montrent les exemples de villes qui l’ont instaurée, favorisera une baisse du trafic motorisé et de la pollution de l’air.» Il ajoute que le Plan climat cantonal prévoit que 40 à 50% des automobilistes devront abandonner leur véhicule d’ici 2030. «La gratuité, allant de pair avec le développement de pistes cyclables, permettra une alternative qui ne soit pas punitive.»

Car la transition écologique sera sociale ou ne sera pas. Nicolas Rault (Jeunes POP) rappelle que les aides fournies par l’Hospice général ont triplé entre 2000 et 2020. Pour Luca Califano (Solidarités-Jeunes), la gratuité lèvera un obstacle pour un grand nombre de ménages ou de personnes modestes.TPG pour «Transports publics gratuits» 1

«A Dunkerque, Aubagne ou encore Montpellier, elle a été très positive puisque il y a eu en moyenne une augmentation d’environ 50% d’usagers et usagères», poursuit Elisabetta Marchesini (Jeunesse socialiste). L’une des conditions pour instaurer la mesure est que «la qualité de l’offre ne diminue pas, elle devra même augmenter», martèle la socialiste. La Constitution genevoise offrirait en soi une protection, puisqu’elle prévoit que «l’État développe le réseau».

Financement plus équitable

Mais comment faire sans billetterie? C’est-à-dire en perdant 157 millions de francs, soit un tiers des recettes. Une baisse à laquelle il faut retrancher 30 millions gagnés en déductions fiscales sur les frais de transport et 10 millions d’économies en frais administratifs et de surveillance. Soit un manque à gagner estimé à 120 millions. Il devra être compensé par l’Etat. «Le financement (…) est assuré principalement par les mesures fiscales usuelles (…)», précise l’initiative. Un financement plus équitable puisque proportionnel aux revenus, plaident ces jeunes.

Risque-t-on une hausse des impôts? Non, selon Teo Frei (Solidarités-Jeunes), car l’État devra pouvoir compter notamment sur une hausse des recettes fiscales liée à l’accord international visant à taxer les multinationales à 15%.

Quant à l’emploi, il ne devra pas pâtir de la gratuité, reprend Mme Marchesini. Les 10 millions économisés concernent les distributeurs mais surtout une soixantaine de postes de contrôleurs et contrôleuses. Des reconversions sont à envisager: «La hausse de la fréquentation nécessitera davantage de gens pour conduire les véhicules.»

A préciser que la gratuité concernerait uniquement les TPG, donc pas les Mouettes, ni le CEVA ou encore les trajets débordant sur France ou Vaud. Les initiant·es ont quatre mois pour récolter 8157 signatures valables.

Si l’initiative aboutit, il reviendra au Conseil d’État de la valider. Ou non. Des textes similaires ont été invalidés en ville de Berne et par le Conseil d’État fribourgeois. Son homologue vaudois, en revanche, a jugé l’initiative lancée dans ce canton valide. Idem dans le canton de Neuchâtel, où le gouvernement a toutefois proposé un contre-projet. La Constitution fédérale stipule que «les prix payés par les usagers (…) couvrent une partie des frais (…)». Mais on peut considérer que l’impôt est une façon de payer son dû, selon Samuel Golly (Jeunesses popistes à Genève). La conseillère nationale genevoise Stéphanie Prezioso (EàG-Résistons) a déposé lundi aux Chambres fédérales une initiative parlementaire pour préciser que «la gratuité est possible».

Vert·es et roses encore hostiles?

Réactions. En 2008, l’initiative des Communistes pour la gratuité des TPG n’avait récolté que 32,4% des voix à Genève. Seule la gauche radicale l’avait soutenue. En 2013, l’initiative de l’Avivo pour une baisse générale des tarifs et plus marquée pour les seniors passait toutefois la rampe à 55,8%, un essai confirmé l’année suivante (le premier scrutin avait été annulé pour vice de forme). A gauche, PS et Vert·es n’y étaient pas favorables. Avec le même argument qu’en 2008: c’est la qualité de l’offre (fréquence et maillage du réseau) qui favorise le transfert modal plutôt que le prix du billet, or une baisse des recettes empêche le développement des TPG. En 2017, une hausse des tarifs était refusée dans les urnes à 53,5%, la gauche radicale étant rejointe dans ce combat cette fois par le Parti socialiste et le MCG.

Quatorze ans après l’échec sur la gratuité, les jeunesses des partis de gauche veulent y croire, insistant sur la prise de conscience climatique beaucoup plus importante aujourd’hui. Mais ils et elles sont conscientes que le travail de conviction devra commencer au niveau de leurs formations mères. Si l’appui d’Ensemble à Gauche est acquis, les présidences du PS et des Vert·es font savoir que les positions devront être discutées. Delphine Klopfenstein Broggini, qui préside le parti écologiste, se dit à titre personnel peu adepte des «mesures arrosoirs», préférant «des mesures ciblées en fonction du porte-monnaie». Reste que pour son parti, la priorité est le développement massif des transports publics et de leur attractivité. «La gratuité est-elle le bon levier? Nous devrons en débattre. Le frein n’est pas tant le prix que la fréquence et le maillage du réseau.» Son homologue socialiste, Thomas Wenger, estime que tout l’enjeu sera d’obtenir des garanties que la baisse de recettes sera compensée par une hausse de la subvention de l’État. Il se félicite de l’initiative qui «va dans le bon sens» en réponse à l’urgence climatique et comme mesure sociale. RA

Le Courrier, 17 mars 2022, Rachad Armanios

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