L’Etat pourrait se casser les dents

L’introduction d’une assurance pour les soins dentaires dans le canton de Neuchâtel pourrait être tranchée par le peuple cet automne. Sept ans après le dépôt d’une initiative. La gauche neuchâteloise demande depuis sept ans l’introduction d’une assurance de base obligatoire pour couvrir les soins dentaires.

La population neuchâteloise pourrait être amenée à devoir voter cet automne sur une initiative déposée par la gauche. Celle-ci demande depuis sept ans déjà l’introduction d’une assurance de base obligatoire pour couvrir les soins dentaires à l’échelon cantonal. Objectif : éviter que les plus démuni-es fassent l’économie encore longtemps de se rendre une fois ou l’autre chez le dentiste.

« Un réflexe qui touche de plus en plus de personnes dans le canton », admet l’écologiste Brigitte Neuhaus, présidente de la Commission de la santé du Grand Conseil. Une assurance qui permettrait aux personnes nécessiteuses d’aller se faire contrôler au moins une fois l’an. Ce qui garantirait des soins de base pour toute la population. Récemment, la Commission de la santé a recadré le contre-projet ficelé entretemps par le Conseil d’État prônant, lui, non une assurance de base, mais un programme de prévention et de dépistage bucco-dentaire destiné aux enfants en bas âge et aux adultes de condition modeste ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni d’aides sociales.

Taxes différenciées

« Un contre-projet minimaliste », estiment les initiant-es, quand bien même l’État de Neuchâtel prévoit l’engagement d’un médecin-dentiste cantonal pour mener à bien l’ensemble de son programme. Son financement serait assuré par le truchement d’une redevance sur les boissons sucrées perçue par le Service cantonal de la consommation (SCAV). Pour chaque petit commerce qui en débiterait, cette taxe annuelle serait fixée en pourcentage du chiffre d’affaires réalisé sur ces ventes, pour autant qu’elles soient conséquentes. Soit environ 15 centimes le litre. Une taxe forfaitaire d’au maximum 600 francs serait aussi ponctionnée chez les cafés-restaurants. Ainsi qu’une taxe journalière auprès des manifestations publiques. De l’ordre de 500 francs pour la Fête des Vendanges. Cette taxe permettrait à l’État d’engranger deux millions par an, somme affectée au financement du programme.

Initiative sur les rails

Mais l’idée d’introduire cette nouvelle dîme ne sied pas du tout aux formations de la droite et du centre. En tant que défenseuses des petits commerces et des restaurants, les députations libérale-radicale et UDC s’y étaient déjà farouchement opposées voici une année au Grand Conseil, tandis que les effets de la pandémie prétéritaient déjà fortement le secteur de la restauration.

Lors de la prochaine session au parlement cantonal début mai, il est fort probable que la droite campe dès lors sur ses principes et enterre pour de bon le programme bucco-dentaire gouvernemental. Cette posture ouvrirait la porte à une votation populaire sur l’initiative lancée en 2015 par l’Association de défense des retraité-es, le Mouvement populaire des familles et la gauche neuchâteloise réunie.

« Nous nous dirigeons vers cette issue. Notre commission a certes retravaillé le contre-projet, mais celui-ci implique les lois du commerce et de la santé. Face à divers écueils, nous avons décidé de reprendre la version d’origine car nous ne pouvions attendre plus longtemps avant de traiter cette initiative vieille de sept ans », juge-t-elle. A une voix près, la commission a échoué à amender dans le contre-projet la prise en charge des frais de soins de base pour les jeunes, au moins jusqu’à la fin de leur scolarité obligatoire.

Prestataires extérieurs

Le gouvernement ne pense pas qu’en l’état actuel de la conjoncture, l’introduction d’une nouvelle assurance serait aujourd’hui la panacée. Qui voudrait s’acquitter d’un nouveau prélèvement sur les salaires, de type AVS, en ces temps difficiles ? Ce d’autant qu’on nous promet des hausses importantes de primes-maladies d’ici la fin de l’année. Introduire une nouvelle assurance pour les soins dentaires impliquerait aussi, selon lui, une mécanique complexe pour que son financement reste équitable.

Lorsqu’elle ne siégeait pas encore à l’exécutif cantonal, la ministre socialiste Florence Nater présidait en son temps la Commission de la santé. Elle avait suggéré de creuser aussi d’autres pistes. Elle avait pris l’exemple de la Fondation Point d’Eau à Lausanne qui, par le truchement d’un soutien public, propose des consultations à prix très réduits avec une dizaine de dentistes diplômé-es et bénévoles pour assurer les soins d’urgence. « Un soutien accru aux structures existantes », avait-elle lancé comme alternative envisageable, citant parmi les partenaires potentiels capables de se charger de prestations ciblées dans le canton : le Réseau santé migration ou le Dispensaire des rues. Deux organismes qui permettent déjà aux personnes vulnérables et exclues du système d’avoir accès au dentiste. « Si tous les partis s’accordent sur le problème, aucune solution idéale n’a encore été trouvée », conclut Brigitte Neuhaus.

Le Courrier, 19 avril 2022, Alain Meyer

1 commentaire à “L’Etat pourrait se casser les dents”


  1. 1 Juana 2 mai 2022 à 17:57

    Serait-il possible avoir la même assurance au canton de Vaud?

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