Lundi 9 mai, les trois principaux partis bourgeois (Le Centre, le PLR et l’UDC), d’habitude prompts à couper dans les dépenses publiques, ont imposé au Conseil national une augmentation historique du budget militaire. Celui-ci sera porté à 7, voire 9 milliards de francs en 2030 – à coups de 300 millions par an. Aucun autre domaine d’activité de la Confédération ne connaît une telle croissance (1).
«Cette augmentation est-elle vraiment nécessaire? Peut-être. Peut-être pas. On ne le sait pas» (2). Face au coup de force de la droite, qui devra être confirmé au Conseil des États, même la très conservatrice Neue Zürcher Zeitung se gratte la tête. Le conseiller national UDC Jean-Luc Addor, en revanche, ne cache pas sa jubilation. «Il faut dire que lorsque c’est nécessaire, notre pays est suffisamment riche pour mettre les moyens qui s’imposent. De la même manière que la santé publique, la sécurité est un bien essentiel», justifie l’élu valaisan (3).
L’argument de M. Addor est doublement erroné. D’une part, parce qu’il est peu probable que le réarmement massif en cours, en Suisse et dans le monde, contribue à garantir la sécurité des populations. Au contraire, il renforcera un climat de guerre et de répression – et le recul des droits démocratiques qui l’accompagne. De l’autre, parce que le patronat et la majorité de droite refusent justement d’accorder les moyens nécessaires au bon fonctionnement du service public de santé. C’est ce qu’ont rappelé les centaines de soignant-e-s qui se sont mobilisé-e-s le 12 mai dernier, à l’occasion de la Journée internationale des soins. Le même jour, le quotidien 24 heures soulignait une conséquence dramatique du sous-financement qui frappe le secteur: dans des centaines d’EMS, des résident-e-s sont assommé-e-s à coups de neuroleptiques parce que le personnel n’a pas assez de temps à leur consacrer (4).
La générosité illimitée de la droite pour l’armée est donc aux antipodes des mesures d’économies que les mêmes élu-e-s bourgeois-e-s continuent à faire pleuvoir sur la santé publique et ses employé-e-s. Le réarmement massif voté par les partis bourgeois est aussi gros de menaces pour d’autres pans du service public.
L’augmentation du budget militaire se traduira en effet vraisemblablement par «une augmentation des impôts, ou un paquet d’économies d’une ampleur que la politique fédérale n’a plus vue depuis longtemps» (5). Parmi les secteurs qui pourraient être visés par des coupes: la formation, la recherche, l’aide au développement, la culture, le social et le climat. Si elle se concrétisait, l’augmentation des dépenses militaires se traduirait donc par un renforcement des attaques contre le service public. Elle sonnerait aussi le glas de tout programme ambitieux de lutte contre le réchauffement climatique.
La politique militariste de la droite doit donc être combattue. Dans cette perspective, Jo Lang, militant du Groupe pour une Suisse sans armée, appelle à construire une large alliance incluant notamment les syndicats, le mouvement anti-guerre et les militant-e-s climatiques (en page 10).
Sa concrétisation serait un pas en avant important. ◼
1 Tages Anzeiger, 14 mai 2022.
2 NZZ, 10 mai 2022. Lire aussi en page 9.
3 Le Matin dimanche, 15 mai 2022.
4 24 heures, 17 mai 2022.
5 NZZ, 6 mai 2022.
SSP, Guy Zurkinden, Services publics, 20 mai 2022
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