LAMal: la solidarité face à la maladie

À votre santé! Des primes d’assurance-maladie solidaires ou un frein asocial aux coûts de la santé? C’est le débat qui va animer le Conseil national dans la session qui a commencé hier. En effet, la chambre du peuple se penche sur deux initiatives, l’une de gauche, dite «maximum 10% du revenu pour les primes d’assurance-maladie (initiative d’allègement des primes)» et l’autre du centre, dite «pour des primes plus basses».

Les deux prétendent diminuer les primes payées par les assuré·es, car il y a au moins un accord général sur le fait que l’augmentation année après année des primes d’assurance-maladie, bien plus rapide que le coût de la vie, n’est plus supportable pour une grande partie de la population. D’ailleurs, des subventions existent déjà pour aider celles et ceux qui ont un revenu modeste, mais elles sont très disparates suivant les cantons. Un rééquilibrage semble donc nécessaire.

Ce n’est pas anodin – et probablement pas un hasard – que les assurances aient annoncé une forte hausse des primes pour cet automne, articulant même un nombre à deux chiffres! Pourtant, pour l’ensemble de l’année 2021, la hausse des frais facturés à la LAMal était de 5,1% seulement et les assurances ont encore et toujours des réserves colossales, n’ayant redistribué qu’une petite partie des 11 ou 12 milliards dont elles disposaient fin 2021. Elles invoquent toutefois cette diminution des réserves pour afficher une augmentation supérieure à la compensation des hausses des coûts, mettant ainsi la pression sur les autorités politiques.

Cela dit, il y a une part structurelle de l’augmentation du coût de la santé, liée au vieillissement de la population. Et la pandémie a mis le doigt sur la fragilité de notre système de santé – heureusement moindre que chez nos voisins – avec probablement un nombre trop faible de lits de soins intensifs équipés et un personnel de santé à la limite du burn-out. Le peuple l’a compris et a accepté, l’automne passé, l’initiative fédérale «pour des soins infirmiers forts», dont la mise en pratique va forcément avoir un coût.

Parallèlement, il y a des économies possibles sur le prix des médicaments et des appareils médicaux, sur le coût de certaines prestations médicales ou de laboratoire et sur l’offre surabondante de spécialistes, alors que les médecins de premier recours manquent – surtout dans les régions décentrées.

Les différents lobbyistes sont déjà à l’œuvre dans les travées du Palais fédéral: personne ne veut perdre ses prérogatives et le débat n’est pas simple. Mais les deux initiatives ont des philosophies très différentes qui déploieront un impact direct sur la population, même si leurs titres respectifs laissent entendre le contraire. Ni l’une ni l’autre n’apporte une solution à l’augmentation des coûts de la santé, mais elles divergent sur «qui doit payer et comment».

L’initiative de la gauche a l’avantage de la simplicité: personne ne doit payer plus que le 10% du revenu disponible, soit ce qui reste en retirant les dépenses de transfert obligatoires (les cotisations aux assurances sociales, les impôts, les primes pour l’assurance-maladie de base et les transferts réguliers à d’autres ménages, comme par exemple les pensions alimentaires). Cela signifie qu’une part plus grande sera payée par l’impôt, deux tiers au niveau fédéral et un tiers au niveau cantonal, ce qui rétablit une certaine équité, puisque l’impôt est progressif. Cela a un coût évalué à 2,2 milliards (à mettre en lien avec l’augmentation du budget militaire récemment adopté, d’une somme équivalente); un contre-projet de la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national, qui a précisé le financement public sans toucher aux 10%, a réuni une majorité: cela pourrait être une bonne nouvelle pour les assuré·es.

L’initiative du centre veut que les coûts de la santé LAMal ne dépassent pas l’augmentation des salaires sans prévoir comment y arriver, si ce n’est que les différentes parties devraient le cas échéant négocier. Les assurances y sont favorables car elles voient une opportunité de proposer de nouvelles prestations complémentaires hors LAMal, que les plus riches pourront se payer. La même commission parlementaire propose de la rejeter et a accepté un contre-projet indirect du Conseil fédéral, légèrement modifié, précisant les moyens de contenir les coûts.

On peut se réjouir de l’orientation que la commission de sécurité sociale et de santé publique du Conseil national a donnée, surtout en ces temps incertains: après une pandémie qui n’a peut-être pas encore dit son dernier mot, la guerre en Ukraine a aiguisé les problèmes énergétiques et fait flamber les prix, provoquant une inflation et un risque réel de diminution du pouvoir d’achat.

Encore faut-il maintenant que cette orientation soit confirmée en plénière, puis bien sûr au Conseil des États.

C’est la solidarité face à la maladie qui est en jeu.

* Pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

Le Courrier, 30 mai 2022, Bernard Borel

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