L’USS veut renforcer l’AVS grâce aux bénéfices de la Banque nationale. Son initiative s’inscrit dans une bataille d’ampleur autour de l’avenir du système de retraite. 1000 milliards. C’est le montant des placements en or et en devises possédés par la Banque nationale suisse (BNS). Au cours des dernières années, l’émission et la vente de quantités massives de francs suisses ainsi que la politique d’intérêts négatifs (depuis 2015, les banques qui placent leur argent à la BNS doivent lui payer des intérêts) ont permis à l’établissement d’accumuler les bénéfices. L’Union syndicale suisse (USS) veut qu’une partie de cette manne revienne à l’AVS.
Avec une rente moyenne de 1800 francs, la principale assurance sociale du pays reste en effet loin de remplir le mandat qui lui est confié par la Constitution – garantir le minimum vital aux retraité-e-s. De leur côté, les rentes versées par les caisses de pension sont en chute libre, constate l’USS. Conséquence: un nombre important de pensionné-e-s n’ont plus assez d’argent pour vivre.
RENFORCER L’AVS AVEC LA BNS. Cette réalité a poussé la centrale syndicale à lancer une initiative qui propose d’affecter une partie des bénéfices de la banque nationale à l’AVS. Le mécanisme est double: d’une part, la BNS devra reverser à l’AVS les profits engrangés par sa politique de taux d’intérêt négatifs – de 2015 à 2021, ces taux négatifs ont rapporté 11,3 milliards de francs à l’établissement bancaire; d’ici à l’aboutissement de l’initiative, le solde pourrait grimper à 15 milliards (1). En parallèle, le texte d’initiative prévoit que, en cas de bénéfice élevé enregistré par la BNS, une partie de celui-ci sera versé au fonds de compensation de l’AVS – sans toucher pour cela aux sommes versées aux cantons. Selon l’USS, cette mesure pourrait apporter 2 milliards par an au financement des retraites. Son initiative devrait ainsi lui permettre d’atteindre un double objectif: d’une part, garantir le financement de l’AVS pour les dix prochaines années; de l’autre, augmenter le montant des rentes.
Selon la faîtière syndicale, l’initiative sur la BNS démontre «qu’il est possible d’avoir une AVS aux reins solides sans relever l’âge de la retraite». Elle offre ainsi «une alternative crédible aux attaques en règle du Parlement contre les retraites». C’est dans le même objectif que les syndicats ont lancé une autre initiative, qui a abouti l’an dernier avec 140 000 signatures. Intitulée «Mieux vivre à la retraite», elle demande le versement d’une treizième rente AVS, sur le modèle du treizième salaire, à chaque retraité-e. Le 25 mai, le Conseil fédéral a annoncé qu’il appelait à refuser ce texte.
PENDANT CE TEMPS, À DROITE… La majorité de droite à Berne et le Conseil fédéral fourmillent aussi d’idées sur le thème des retraites. Il y a d’abord le projet AVS 21, qui prévoit le relèvement de l’âge de la retraite des femmes (de 64 à 65 ans), sur lequel nous voterons le 25 septembre. Cette votation sera probablement suivie d’une bataille autour du projet LPP 21, qui prévoit d’abaisser le taux de conversion (de 6,8% à 6%) permettant de calculer la rente LPP. Il y aura ensuite l’initiative lancée par les Jeunes libéraux radicaux, qui a déjà récolté le nombre de signatures nécessaires. Trompeusement intitulée «Pour une prévoyance vieillesse pérenne», elle prévoit un allongement de l’âge de la retraite à 66 ans, puis 67 ans pour tous.
Enfin, un comité de droite a lancé une initiative intitulée «Oui à des rentes pérennes et équitables». Le texte vise à la fois à adapter périodiquement l’âge de la retraite à l’espérance de vie, mais aussi à modifier le niveau des rentes (y compris les rentes en cours!) en fonction du rendement des placements dans le 2e pilier, de la situation financière, du pouvoir d’achat et de l’espérance de vie. Cette initiative est encore en cours de récolte des signatures.
LA VOTATION DE L’ANNÉE. Au travers de ces batailles, c’est l’avenir du système de retraites qui se jouera dans les années à venir. Sur le fond, deux projets antagoniques s’affrontent: celui porté par les syndicats, qui propose de renforcer l’AVS afin d’améliorer le niveau des rentes versées aux retraité-e-s; et celui de la droite, qui veut faire travailler tout le monde plus longtemps pour des rentes plus basses.
Le résultat de la votation sur AVS 21, cet automne, sera d’une importance cruciale pour cette bataille. L’enjeu de ce scrutin n’a pas échappé au quotidien patronal Neue Zürcher Zeitung, qui écrit: «La plus importante votation de l’année – voire même de la législature – aura lieu le 25 septembre. Ce jour-là, la Suisse tranchera au sujet d’une de ses plus grandes réalisations: l’AVS» (2). ◼
1 NZZ, 12 février 2022.
2 NZZ, 28 mai 2022
10 juin 2022, services PUBLICS
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