Le prix de l’électricité va augmenter et des pénuries ne sont plus à exclure, a indiqué ce jeudi l’ElCom (l’autorité fédérale indépendante de régulation dans le domaine de l’électricité). L’invasion de l’Ukraine par la Russie et son corollaire – l’impact sur le prix du gaz – n’est pas seule en cause. La reprise post-Covid pèse aussi sur ce marché.
En clair, selon ces projections, le prix de l’énergie devrait progresser de 47% en moyenne l’an prochain. Soit, pour un ménage de cinq pièces, quelque 180 francs de plus par an. Au-delà de l’effet porte-monnaie qui vient s’ajouter à d’autres mauvaises nouvelles – perte du pouvoir d’achat, reprise de l’inflation, loyers en hausse, etc. – c’est l’annonce que des pénuries ne sont pas à exclure qui inquiète.
Le Parti socialiste suisse (PSS) a d’ailleurs profité de la lucarne de tir pour présenter, dans la foulée, un papier de position1. Un texte qui exige du Conseil fédéral un «plan de sécurité et de solidarité énergétique». Plusieurs pistes sont évoquées: par exemple bloquer le chauffage des pièces à un maximum de 20 degrés, remplacer les néons par des lampes à LED ou les plaques de cuisson en fonte ou en vitrocéram par de l’induction. Autre mesure radicale: si la crise d’approvisionnement devient réalité, le PSS imagine même mettre à l’arrêt certains secteurs de l’industrie avec des mécanismes d’indemnisation.
Cette urgence soudaine a au moins le mérite de montrer les limites du dogmatisme néolibéral qui a prévalu jusqu’à la crise ukrainienne. L’énergie est un bien de première nécessité. Confier ce secteur aux lois du marché nous conduit à l’impasse. D’une part, cela a retardé la construction d’infrastructures indispensables si l’on entend répondre à la crise climatique, mais jugées trop onéreuses. Ensuite, on voit bien qu’en situation de crise géopolitique, le rôle régulateur et proactif de l’Etat redevient indispensable. Enfin, la question sociale reste entière. En cas de pénurie, allons-nous laisser dans le noir ou mourir dans le froid les personnes qui se retrouveront incapables de suivre au niveau financier les envolées spéculatives que cette situation engendra?
Le Conseil fédéral a su faire montre d’un certain volontarisme lors de la crise du Covid. Il risque bien de devoir faire de nouveau la preuve de son leadership dans le domaine de l’énergie.
Le Courrier, 2 juin 2022, Philippe Bach
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