Les syndicats et la gauche appellent à voter non à la suppression de l’impôt anticipé réclamée par les banques et les grandes entreprises. Le 25 septembre, nous voterons aussi sur un projet fiscal. Le Conseil fédéral veut en effet supprimer l’impôt anticipé sur les obligations (1) ainsi que le droit de timbre de négociation sur les obligations suisses et autres titres.
Soutenue par les milieux d’affaires, cette mesure est combattue par les syndicats et la gauche.
L’impôt anticipé sur les obligations est avant tout payé par des investisseurs, souvent de grandes entreprises. D’un taux de 35%, il est remboursé à leur détenteur après qu’il les a déclarés au fisc (suisse ou étranger). Cette taxe a donc pour objectif de lutter contre la soustraction fiscale. Il faut préciser qu’elle sera supprimée uniquement pour les investisseurs étrangers et les entreprises helvétiques – elle continuera à être perçue sur les personnes privées résidant en Suisse, très peu nombreuses à être concernées.
BON POUR LES MULTINATIONALES. Cela fait belle lurette que les banques, les assurances et les milieux financiers font campagne contre l’impôt anticipé. «Les millions de recettes fiscales annuelles que supprimera la réforme de l’impôt anticipé ne doivent pas être vus comme une perte, mais comme un investissement» écrit Renaud Planta, de la banque Pictet (2) ! Selon l’Association suisse des banquiers, la réforme devrait permettre de rapatrier en Suisse, en l’espace de cinq ans, un volume de placements d’environ 900 milliards de francs – une affirmation totalement invérifiable (3).
Les syndicats et les partis de gauche dénoncent en revanche une contre-réforme grâce à laquelle «quelques grandes multinationales obtiennent de nouveaux passe-droits. Elles seront favorisées lorsqu’elles se procureront de l’argent sur le marché des capitaux. En même temps, cette suppression favorise la criminalité fiscale des grands investisseurs et des oligarques».
MAUVAIS POUR LE SERVICE PUBLIC. Dans un rapport sur les conséquences de la suppression de l’impôt anticipé, l’administration fédérale des contributions (AFC) arrive à la conclusion que celle-ci entraînerait une diminution des recettes à long terme de 215 à 275 millions de francs, à laquelle s’ajouterait «la diminution non quantifiable des recettes du droit de timbre de négociation» (4). La gauche et les syndicats craignent que les pertes ne soient beaucoup plus lourdes. Les estimations de l’AFC se basent en effet sur un taux d’intérêt moyen de 1%.
Or si ce taux monte, les pertes seront plus élevées – de l’ordre de 600 à 800 millions de francs par an pour des taux situés entre 3% et 4%. Ce manque à gagner impacterait en premier lieu caisses de la Confédération – alors que, selon le ministre des Finances UDC Ueli Maurer, les finances fédérales pourraient traverser des difficultés dès 2024, notamment en raison de l’envol des dépenses militaires (5). La suppression de l’impôt anticipé menace donc les dépenses publiques.
SUR LA LANCÉE DU 13 FÉVRIER! Cette contre-réforme fiscale s’inscrit dans une série de mesures visant à faire baisser (encore!) l’imposition des banques et grandes entreprises: suppression de l’impôt sur le capital en 1997; deuxième réforme de l’imposition des entreprises (RIE II), un énorme cadeau aux actionnaires, en 2008; Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) en 2019, avec à la clé une baisse drastique des taux d’imposition des bénéfices dans les cantons.
Heureusement, les cadeaux fiscaux au Capital rencontrent une résistance de plus en plus importante. «En matière de politique fiscale, la gauche politique a le vent en poupe. Du moins quand il s’agit de bloquer des réformes» s’inquiète ainsi le quotidien alémanique NZZ (6). Et de pronostiquer une «rude bataille de votation» pour Ueli Maurer. Le 13 février dernier, la suppression du droit de timbre d’émission a été largement refusée par la population. Continuons sur cette lancée et renvoyons la contre-réforme d’Ueli Maurer à son expéditeur le 25 septembre! ◼
(1) Une obligation est un titre utilisé par les entreprises ou les États pour emprunter de l’argent sur les marchés financiers. Son détenteur touche un intérêt.
(2) Le Temps, 8 juillet 2022.
(3) NZZ, 10 août 2022.
(4) Administration fédérale des contributions: Actualisation des conséquences financières 21.024 Loi sur l’impôt anticipé. Renforcer le marché des capitaux. 15 décembre 2021.
(5) Le Temps, 30 juin 2022.
(6) NZZ, 10 août 2022
Services publics, 19 août 2022
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