Le beurre, l’argent du beurre et…

Jusqu’à il y a quelques mois, les gros consommateurs d’électricité étaient considérés par certains chantres du libre marché comme les premiers chanceux à pouvoir bénéficier de tarifs avantageux alors que ménages et petites PME, prisonniers du marché régulé, devaient, eux, débourser davantage pour les mêmes électrons en attendant une libéralisation complète du marché. La suite, on la connaît.


La guerre en Ukraine et les incertitudes qui planent sur le nucléaire français cet hiver ont fait exploser les prix, pour tous. Sauf que, pour les client·es libres, la douloureuse a été autrement plus salée. La liberté a fini par se payer très cher.

Les prix ont tellement augmenté que les entreprises ou les collectivités publiques qui ont succombé, consciemment ou pas, aux sirènes du marché libre ont tiré la sonnette d’alarme. Sans solution à moyen, voire court terme, elles pourraient tout bonnement devoir rogner sur des prestations à la population ou faire faillite, avec à la clé nombre de chômeurs et de chômeuses. Panique à bord des milieux économiques dont certaines faîtières ont subitement redécouvert les vertus de la régulation et des subventions. A l’image de l’Union suisse des arts et métiers (USAM) qui a donné de la voix pour permettre aux perdants de la libéralisation de revenir au marché régulé, alors même que la loi l’interdit. C’est ce qu’on appelle vouloir le beurre, l’argent du beurre et la crémière ou, plus prosaïquement, privatiser les bénéfices. A savoir les économies effectuées durant des années. Et socialiser les pertes, soit les surcoûts engendrés par la crise.

L’USAM semble avoir trouvé une oreille attentive du côté de Guy Parmelin. Cette semaine, le Tages Anzeiger révélait que les services du conseiller fédéral UDC réfléchissaient à cette possibilité, que d’autres associations économiques rejettent, rappelant qu’on ne peut pas jouer sur tous les tableaux. Un retour des gros consommateurs sur le marché régulé provoquerait des hausses de prix pour les clients restés fidèles, ce que ces derniers refusent évidemment d’assumer. Autre question à régler, celle des accès aux différents marchés. Accepter le retour des clients partis dans le système libéralisé ne peut se faire qu’à certaines conditions afin d’éviter un va-et-vient permanent au gré des prix. Pour contenter les uns et rassurer les autres, il y aura fort à faire. Ce qui est certain, c’est que la libéralisation aura perdu de son aura.

Le Courrier, 27 octobre 2022, Maria Pineiro

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