Un rapport pointe du doigt l’écart entre les objectifs climatiques du Canton pour 2030 et le développement prévu pour les transports en commun. Selon l’expert, la capacité des transports devrait augmenter de 30% en achetant des bus et des trams plus longs. Il faudrait aussi renforcer les réseaux transfrontaliers.
«En l’état, les ambitions cantonales pour le développement du réseau des Transports publics genevois (TPG) ne permettront pas d’atteindre les objectifs climatiques d’ici à 2030, ni même 2050.» C’est ce que conclut Martin Trippel, secrétaire de la section genevoise de la Communauté d’intérêts pour les transports publics (CITraP), dans un récent rapport publié par la faîtière.
Sur près de quinze pages, l’auteur détaille les moyens prévus par le Canton en matière de mobilité publique et soutient, chiffres à l’appui, que «réduire la part du trafic individuel motorisé de 40% d’ici à 2030 n’est pas réaliste». Premier frein à cela selon lui, le projet de loi visant à électriser 100% de la flotte des TPG. «Il ne s’agit que d’étendre des lignes déjà existantes et de remplacer des véhicules anciens et polluants, mais pas de créer de la capacité supplémentaire», regrette-t-il, car «cette approche permettra de réduire de 15% seulement les déplacements en transport individuel motorisé».
Des trains et bus plus grands
Concrètement, la CITraP estime que le Canton fait fausse route en basant ses prestations supplémentaires sur le critère «places-km offertes» qui voudrait, par exemple, que le prolongement d’une ligne de 20% en distance entraîne une augmentation des prestations de 20% sur cette même ligne.
Un paradigme que conteste Martin Trippel. Pour lui, c’est la fréquence de passage qui doit primer, ainsi que la capacité des transports, «qui devrait augmenter de 30% en achetant des bus et des trams plus longs, comme à Zurich». Les économies d’exploitation réalisées ainsi (plus de voyageurs et voyageuses avec le même nombre de véhicules et de personnel de conduite) devraient ensuite «être investies dans l’achat de véhicules supplémentaires pour augmenter la fréquence sur les lignes existantes et créer des lignes complémentaires», comme le suggère le rapport.
Bien que le département des Infrastructures «partage globalement les constats posés par la CITraP», il soutient que les solutions proposées ne sont «pas celles qui doivent être visées en priorité». Et d’ajouter que l’offre en transports publics «a déjà augmenté de 24% dans le cadre du plan d’action 2019-2024», et que «l’augmentation sera au moins aussi grande dans le plan d’action de la période suivante, qui est en cours d’élaboration».
Renforcer le transfrontalier
Un autre point critiqué par la CITraP est la part trop modeste accordée aux travailleurs et travailleuses frontalier·ères dans les projets. «Les infrastructures prévues ne permettront une réduction du transport individuel motorisé que de 6,4% pour cette partie des usagers», projette Martin Trippel. Ceci implique que «la majorité des travailleurs automobilistes domiciliés hors de Genève n’auront toujours pas d’alternative au transport individuel motorisé d’ici à 2030».
Un moyen de corriger le tir serait, selon l’auteur du rapport, de relancer le tram de Saint-Genis-Pouilly, abandonné en 2012, et de réactiver la ligne ferroviaire entre Gex et Saint-Genis-Pouilly en la raccordant à la ligne CFF jusqu’à la Zimeysa. «Il faudrait aussi augmenter la capacité du Léman Express, là aussi avec des trains plus grands et une fréquences plus élevée», ajoute-t-il.
Mais les efforts du Canton semblent à ce jour concentrés sur le développement du réseau genevois. Ces derniers temps, le Conseil d’Etat a adopté plusieurs projets de loi visant à concevoir les futures lignes de trams périphériques, ainsi qu’à planifier la seconde étape de la desserte ferroviaire d’agglomération (diamétrale Nord-Sud)1. Des investissements qui viendront compléter les treize kilomètres de lignes de trams supplémentaires et les vingt-deux kilomètres de bus à haut niveau de service (BHNS) prévus pour 2027. Côté transfrontalier, «les études avancent en vue de l’extension tramway vers le Grand-Saconnex et Ferney-Voltaire, dans l’Ain», précise le Département des Infrastructures.
Pas de quoi convaincre Martin Trippel, qui avance «de source sûre» que «les communes françaises et les régions n’ont plus d’argent pour financer les infrastructures ferroviaires». Etant donné qu’il ne reste plus que huit ans pour atteindre l’objectif climatique intermédiaire, «il faut que les autorités du Grand Genève s’accordent rapidement à trouver des solutions de développement et de financement». De son côté, le département des Infrastructures assure que les investissements consacrés à la mobilité ont été accrus pour atteindre 3,4 milliards de francs sur les dix prochaines années.
Pour ce qui est de la marche à suivre de l’autre côté de la frontière, «c’est Paris qui décide», rappelle Martin Trippel.
Note : 1 -Nos éditions du 15 septembre 2022 et 5 janvier 2023
Le Courrier, 14 février 2023, Louis Viladent
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