LPP 21: chronique d’un référendum annoncé

Au Parlement, la droite s’apprête à imposer un démantèlement du 2e pilier. PS et USS prêts au référendum.
Ce sera un des points forts de la session de printemps du Parlement fédéral, qui s’ouvrira le 27 février. La droite est décidée à faire passer une contre-réforme du 2e pilier du système de retraites, nommée LPP 21. Un projet dénoncé vertement par l’Union syndicale suisse et le Parti socialiste, qui se disent prêts à lancer le référendum.

De quoi s’agit-il ?
La principale mesure prévue par LPP 21 est la baisse du taux de conversion qui permet de calculer le montant des rentes versées par les caisses de pension. De 6,8% actuellement, ce taux passerait à 6%. Pour les assuré·e·s, cette mesure se traduirait par une baisse des rentes de 12% en moyenne.

Pour limiter la casse, l’Union patronale suisse, l’Union syndicale suisse (USS) et travail.suisse s’étaient entendus en 2020 sur des mesures compensatoires visant à garantir le niveau des rentes. Leur projet introduisait notamment un élément de répartition dans le 2e pilier, sous la forme d’un supplément de rente (entre 100 et 200 francs, selon l’année du départ à la retraite), financé de manière solidaire par une cotisation de 0,5 % prélevée sur le revenu annuel soumis à l’AVS. Ce mécanisme avait été repris par le Conseil fédéral dans son projet LPP 21. C’était sans compter sur la fronde menée par les banques, les assurances et les caisses de pension – ainsi que par leurs puissants relais parlementaires.

La promesse de Gapany
La bataille autour d’AVS 21, mise en votation le 25 septembre dernier, a momentanément suspendu ces débats. Pour faire avaler l’élévation de l’âge de la retraite des femmes, les partis bourgeois ont alors fait miroiter, en contrepartie, une amélioration des rentes versées par le deuxième pilier. « Ce qui pénalise aujourd’hui les femmes, c’est le système de la LPP (…) Il n’est pas pensé pour les personnes qui travaillent à temps partiel ou qui cumulent plusieurs revenus. La réforme de la LPP est en cours et je m’engage aussi pour qu’on rende ce système meilleur, en particulier pour les femmes » indiquait par exemple la conseillère aux États libérale-radicale Johana Gapany [1].

Paroles, paroles…
Les promesses de la droite se sont rapidement dissipées. Un mois après l’acceptation – de justesse – d’AVS 21 en votation, la commission sociale du Conseil des Etats proposait une nouvelle mouture de LPP 21. Au menu: la baisse du taux de conversion, la suppression du financement solidaire prévu par le compromis syndicats-patronat, et des mesures de compensation revues à la baisse. En février dernier, la commission de la santé et de la sécurité sociale du Conseil national a repris ce projet… en lui donnant un nouveau tour de vis. L’Union syndicale suisse a fait le bilan de l’opération: « La baisse du taux de conversion ne sera entièrement compensée que pour moins de la moitié des femmes – et au total pour seulement un quart de tous les assuré·e·s ». En sus de la baisse du taux de conversion, LPP 21 prévoit deux changements importants: l’abaissement du seuil d’entrée à la LPP, qui passerait de 22 050 francs à 17 640 francs; et la réduction de la « déduction de coordination » (de 25 725 à 12 683 francs). Conséquence de cette double mesure: un nombre croissant de salarié·e·s seront couvert·e·s par le 2e pilier, et les bas revenus y verseront des cotisations plus élevées.

Vers une union bourgeoise
Dans les rangs bourgeois, les débats sur LPP 21 ont longtemps été vifs. Des secteurs de droite (l’UDC, l’Union suisse des arts et métiers, mais aussi un média comme la NZZ) faisaient en effet pression pour diminuer au maximum les mesures de compensation. Il semble que ce petit monde patronal ait réussi à se mettre d’accord juste avant la session de printemps du Parlement fédéral. Kurt Gfeller, le vice-président de l’Union suisse des arts et métiers, a ainsi indiqué que la version retenue par la commission du National est désormais « supportable » [2] à ses yeux. Les partis de droite, UDC inclue, sont aussi prêts à l’accepter.

Vers un référendum syndical ?
C’est désormais de gauche que vient la résistance. L’Union syndicale suisse dénonce « un coûteux projet de démantèlement ». Et ajoute: « Ce Parlement refuse obstinément de voir que la situation des retraites s’est fortement dégradée dans ce pays, alors que les caisses des assurances et des caisses de pension continuent de se remplir. C’est pourquoi l’USS combattra avec véhémence un projet de démantèlement de la LPP, si nécessaire en lançant un référendum ». Rendez-vous à la clôture de la session de printemps du Parlement, le 17 mars.

[1] blick.ch, 2 septembre 2022.

[2] NZZ, 13 février 2023.

Services publics, 24 février 2023, Guy Zurkinden, rédacteur

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