Dividendes: encore un record!

En 2022, les actionnaires des principales sociétés suisses ont palpé 44 milliards de dollars sous la forme de dividendes. Chaque année, la société anglo-américaine Janus Henderson, spécialisée dans la gestion d’actifs, publie un rapport scrutant le niveau des dividendes – les revenus versés à leurs actionnaires par les entreprises – dans le monde. Selon son dernier état des lieux, qui vient de paraître (1), les sociétés ont versé au total 1560 milliards de dollars à leurs propriétaires en 2022. Il s’agit d’un nouveau record.

Cette pluie d’argent s’est aussi déversée sur les actionnaires des entreprises suisses, qui ont touché 44,2 milliards de dollars en 2022 – un montant jamais atteint auparavant.

1560 MILLIARDS DE DOLLARS. «Les dividendes globaux ont augmenté fortement en 2022 (+8,4%), atteignant le montant record de 1,56 trillion de dollars» résume l’étude de Janus Henderson. 88% des compagnies mondiales ont augmenté ou maintenu le montant des sommes versées à leurs actionnaires. Les sociétés produisant du pétrole et du gaz ont été les plus généreuses: la flambée des prix de l’énergie s’est traduite par une augmentation des versements à leurs actionnaires, qui représentent un quart de la hausse totale des dividendes; un autre quart est le fait des banques et établissements financiers; le secteur des transports – notamment les compagnies maritimes, où les prix ont atteint des sommets –, l’industrie automobile et le luxe ont aussi le vent en poupe.

NOUVEAU RECORD EN SUISSE. Dans ce contexte propice, les actionnaires helvétiques ont aussi le sourire. Selon Janus Henderson, le montant des dividendes a augmenté de 6,2% l’an dernier en Suisse, pour atteindre le record de 44,2 milliards de dollars. La société de logistique Kühne & Nagel affiche la hausse la plus spectaculaire – de quoi remplir un peu plus les poches de Klaus-Michael Kühne, actionnaire principal de l’entreprise. Selon le magazine Bilan, M. Kühne détenait 23 à 24 milliards de francs en 2022, ce qui faisait de lui la troisième fortune du pays (2). Les banques helvétiques ont aussi choyé leurs actionnaires, tout comme les sociétés pharmaceutiques, de biotechnologie ou de l’alimentaire. Selon Seven Weidebor, responsable de Janus Henderson pour la Suisse, les grandes compagnies helvétiques se distinguent par leur continuité: elles augment «leurs dividendes année après année, certaines depuis plus de vingt ans» (3). On aura ici une pensée pour Nestlé, qui augmentera en 2023 les revenus versés aux détenteurs de ses titres pour la vingt-huitième année consécutive – grâce aux hausses de prix imposées aux consommateurs-trices. Le géant de l’assurance et de l’immobilier Swiss Life a quant à lui presque doublé ses versements depuis cinq ans (4).

GENÈVE, CAPITALE DES DIVIDENDES. Difficile de parler business global sans aborder le canton de Genève. Selon le quotidien Le Temps, les innombrables entreprises de négoce installées au bout du lac ont vu leurs profits – et dividendes – exploser en 2022. Trafigura, le groupe spécialisé dans les produits pétroliers, a ainsi versé 1,7 milliard de dollars à ses actionnaires. «La plupart de ses cadres, dont sa direction générale, sont basés à Genève et font fortune. En octobre dernier, le numéro deux de la firme, Mike Wainwright, s’est ainsi offert une somptueuse demeure à 49,5 millions de francs à Pregny-Chambésy» (5). Le topo est semblable pour les groupes Gunvor, Vitol, Mercuria, Cargill, LDC, tous établis au bout du lac. De quoi renforcer les arguments des partisans de l’initiative 179, qui veut taxer l’entier des dividendes et sera soumise en votation le 12 mars à Genève.

LE RETOUR DES BANQUES. En 2023, le montant des dividendes devrait continuer à croître, bien que de manière moins impétueuse. Janus Henderson pronostique un cap à 1600 milliards de dollars. Cette fois, ce sont les banques qui devraient être les plus généreuses. «Banks are back» («Les banques sont de retour»), indique en effet la NZZ: grâce à la hausse des taux d’intérêt, celles-ci gagnent plus d’argent que jamais, et leurs actions atteignent des sommets (6). L’avenir des actionnaires reste donc radieux. On ne peut pas en dire autant de celui des salarié-e-s. Selon les économistes d’UBS, les revenus du Travail ont reculé de 1,8% en moyenne l’an dernier en Suisse, soit la plus forte baisse depuis 80 ans (7). ◼

(1) Janus Henderson Global Dividend Index. Edition 27 (en anglais). Mars 2023.
(2) Bilan, décembre 2023.
(3) L’Agefi, 3 mars 2023.
(4) Idem.
(5) Le Temps, 24 février 2023.
(6) NZZ, 6 mars 2023.
(7) UBS, 8 novembre 2022.

services PUBLICS, 10 mars 2023, GUY ZURKINDEN, rédacteur

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