À Berne, la majorité de droite a avalisé une baisse des rentes LPP. PS et USS combattront cette révision.
Le 17 mars, la majorité de droite du parlement fédéral a adopté le projet LPP 21, qui se traduira par une baisse des rentes versées par le deuxième pilier du système de retraites. L’Union syndicale suisse et le parti socialiste lancent un référendum.
RENTES À LA BAISSE. Au cœur de LPP 21, on trouve la baisse du taux de conversion. Ce taux est appliqué au capital de retraite épargné dans une caisse de pension. Il permet de calculer le montant de la rente LPP versée à la retraite. Le parlement a décidé de faire passer ce taux de conversion de 6,8% à 6%. Conséquence: «Le capital constitué par un rentier durant son activité professionnelle aboutira à une rente plus petite» (1). Selon les calculs de l’Union syndicale suisse (USS), la baisse pourra atteindre 3240 francs par an. Un montant auquel s’ajouteront les pertes de pouvoir d’achat dues à la hausse constante des primes d’assurance maladie et à l’absence de compensation du renchérissement dans le 2e pilier, ajoute la faîtière syndicale. Cette attaque contre le pouvoir d’achat des salarié-e-s et retraité-e-s est d’autant plus inacceptable que l’argument principal brandi par ses partisans de droite vient de tomber à l’eau. «Pendant longtemps, la réduction a surtout été justifiée par le fait qu’il y avait trop peu de possibilités de placement sûres et rentables pour garantir des rentes aussi élevées. Avec le retournement des taux d’intérêt, cet argument a perdu de son urgence» (2).
COMPENSATIONS À LA BAISSE… Au parlement, les discussions ont beaucoup porté sur les compensations nécessaires pour faire accepter la baisse du taux de conversion. Suivant un projet concocté par l’USS et l’Union patronale suisse, le Conseil fédéral avait proposé de compenser ces baisses pour l’ensemble des assuré-e-s et sans limitation dans le temps, via une cotisation de solidarité de 0,5% touchant aussi les très hauts salaires. Les élues et élus fédéraux ont fortement revu le mécanisme à la baisse. Finalement, seule la moitié de la «génération transitoire», soit les quinze premières années qui suivront l’entrée en vigueur de la réforme, touchera une compensation. Celle-ci se montera à 200 francs au maximum (pour les personnes ayant accumulé un capital inférieur ou égal à 215 000 francs; au-dessus, le montant sera plus bas) et sera dégressive. Au-delà de la période transitoire, il n’y aura plus aucune compensation.
…COTISATIONS À LA HAUSSE. Autre point fort de la révision: la baisse de la déduction de coordination, cette part du salaire sur laquelle employeurs et employé-e-s ne paient pas de cotisations LPP. Fixé à 25 725 francs aujourd’hui, son montant représentera désormais les 20% du salaire. Ce système se traduira par une augmentation des cotisations – puis des rentes – pour les personnes touchant de bas salaires et les temps partiels. Un élément qui explique les réticences de certains secteurs patronaux, notamment l’Union suisse des paysans et Gastro-suisse, opposés à LPP 21.
Enfin, le seuil d’accès au 2e pilier sera abaissé. Au lieu de toucher 22 000 francs par an pour cotiser à la LPP, il faudra désormais gagner au moins 19 800 francs. 100 000 personnes supplémentaires devraient ainsi être assurées.
PAYER PLUS, TOUCHER MOINS. Pour l’Union syndicale suisse, LPP 21 se traduira par un recul net pour une majorité des salarié-e-s et retraité-e-s: «Les personnes proches de la retraite ne toucheront qu’un quart de la compensation intégrale des réductions de rentes. Et pour les personnes qui ne font plus partie de la génération de transition, ce sera: payer plus pour toucher des rentes plus basses. Même les très jeunes salarié-e-s auront droit, après quarante ans d’épargne, à des rentes encore plus basses que ce qu’on leur a promis jusqu’ici». Le président de l’USS, le conseiller national socialiste Pierre-Yves Maillard, dénonce de son côté les manœuvres des partis bourgeois, pour lesquels «il est simplement insupportable que les plus riches soient un peu plus solidaires» (3).
LE RÉFÉRENDUM EST LANCÉ. LPP 21 «illustre à quel point la majorité bourgeoise a abandonné la promesse de garantir une retraite décente pour tou-te-s les salarié-e-s, allègrement soutenue par les lobbyistes du secteur de la finance, les assureurs et les associations patronales», résume l’USS.
La résistance est lancée: le parti socialiste a saisi le référendum, et devrait être rejoint officiellement le 31 mars par l’Union syndicale suisse. La récolte de signatures débutera le même jour. On affute les stylos.
(1) ATS, 17 mars 2023.
(2) NZZ, 18 mars 2023.
(3) La Liberté, 15 mars 2023.
SSP, Services publics, 24 mars 2023
Reférundum annoncé contre LPP 21
Mercredi 15 février 2023, Sylviane Herranz
Le projet de réforme du 2e pilier tel qu’il sera soumis au Parlement lors de la session de printemps revient à puiser dans le porte-monnaie des actifs et à baisser les rentes. Les syndicats s’y opposeront.
«Le Parlement a fait de la réforme du 2e pilier un projet de démantèlement pur et simple.» Le constat de l’Union syndicale suisse (USS) est sans appel. Elle réagissait, le 3 février, aux résultats des travaux de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national qui venait de traiter une nouvelle fois la Réforme de la Loi sur la prévoyance vieillesse (LPP 21) et les divergences subsistant avec le Conseil des États, les deux Chambres ayant déjà pris position sur le fond l’année dernière. L’USS espérait un revirement et un retour au «compromis des partenaires sociaux», soutenu et présenté par le Conseil fédéral. Or, l’état de la réforme actuelle en est bien éloigné. Ce compromis visait à faire évoluer le 2e pilier vers une meilleure prise en compte des bas salaires et des temps partiels afin que les femmes ne soient plus autant discriminées au moment de la retraite. En raison de leur secteur d’activité, des arrêts professionnels pour se consacrer à la famille et des temps partiels, beaucoup de retraitées ne touchent pas de rentes du 2e pilier ou perçoivent des rentes très inférieures à celles des hommes.
«Arrogance crasse»
Le compromis prévoyait un seuil d’accès au 2e pilier abaissé ainsi qu’une diminution du taux de conversion qui devait être compensée par des suppléments de rentes pour les petits revenus, et les femmes en particulier. Ces suppléments devaient être financés par une augmentation des cotisations (appelées bonifications dans ce pilier), introduisant ainsi une part de répartition dans le système des caisses de pension basé sur la capitalisation. La Commission du Conseil national a rejeté, par deux tiers des voix contre un tiers, la proposition de retour au compromis. Elle a décidé de suivre la version du Conseil des États, adoptée en décembre, sur des points importants comme les mesures visant à compenser la baisse du taux de conversion. Cette dernière représente une réduction des rentes de près de 12%. Selon l’USS, avec le projet actuel, cette diminution ne sera compensée entièrement que pour moins de la moitié des femmes et pour un quart seulement de tous les assurés. Une décision «d’une arrogance crasse, souligne la faîtière dans un communiqué. Les femmes devront attendre pendant des décennies encore les améliorations promises, alors que le besoin est urgent et immédiat.»
Perte d’un mois de rente!
L’USS rappelle que les rentes du 2e pilier «sont en chute libre depuis au moins une décennie». Et de préciser qu’après les faibles taux d’intérêt et les baisses extrêmes des taux de conversion, la situation s’aggrave encore en raison de la non-compensation du renchérissement dans les caisses de pension. La conséquence concrète sera que les salariés partant à la retraite à la fin de 2024 perdront l’équivalent d’un mois complet de rente! Et la faîtière d’avertir: «Même une baisse du taux de conversion minimal n’est plus une option.» Pour l’USS, cette révision va «arnaquer» ceux qui travaillent alors que les prestataires, les caisses de pension et les assureurs vie en bénéficieront. Des prestataires qui aujourd’hui déjà prélèvent environ 7 milliards de francs par année pour la gestion du 2e pilier.
L’USS s’apprête à combattre «avec véhémence» un projet de démantèlement de la LPP, qui pour l’heure prévoit une hausse des cotisations de l’ordre de 3 milliards de francs pour des rentes plus basses. Elle annonce d’ores et déjà qu’un tel projet – qui revient devant les deux Chambres du Parlement lors de la session de printemps débutant le 27 février – sera contesté par référendum: «Les gens qui travaillent décideront dans les urnes s’ils veulent verser 3 milliards de francs supplémentaires dans les caisses de pension pour obtenir, au final, une rente moins élevée, ou s’ils préfèrent financer une 13e rente AVS.»
Initiative BNS suspendue
La nouvelle a été annoncée par le président de l’Union syndicale suisse (USS) juste avant les discussions de la Commission de la sécurité sociale du Conseil national sur la LPP. Par voie de presse, Pierre-Yves Maillard a informé de la suspension de l’initiative sur la BNS lancée par les syndicats en mai 2022. Le texte, demandant qu’une part des bénéfices de la Banque nationale suisse (BNS) soit versée à l’AVS, a déjà récolté 70000 signatures, sur les 100000 requises. Le président de l’USS justifie cette décision d’un côté en raison de la perte de quelque 132 milliards enregistrée l’an passé par la BNS, après des années de bénéfices faramineux, et par le très probable lancement du référendum contre la réforme LPP 21 qui nécessitera des forces. Le comité de l’USS en a décidé ainsi. Partie prenante de la faîtière syndicale, Unia a aussi donné son accord à cette suspension de la récolte de signatures sur l’initiative BNS.
Évènement syndical, Sylviane Herranz, 15 février 2023
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